FICHE ES12 - Prends chez toi Marie ton épouse - P. Henri CAFFAREL - L’Annonciation du Seigneur - L’Annonce à Joseph - pp. 38-41 du livre de 1983 (Edition 2006 - Parole et Silence.

 

Note éditorial

 

Nous poursuivons la publication du texte du P. Henri CAFFAREL - Prends chez toi Marie, ton épouse, mais selon l’édition du livre publié en 1983, qui reprend et modifie un peu la présentation de son Cahier. Les références des pages en sont modifiées - Editions du livre en 2006 aux Editions Parole et Silence.

 

 L’Annonciation du Seigneur (p.28-34)

 

 La scène qui va faire de Marie, en quelques instants, la Mère de Dieu, et la mettre au sommet de la Création et de la Rédemption, se déroule dans une simplicité absolue. Saint Luc, dans son évangile, le souligne par le contraste qu’il établit entre l’annonce à Zacharie, père de Jean-Baptiste (1, 5-32), et l’annonce à Marie, mère de Jésus (1, 26-38). Il faut relire ces deux écrits volontairement parallèles, pour éprouver la force de l’opposition.

 Le cadre, d’abord. D’un côté, la Ville Sainte, le Temple ; et dans ce Temple, le Sanctuaire, avec l’autel des parfums recouvert d’or, près du voile qui masque le Saint des Saints. De l’autre côté, une province reculée, à l’écart des grandes communications, à la population mélangée, que les Juifs appelaient méprisamment la Galilée des Gentils ; et dans cette province, une bourgade inconnue, que l’Ancien Testament ne nomme pas une seule fois, et la seule idée qu’il s’y passe quelque chose fait rire les voisins. De Nazareth, s’esclaffera plus tard Nathanaël, peut-il sortir quelque chose de bon ? (Jn 1, 46).

 Les personnages, ensuite. D’un côté, le prêtre Zacharie qui, seul dans le Sanctuaire, accomplit un acte solennel de son sacerdoce : l’offrande de l’encens sur l’autel des parfums, tandis qu’à l’extérieur se presse une foule recueillie. De l’autre côté, une petite villageoise de treize ou quatorze ans, seule dans une maison quelconque, et que sa vie de prière n’empêche pas de vaquer aux soins domestiques.

 L’action enfin. D’un côté, une manifestation spectaculaire, et qui va tout de suite faire du bruit. De l’autre, un colloque de quelques mots, qui restera enfoui dans un profond secret.

 Et pourtant ce qui se passe à Nazareth est incommensurable avec ce qui s’est passé au Temple. Le miracle n’est pas seulement plus divin, mais absolument divin. Dieu n’agit pas seulement, Il vient. Et c’est en même temps beaucoup plus simple, comme si Dieu voulait dire que, plus ses œuvres sont grandes, plus il tient à la modestie des choses et des êtres pour les accomplir.

 Marie est donc dans sa maison, comme tous les jours. Comme tous les jours, elle range, elle nettoie, elle cuisine. Inutile d’imaginer Marie à son Livre d’Heures. Elle s’occupe, mais son cœur est libre d’aller vers ce qu’elle aime. Et ce qu’elle aime, c’est d’abord la conversation avec Dieu ; pour la nourrir, il lui suffit de se rappeler les grands textes de la Bible qu’elle connaît bien, les psaumes qui chantent dans sa mémoire et sur ses lèvres, les prophéties qui, de siècle en siècle, ont annoncé le Messie à venir et qui bercent Israël d’un immense espoir, que certains prennent pour un rêve. Mais elle, qui y croit passionnément, mystiquement, voudrait être pour quelque chose dans la venue du Sauveur. Comment ? Elle n’en sait rien. Les vues de Dieu sont insondables. Et il suffit d’être disponible quand il parle.

 Ce qu’elle aime, c’est donc Dieu avant tout. Mais elle aime aussi ce jeune homme beau et viril, Joseph, qui s’est déjà engagé envers elle, et envers qui elle s’est engagée. Comment ne pas penser à lui en même temps qu’à Dieu, puisque leur prochain mariage est voulu de Dieu ? A l’instant où l’Ange se manifeste, Marie a le cœur rempli de Dieu, mais aussi tout donné à Joseph.

 Le Messager s’approche, parle. Marie le regarde sans surprise, étant de plain-pied avec les choses de Dieu ; mais comme ses paroles sont étrangement solennelles ! Chaque mot tombe sur elle, lourd de mystère : Réjouis-toi, c’est plus qu’un simple salut. C’est une invitation à la joie, et très particulièrement à la joie messianique. Marie se souvient que cet impératif annonçait dans la Bible la venue de Dieu parmi son peuple : pousse des cris de joie, fille de Sion ! Pousse des cris d’allégresse, Israël ! Réjouis-toi et exulte à plein cœur, fille de Jérusalem !... Le roi d’Israël, Yahvé, est en toi (So 3, 115). Se pourrait-il qu’enfin … ? Mais pourquoi ces paroles lui sont-elles adressées ?

 Toi qui as la faveur de Dieu. L’Ange ne dit pas Marie, comme c’est la coutume. Il semble lui donner un autre nom que le sien, un nom prophétique, comme chaque fois que Dieu désigne un élu pour une mission. Mais alors, Marie serait l’objet de la faveur divine ? Pour quelle tâche ? Le Seigneur est avec toi. Elle sait bien que le Seigneur est avec ceux qui croient en lui. Mais là, il s’agit bien, semble-t-il, d’une présence toute particulière, en rapport avec la joie et la prédilection qui précèdent. Marie, la toute humble, la pauvre du Seigneur, plie sous le choc. Que lui arrive-t-il ? L’Evangile, toujours avare de mots affectifs, note qu’elle fut bouleversée.

 L’Ange reprend alors les mêmes formules en d’autres termes : Ne crains point (réjouis-toi), Marie (cette fois son nom est dit), tu as trouvé faveur auprès de Dieu (toi qui as la faveur de Dieu) Et d’un trait, il livre la nouvelle inouïe : Tu vas concevoir et tu enfanteras un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus. Il sera grand et on le tiendra pour le Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père, il régnera à jamais sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin (Lc 1, 31-32).

 Cette fois, plus de doute. C’est bien sur elle que déferle l’énorme vague de l’espérance messianique, venue du fond de l’histoire humaine. Le règne de Yahvé au milieu de son peuple, la venue du Messie, fils de David, ces deux grandes promesses qui rythmaient l’Ancien Testament et qui avaient été l’âme de sa propre prière, c’est par elle, Marie, qu’elles s’accompliront.

 Mais pour s’engager plus lucidement dans le plan de Dieu, pour mettre son intelligence de pair avec le consentement profond de sa volonté, elle pose une question : Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? (Lc 1, 34). Il ne s’agit pas d’une objection, d’une demi-incrédulité, comme celle de Zacharie (Lc 1, 20) ; sinon elle ne recevrait pas une réponse favorable de l’Ange et, plus tard, Elisabeth ne la bénirait pas pour avoir cru en l’accomplissement de ce qui lui avait été dit (Lc 1, 45). Marie est tout élan vers Dieu et ne saurait rien refuser, ni rien mettre en doute. Sa question signifie : Si je dois être mère, comment garderai-je ma virginité ? Car cette virginité n’est pas seulement, dans sa pensée, un état de fait provisoire, mais une volonté définitive. Entre cette virginité et la mission qui lui est proposée, elle ne voit pas la compatibilité. Et elle veut la voir, pour entrer totalement dans le dessein de Dieu.

 En même temps, l’homme qu’elle évoque en cet instant n’est pas simplement l’homme en général, c’est cet homme tendrement aimé, Joseph, dont son cœur de femme est rempli. L’homme qu’elle-ne-connaît-pas, au sens biblique et physique du mot, mais qui est pourtant celui auquel elle a noué son destin et à qui elle pense sans cesse, ne sera-t-il pour rien dans ce mystère ? A l’arrière-plan de l’interrogation de Marie, se profile son amour pour Joseph.

 L’Ange ne répond qu’à la question directement posée : L’Esprit Saint viendra sur toi et l’ombre de la puissance du Très-Haut te couvrira ; aussi l’enfant à naître qui sera saint, sera-t-il tenu pour le Fils de Dieu (Lc 1, 35). Là encore, les mots ont pour Marie une profonde résonance biblique : l’Esprit viendra sur toi, comme sur les hommes choisis par Dieu, comme sur le Messie, l’Emmanuel annoncé, comme sur la communauté de la fin des temps ( NDLR -- l’Eglise). La puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre, comme la nuée qui précédait les Hébreux dans le désert, et qui enveloppait la Tente de Réunion où reposait l’Arche Sainte.

 Marie comprend, sans aucun doute, qu’une intervention spéciale de Dieu va faire de son sein virginal une nouvelle Tente de Réunion, une nouvelle Arche d’Alliance, où naîtra le Messie, sans qu’un homme ait besoin de l’approcher. Comprendra-t-elle aussi que le Saint qui naîtra d’elle sera le Fils de Dieu, au sens le plus absolu du terme ? Probablement non, car l’Ancien Testament n’avait jamais dit que le Messie serait Dieu, et rien n’autorisait une hypothèse aussi audacieuse. Elle voit bien que son fils, le Messie, sera plus proche de Dieu qu’aucun libérateur d’Israël ; mais il faudra des mois, des années, pour qu’elle découvre que sa maternité messianique est aussi une maternité divine.

 Pourtant, si sa foi, comme toute foi, reste obscure, elle n’en est pas moins totale. Et elle prononce le mot que Dieu attendait d’elle, que l’univers entier attendait sans le savoir : Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole. La soumission est inconditionnelle. L’avenir de son enfant reste dans l’ombre, le sien également ; mais d’avance, elle souscrit à tout. Et elle y souscrit, non passivement, mais de toute l’énergie de son être ; le Fiat est impératif, c’est un ordre qu’elle se donne à elle-même, par lequel elle prend en main sa vie et la jette en avant. Il y a ainsi des créatures qui restent dans l’attente et qui, une fois décidées, révèlent une force extrême.

 L’Ange est parti. Marie est toujours là dans sa maison, la même que tout à l’heure en apparence. Pourtant, c’est une autre Marie. Elle médite le message, et peu à peu il l’envahit et la transfigure. Comme toutes les femmes d’Israël, elle aura un enfant et se retrouvera ainsi sur la grand-route de la bénédiction divine traditionnelle. Mais son enfant ne ressemblera à aucun autre ; elle-même ne ressemblera à aucune autre mère. Et du coup, tout s’éclaire et se coordonne. Dieu lui avait inspiré de rester vierge ; Dieu lui demande aujourd’hui d’avoir un enfant ; Dieu ne se contredit pas, mais il fallait qu’en choisissant la virginité, elle renonçât à être mère pour pouvoir le devenir aujourd’hui. Elle découvre qu’on ne possède jamais (mais alors au centuple) que ce qu’on donne. Parce qu’elle a renoncé délibérément aux joies pures et fortes de la maternité, elle les retrouvera et les éprouvera comme jamais aucune mère ne les a connues.

 Et son enfant sera le Messie. A sa joie de mère, s’ajoute celle de donner un Sauveur au monde. L’attente séculaire d’Israël, l’attente millénaire des hommes, a enfin trouvé sa réponse. Et Marie la Servante est la dépositaire de cet espoir comblé. Pour l’instant, dans la maison de Nazareth, sa joie surpasse toute expression, et Marie s’abîme dans un silence adorant.

 

L’annonce à Joseph (p.35-41)

 

Un changement profond s’est opéré en Marie. Une lumière nouvelle émane d’elle, car elle est possédée par la joie messianique, par cette extraordinaire certitude de voir réalisées les promesses faites au Peuple de Dieu depuis des siècles. Et surtout, elle porte en elle, infime et dévorant, celui qui va peu à peu prendre chair dans sa chair, le Sauveur du monde. Chez un être aussi transparent que Marie, tout cela irradie dans ses gestes, dans sa démarche, sur son visage, dans son sourire, au fond de ses yeux clairs.

 Comment un regard aussi aimant que celui de Joseph ne percevrait-il pas cette transfiguration ? Nous savons tous par expérience que l’amour a des yeux pour discerner, à des signes imperceptibles, ce qui reste invisible aux indifférents. Marie et Joseph ne s’étaient jamais rien caché l’un à l’autre. Sans doute, à une certaine profondeur de leur être, Dieu seul régnait, et chacun respectait en l’autre cette zone sacrée, inviolable. Mais peut-on croire que Marie se soit murée dans son secret, que rien n’ait transparu, comme malgré elle, du bouleversement de sa personne et de sa vie ? Peut-on croire que Joseph n’ait rien remarqué, n’ait rien désiré savoir, bien avant même que l’apparence physique de Marie ne se fut modifiée ? Tout se dire, c’est la loi commune entre ceux qui s’apprêtent au mariage. L’Ange n’avait pas demandé à Marie de se taire ; comment n’aurait-elle pas partagé la confidence divine avec celui que Dieu lui avait donné ?

 Peut-être est-ce Marie qui a parlé la première, parce que son cœur éclatait de joie, et qu’elle pouvait la faire partager à Joseph ; peut-être est-ce Joseph, surpris par cette Marie semblable et si différente, qui a posé la question, fût-ce par un regard ou un silence. Toujours est-il que Marie a révélé la merveille, et tous deux se taisent. En Joseph montent un chant de reconnaissance et de louange, ainsi qu’une admiration éperdue pour Marie, cette Arche de chair où repose le futur Messie. Mais en même temps perce une douleur qui devient peu à peu lancinante.

 Pas un instant, le doute n’a effleuré Joseph : il connaît trop bien Marie, sa totale soumission à Dieu, sa pureté, sa sainteté, son respect de la Loi, son engagement envers lui-même. Le moindre soupçon serait infamant, non pour Marie, mais pour le soupçonneux. La douleur de Joseph ne vient pas de là. Mais ce juste (Mt 1, 19) a un sens aigu du mystère. Dieu a fait de Marie son bien, pour un dessein qui passe toute vue humaine. Devant Marie, devant l’œuvre de Dieu en Marie, Joseph a le recul sacré de tous ceux qui prennent conscience de leur indignité ; il réagit comme les justes de l’Ancien Testament, comme Pierre disant : Retire-toi de moi, parce que je suis un pécheur (Lc 5,8). Quelle place pourrait-il avoir, quel rôle pourrait-il jouer, là où Dieu seul mène le jeu ? A l’Ange de l’Annonciation, Marie posait la question : Que deviendra ma virginité ? Joseph, lui, se pose une autre question : Que deviendra mon mariage ?

 Une alternative cruelle s’impose à lui. Ou bien, il reste avec Marie : alors il va usurper le titre de père, qui appartient à Dieu seul, en laissant croire que l’enfant est le sien. Ou bien il renonce à Marie, et il s’éloigne, en prenant toute précaution pour que Marie ne subisse aucun affront public. Mais s’écarter ainsi, c’est sacrifier son mariage ; c’est donc rompre avec celle qui lui avait tout donné, et à qui il avait tout donné ; c’est quitter cette créature parfaite, auprès de qui l’amour, la vie n’étaient que joie et lumière ; c’est abandonner le projet de vivre ensemble pour Dieu. Comment Joseph n’en serait-il pas torturé ?

 Près de lui, Marie se tait. Elle sait qu’il souffre, et pourquoi il souffre. Mais elle n’a pas de réponse à lui donner. Elle ne peut que se tourner avec lui vers le Seigneur. Eux qui n’avaient partagé jusqu’ici que l’espérance et le bonheur, voilà qu’ils découvrent une communion amère, celle de l’incertitude et du déchirement. Ils ne sont pas moins unis, mais d’une manière toute différente. Elle sait même, ou du moins elle devine (elle devine tout en celui qu’elle aime) que Joseph songe à se séparer d’elle. Elle l’accepte d’avance, si telle est la volonté de Dieu ; mais elle ne peut pas ne pas en souffrir, et d’une double douleur : celle d’être séparée elle-même de lui, celle de le voir partir seul dans la vie, sans compagne, sans mission, tandis qu’elle, elle, a trouvé sa voie.

 C’est ainsi qu’il faut comprendre le texte si bref, et à première vue si déroutant, de Matthieu, 1,18-19 : Avant qu’ils eussent mené vie commune, Marie se trouva enceinte par le fait de l’Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas l’exposer à un affront public, résolut de se séparer d’elle secrètement. Il était donc perplexe, quand Dieu intervint : Il avait formé ce dessein, quand l’Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : Joseph, fils de David, ne crains point de prendre chez toi Marie, ton épouse ; car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et c’est toi qui lui donneras le nom de Jésus : car il sauvera son peuple de ses péchés.

 Marie avait reçu sa révélation alors qu’elle était éveillée ; Joseph reçoit la sienne durant son sommeil, un sommeil qu’on imagine tourmenté. Pendant ces heures nocturnes où la raison et la volonté perdent leur empire, nos angoisses prennent souvent leur visage le plus terrifiant.

 L’annonce commence solennellement : Joseph, fils de David. Mais ce n’est pas seulement pour rappeler au charpentier qu’il est de race royale, c’est pour indiquer la raison même de sa présence auprès de Marie et de l’Enfant : comme le noteront Matthieu et Luc dans leurs généalogies, Jésus se rattache à la lignée de David par Joseph, et devient donc par lui l’héritier direct des grandes promesses messianiques. Ne crains-point : la joie est retrouvée. Gabriel avait ainsi rassuré Zacharie (Lc 1 , 13) et Marie (1,30) ; par ce seul mot, il enlève le poids qui écrasait Joseph. Prends chez toi Marie, ton épouse : la réponse est exactement celle qui correspond à la question obsédante que se posait Joseph : que deviendra notre mariage ? Oui, ce mariage fait bien partie du plan de Dieu, et il sera en même temps un vrai mariage humain, une intimité quotidienne. Car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint : Joseph le savait déjà, mais cette grande lumière éclaire tout, et c’est elle qui révèle à la fois la vraie maternité de Marie et la vraie paternité de Joseph. Elle enfantera un fils : Marie sera donc une mère comme toutes les mères de la terre. Et c’est toi qui lui donneras le nom de Jésus : le droit de Joseph sur Jésus est fortement affirmé. Et comme le nom de Jésus est prophétique de sa mission (Dieu sauve), c’est donc Joseph qui, en quelque sorte, consacrera légalement et socialement la mission du Fils de Dieu.

 Dès lors la joie peut éclater, l’amour refleurir entre Marie et Joseph. C’est un nouveau départ de leur mariage. La première annonciation avait, non seulement confirmé la virginité de Marie, mais révélé qu’elle était la condition nécessaire de sa maternité. La seconde annonciation, non seulement maintient leur mariage, mais lui donne une promotion extraordinaire. Jusqu’alors, certes, leur don mutuel était au service de Dieu. Mais quel était ce service ? La prière et la contemplation ? Une action dans le peuple de Dieu ? Leur union semblait en tout cas privée de son fruit naturel, l’enfant, puisqu’elle devait rester virginale. Il y avait donc de l’incertitude dans l’orientation de leur vocation. Cette fois, tout es clair. La puissance divine donne à ce mariage la dimension qui lui manquait : celle de la fécondité, et avec une excellence inouïe, puisque leur enfant vient de Dieu et qu’il sera le Sauveur du monde. Et cette fécondité accomplit à la fois leur don à Dieu et leur mission dans le peuple de Dieu.

 Du même coup, Joseph comprend, et Marie avec lui, que l’Enfant n’est pas confié à Marie seule, mais à leur mariage, à leur amour. Joseph n’est pas dépouillé de son titre d’époux : celui-ci rentre dans le plan divin, comme y rentrait la virginité de Marie. Il sera le père terrestre de Jésus, aussi réellement qu’il est époux de Marie. Et c’est pourquoi il doit prendre avec lui Marie, son épouse. Ainsi le risque qui effrayait tant Joseph, celui de passer pour le père du Messie, Dieu lui-même l’assume. Dès lors, plus de crainte. Joseph se montrera si bien le père terrestre de Jésus que l’opinion en sera convaincue, et que les évangélistes affirmeront cette paternité avec autant de fermeté que la maternité virginale (Lc 3,23 ; 4,22 ; Mt 13,55 ; Mc 6,3 ; Jn 6, 42). Joseph est vraiment le père parce que l’enfant est donné par Dieu, non pas à Marie seule, mais au couple de Joseph et Marie. Que ce soit par des voies inhabituelles n’y change rien. Qui oserait dire que Joseph n’a pas aimé Jésus d’un cœur plus parfaitement paternel qu’aucun père de la terre n’a aimé son enfant ?

 Après le songe révélateur, Joseph se réveille. Il attend le jour pour courir chez Marie. Avant même toute explication, elle comprend : il suffit de voir ce visage transformé. Elle avait connu le jeune Joseph, étonnamment disponible à Dieu, étonnamment tendre et attentif ; elle avait connu l’homme tourmenté, incertain des voies de Dieu, déchiré dans son amour ; elle a devant elle un autre Joseph, fort de toute la responsabilité qui vient de lui être donnée, et qu’il accepte pleinement. Cet homme qui est là n’est plus seulement l’époux, le compagnon de son âme et de sa vie ; c’est le père de son enfant. Et une admiration, une tendresse nouvelles montent au cœur de Marie, en même temps qu’une reconnaissance infinie envers Celui qui vient de les unir à nouveau, ou plutôt de leur révéler pourquoi il les avait unis.

 Leurs regards se sont compris. Leurs mains se rejoignent, dans une étreinte où Joseph fait passer, avec tout l’amour d’autrefois, la nouvelle autorité qu’il assume. Et Marie s’abandonne à ce Joseph nouveau qui lui est donné, à cet homme fort dont elle a besoin pour être la mère du Messie. (A suivre)

 

 

  1. CAFFAREL - La Présentation de Jésus au Temple
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  3.  Note éditoriale
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  5. En raison de la fête de la Présentation de Jésus au Temple, le 2 février de chaque année, nous publions cet article du P. Henri Caffarel. Il est paru dans le cahier double 123-124 de la revue l’anneau d’or de Mai-Août 1965, p. 218-220.
  6.  De fait deux autres fiches porteront les références ES11 et ES12, portant sur les deux Annonciations à Marie et à Joseph ; elles seront publiées en février et mars pour préparer les deux fêtes des 20 mars (Saint Joseph) et 25 mars (l’Annonciation à Marie).

 Ces fiches d’Ecriture Sainte reprennent les de l’Enfance de Jésus. Pour les raisons précisées ci-dessus, il n’y a pas le respect de la chronologie des événements. Que les lecteurs comprennent ce léger bouleversement et rétablissent eux-mêmes la chronologie.

 

 Début du récit…

 

  1. Toujours fidèles aux observances de la Loi, Joseph et Marie, au bout de quarante jours, montent au temple de Jérusalem pour les cérémonies de purification et de rachat (Lc 2, 22-24).
  2.  Marie, qui est la toute-pureté, l’Immaculée, n’avait pas à être purifiée ni à se racheter d’une souillure, même légale. Mais il fallait qu’elle ne se distinguât pas, qu’elle restât dans l’anonymat de toutes les mères d’Israël qui venaient, ce jour-là, demander au prêtre la purification rituelle. Avec l’humilité qui est dans sa nature, qui est consentement à toutes les volontés de Dieu, elle se plie à une obligation qui ne la concerne pas.
  1.  La Loi prévoyait aussi le rachat des premiers-nés par cinq sicles d’argent. Luc ne mentionne pas cette particularité. Il est vrai que la Loi admettait une exception à la règle, pour les enfants des Lévites ; ceux-là en effet consacrés au Seigneur dès leur enfance et devaient le rester toute leur vie : ils n’avaient donc pas à être rachetés. Luc assimile Jésus aux fils de Lévi : même s’il n’affirme pas explicitement que l’enfant appartient à cette caste sacerdotale, il voit en lui le Saint, le consacré par excellence, et à ce titre il lui applique l’exception prévue pour les Lévites.
  2.  Aussi bien n’est-ce pas le cérémonial de la purification et du rachat qui domine cette scène, mais celui de la Purification. Pour lui donner un tel relief, Luc se souvient peut-être que le jeune Samuel avait été présenté au Temple de Yahvé à Silo (I Sam. 1, 24-28) ou plus encore que, selon la prophétie de Malachie, il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez… Il purifiera les fils de Lévi… et ils deviendront pour Yahvé ceux qui présentent l’offrande comme il se doit (Mal. 3, 1-3). Une offrande comme il se doit, une offrande pour la première fois digne de Dieu : voilà ce que Joseph et Marie apportent au Temple.
  1.  Au matin du quarantième jour, ils sont donc en chemin vers Jérusalem, leur léger fardeau entre les bras. Le printemps va commencer ; il fait beau et frais ; les premiers brins d’herbe verdoient au talus du sentier, les premières anémones montrent leur tête rouge, les amandiers sont en fleurs. Mais cette joie de la nature n’est rien à côté de leur joie : pour la première fois depuis la naissance, ils montent au Temple ; pour la première fois, ils vont présenter officiellement leur fils dans la Maison du Père. Comme en venant à Bethléem, ils murmurent ces psaumes des montées, qui rythmaient la marche des pèlerins en route vers la Ville Sainte, pour chanter leur allégresse indicible. Et quelle résonance on pour Marie et Joseph des versets comme ceux-ci :
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  3. Yahvé, mon cœur be s’est pas gonflé, ni mes yeux haussés.
  4.  Je n’ai pas pris un chemin de grandeurs, ni de prodiges qui me dépassent.
  5.  Non, je tiens mon âme en paix et silence. Comme un enfant contre sa mère.
  6.  Mon âme est en moi comme un enfant sevré. (Ps 131)
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  9.  Ils arrivent au Temple, confondus dans la foule. Pour un demi-sicle, ils achètent à l’un des marchands qui envahissent les parvis deux tourterelles, destinées au sacrifice : deux tourterelles, et non un agneau parce qu’ils sont pauvres, et que même devant Dieu ils restent de leur condition. Puis ils s’engagent sous les hauts portiques, Joseph portant les tourterelles, Marie tenant l’enfant. Ils sont émus, intimidés, mais profondément heureux. Ils arrivent au prêtre, qui reçoit l’offrande, et ils présenten l’enfant, autre offrande.
  1.  Le contraste est absolu entre l’éclatante splendeur du Temple, ses prêtres en grand costume, sa foule bariolée et bruyante, sa liturgie somptueuse - et ce couple de jeunes gens qui semble un peu perdu, et à qui personne ne prête attention : on en voit tant chaque jour qui passent et qui défilent ! Mais à regarder les choses de l’intérieur, quel autre contraste bien plus saisissant : En entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice, ni oblation, mais tu m’as formé un corps. Alors j’ai dit : Me voici, je viens, ô Dieu pour faire ta volonté (Hebr. 10, 5-7). Le Temple et sa splendeur dis paraissent en comparaison de cette offrande digne de Dieu. Rien n’existe plus que cet enfant, et son Père qui le regarde avec amour.
  2.  Marie et Joseph comprennent ce que signifie le geste. Ils éprouvent aussi en profondeur, une des joies les plus certaines de l’amour : n’est-on pas heureux quand on peut offrir ensemble ce qu’on aime à quelqu’un que l’on aime ? En cette minute, tout cela est réuni en perfection : Joseph et Marie sont ensemble, unis par la plus parfaite des vocations conjugales ; ils offrent ce qu’ils ont de plus cher au monde : l’enfant qui leur vient de Dieu ; et ils l’offrent à Celui auquel ils se sont consacrés depuis leur jeunesse, pour être ses serviteurs. La joie d’offrir, qui est au cœur de toute union humaine, trouve avec ce père, cette mère, cet enfant, son plus haut accomplissement.
  1.  Vont-ils être les seuls à comprendre ? Non ! Dieu va leur accorder cette grâce : eux personnages vont se détacher et venir vers eux.
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  3.  Syméon
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  5. Le premier est un homme nommé Syméon (Lc2, 25). Qui est-il ? Rien ne le distingue particulièrement ; ce n’est pas un dignitaire, ni un prêtre, car il ne vient pas au Temple pour son office ; c’est proprement un inconnu, de condition modeste, comme tous ceux que Luc nous présente dans son récit de l’enfance. Celui-là va pourtant dire de grandes choses, et dont les dernières seront terribles.
  6.  Il prend l’enfant dans les bras de Marie et se met à prophétiser. Ses paroles ont à la fois la douceur de l’abandon à Dieu au soir de sa vie et l’exaltation surhumaine d’avoir contemplé, avant de mourir, le salut préparé à la face de tous les peuples, lumière pour éclairer les nations, et gloire de son peuple Israël (Lc 2, 30-42). La mission de Jésus s’élargit ainsi aux dimensions du monde : il sera le Sauveur de son peuple, certes, mais surtout celui qui sauve l’humanité. Une joie nouvelle s’étend sur Marie et Joseph. Cette joie va être de courte durée, car Syméon, se tournant vers Marie et s’adressant à elle seule, ajoute : Vois ! Cet enfant doit amener la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël ; il doit être un signe en butte à la contradiction (Lc 2,34). Ainsi les hommes qu’il viendra sauver se partageront en deux camps : ceux qui seront pour Lui et eux qui seront contre lui. Se peut-il que leur enfant, que le fils de l’amour, ne soit pas aimé ? La voix de Syméon se fait plus grave encore : Et toi-même, un glaive te transpercera l’âme ! Ainsi seront dévoilés les débats de bien des cœurs (Lc 2,35).
  1.  Quelles sont les réactions de Joseph et Marie à ce verdict ? Pour Marie, la métaphore du glaive ‘empruntée ou non à la Bible, elle parle d’elle-même) signifie qu’elle souffrira. Jusqh’où ? On ne saut, mais d’avance il faut prévoir le pire : la Passion est toute entière dans cette prophétie menaçante. Désormais, Marie ne pourra plus regarder Jésus sans songer aux luttes et aux épreuves qui l’attendent, sans éprouver la pointe du glaive. Mais, en même temps, une joie étrange et nouvelle l’envahit : car si Jésus souffre, elle souffrira avec Lui. Et ce sera la consécration ultime de son amour.
  2.  Et Joseph, en écoutant Syméon, quel choc éprouve-t-il ? Il pense à Jésus, certes, mais à Marie aussi, qui va devenir Mère des Douleurs ; et à cette évocation, un glaive le traverse à son tour : quel homme ne serait pas torturé à l’idée que celle qu’il aime sera conduite jusqu’à l’agonie du cœur ? Et ne pense-t-il pas aussi à lui-même, ou plutôt à sa mission de gardien et de protecteur ? Syméon ne s’est adressé qu’à Marie ; faut-il comprendre qu’il ne sera plus là, lui Joseph, quand son enfant et son épouse souffriront à en mourir ? Il lui faut un courage surhumain pour supporter cette pensée, et une foi héroïque pour s’abandonner à la volonté de Dieu. Cat on a besoin de plus de courage, de plus de foi, pour quitter dans le péril ceux qu’on aime, que pour les accompagner et les soutenir.

 

  1.  Anne
  2.  
  3. A ce moment, une autre surgit auprès d’eux : une petite vieille, ridée, menue, qui s’identifiait pour tout le monde avec les meubles, les ustensiles, les colonnes du Temple. Elle s’appelait Anne, mais qui savait son nom ? Elle avait été mariée, elle était devenue veuve ; elle s’était consacrée à la prière ; invisible à tous, elle n’était qu’ombre et silence au milieu des fastes et du bruit. Et voilà que l’ombre muette se met à parler. On se retourne, on sourit. Qu’est-ce qui lui prend ? Elle se met à louer Dieu, et à parler de l’enfant à tous ceux qui attendaient la libération de Jérusalem (Lc 2,38). Tandis qu’on s’attroupe autour d’elle, Marie et Joseph s’esquivent avec l’enfant ; ce n’est pas à eux d’annoncer la nouvelle ; ils sont le père et la mère, non les Apôtres. Mais cette dernière vision, si inattendue, les poursuit, et les rend à la joie qui venait de s’assombrir. Oui, après tout, c’est bien le salut du monde qui est entre leur bras, - et aucune souffrance ne peut diminuer cette certitude. Oui, il est là avec eux, ce petit être sur qui pèse un prodigieux destin, mais qui pour l’instant est seulement leur enfant, leur cher amour.
  4.  Texte du P. Henri CAFFAREL proposé par le Père Albert Perrier*
  5.  

 

Mon livre Joseph le respectueux est proche de cette évocation de saint Joseph. Contact courriel : perrieralbert@aol.com

 

 

he ES10 - Prends chez toi Marie, ton épouse ! par le P. Henri Caffarel -

Chronique du mariage de Joseph et de Marie - La rencontre et les fiançailles.

 

 

 

Introduction éditoriale

 

Nous avons le bonheur de retrouver le P. Henri CAFFAREL dans le suivi de son Cahier de l’Anneau d’or de mai-août 1965, sous le titre : Prends chez toi Marie, ton épouse ! Les récits des Annonciations à Marie et Joseph nous invitent à parler de leurs fiançailles. En voici les textes de Luc et de Matthieu :

 

  • Le sixième mois d’Elisabeth, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée du nom de Nazareth, à une jeune fille accordée en mariage à un homme nommé Joseph , de la famille de David ; cette jeune fille s’appelait Marie (Lc 1, 26-27).

  • Voici quelle fut l’origine de Jésus-Christ. Marie, sa mère, était accordée en mariage à Joseph (Mt 1, 18).

 

Pour rendre compte de cette réalité, nous suivons le P. Caffarel selon deux réflexions. Elles nous paraissent complémentaire : chacune touche à l’humain de façon délicate et profonde, et souligne la vocation spécifique de l’un et de l’autre, puisqu’il s’agit du mystère révélé et accueilli dans la foi.

 

 

 

La rencontre et les fiançailles (texte aux pages 187-189.

 

 

 

On ne sait évidemment rien des circonstances où Joseph et Marie ont pris conscience qu’ils étaient destinés l’un à l’autre. Selon toute vraisemblance, ils avaient passé leur enfance et leur jeunesse à Nazareth, et cette proximité leur avait permis de se connaître.

 

Marie, comme toutes les jeunes Israélites, était assez libre ; elle pouvait garder les troupeaux, aller chercher l’eau à la fontaine, faire des visites, glaner aux champs derrière les moissonneurs. Rien ne l’empêchait donc de rencontrer Joseph, aussi bien que d’autre jeunes gens. Il a pourtant fallu qu’à un moment donné, ils pensent l’un à l’autre autrement que deux voisins de village, même liés de sympathie. Il a fallu qu’ils éprouvent de l’amour l’un pour l’autre. C’est à cet éveil de leur amour que nous pouvons réfléchir.

 

 

 

(NDLR : Au cours d’un Pèlerinage en Terre Sainte, notre guide a très simplement insisté sur le chemin parcouru par Marie pour aller et venir à la fontaine, depuis sa maison. Il était convaincu que ce chemin passait au long du mur de la propriété dite de la Maison du Juste (Joseph) dont les fouilles ont livré bien des indications recoupant ce qu’en disent les témoignages de pèlerins, comme Egérie, au IVème siècle. Ce que dit le P. Caffarel me parle beaucoup, au-delà d’une approche très humaine).

 

Gardons-nous de deux tentations. La première serait de de décalquer simplement sur eux les sentiments que peuvent éprouver deux jeunes gens attirés l’un vers l’autre : une telle transposition serait inconvenante pour ces êtres d’exception, qui l’un et l’autre s’étaient voués au Seigneur, et dont l’amour ne pouvait éclore que sous cette lumière. L’autre tentation serait de les faire échapper à la condition humaine, et de nier qu’un amour véritable soit né entre eux. Disons au contraire que leur amour fut le seul véritable, si l’on donne son plein sens au mot vérité : car aucune interférence de convoitise, de pesanteur, de tendance adverse ne venait corrompre leurs élans. Nous pouvons dons réellement connaître cet amour, à condition d’ôter à l’expérience humaine ce qu’elle charrie d’impur et de trompeur.

 

Quel âge avaient-ils tous les deux ? On se mariait de bonne heure en Israël, comme dans tous les pays d’Orient. Pour les hommes, un grand nombre de rabbis pensaient que dix-huit ans était l’âge favorable ; les plus larges reculaient jusqu’à vingt-quatre ans, mais les plus austères assuraient que le Saint Unique maudissait l’homme qui à vingt ans n’était pas marié. Quant aux filles, on les mariait sitôt nubiles (la nubilité légale était à douze ans et demi). Marie, quand elle mettra Jésus au monde, n’aura sans doute pas plus de quatorze ans. Ils étaient donc jeunes, mais également conscients et décidés. Pour Joseph, nous avons vu que sa personnalité, bien que discrète était forte, et qu’il était un homme de Dieu : s’était-il résolu à la virginité ? Il est impossible de le savoir et même de le conjecturer. Quant à Marie, elle était la consacrée par excellence : l’Eglise a toujours affirmé qu’elle était la Sainte Vierge, et que depuis l’âge où on prend consciemment son destin en main, elle avait fait le don total d’elle-même à Dieu par la virginité.

 

C’est entre ces deux êtres que va naître l’amour humain, le plus grand amour qui soit jamais éclos sur cette terre. Mais il n’aura pas la même source, le même mouvement que chez les autres hommes. Normalement on va de l’amour humain à l’amour de Dieu ; ici, l’ordre est inversé : c’est Dieu, premier connu, qui fait connaître l’autre ; c’est Dieu qui, par sa charité, éveille en chacun l’amour de l’autre. L’élan qui porte Marie vers Joseph, Joseph vers Marie, n’est donc pas différent de celui qui les porte à Dieu. Tous ceux qui ont connu l’éblouissement d’un jeune amour dans un climat de grâce pressentiront quelque chose de ce mystère, mais il n’a été connu et vécu dans sa plénitude que par Joseph et Marie.

 

Est-ce à dire que l’irradiation divine efface la réalité humaine, la tendresse quotidienne de leur dialogue ? Il est vrai que l’amour de Dieu qui les possède a fait d’eux des êtres nouveaux ; littéralement, il les a recréés, il les a rendus enfants de Dieu. Mais cette puissance, cet élan, s’emparent de toutes leurs autres puissances, de tous les élans, les purifie, les oriente, les affine pour les rendre plus aptes au don de soi et plus disponibles à l’accueil de l’autre.

 

On aimerait, non seulement détailler toutes les nuances de cette joie d’amour entre Joseph et Marie, mais en reconstituer les étapes. Car tout ne s’est pas fait en un jour. Il a fallu, comme entre tous ceux qui se cherchent en vue d’un don sans réserve, des approches successives. - Joseph a d’abord remarqué Marie, cette jeune fille qui n’était pas comme les autres dans le village ; plus discrète, plus réservée peut-être, mais aussi plus décidée, plus sûre d’elle-même, avec une franchise dans l’allure, une clarté dans le regard, qui la faisait reconnaître entre toutes. - Il ose, le premier, lui parler de mariage ; elle ne dit pas non, mais elle répond qu’elle veut rester vierge, car elle est d’abord et avant tout la Servante du Seigneur. - Il y a alors, pour l’un et pour l’autre, un temps de méditation : Joseph comprend qu’il doit lui aussi rester vierge, et que ce sera la plus belle preuve d’amour qu’il donnera à Marie ; Marie à son tour songe à ce mariage et au don d’elle-même qu’il comporte ; elle ne veut pas qu’il soit seulement le paravent social de sa virginité ; ne faisant jamais rien à moitié, ni pour l’apparence, elle le conçoit bien comme un véritable mariage, où sa vocation virginale trouvera son épanouissement ; alors, oui elle sera vraiment l’épouse de Joseph, lui donnant tout et l’accueillant tout entier. - Elle prononce ce oui, et c’est pour l’un et pour l’autre un bonheur sans bornes, la joie submergeante d’aimer et d’être aimé, la joie d’être désormais ensemble pour aimer Dieu et se donner à lui.

 

Il reste, pendant les rencontres suivantes, à faire plus profondément connaissance. Car, dans la vérité de leur amour, ils sont impatients de commencer la grande communion qui ne finira plus. Et c’est difficile ; il leur faut pour cela peu de paroles et beaucoup de silences ; il leur faut un recours continuel à Celui qui a voulu les réunir, et qui connaît seul le secret de leur âme. Mais en lui, ils se voient mieux, et après chaque prière vers lui, ils se retrouvent plus proches l’un de l’autre.

 

En même temps qu’ils se confient, qu’ils se taisent et qu’ils prient, Joseph ne se rassasie pas de regarder Marie, et Marie de regarder Joseph ; s’ils ont renoncé au don charnel, ils n’ont pas renoncé à la douceur de la présence physique et à la communion des regards ; à cause même de leur virginité gardée, les moindres signes sensibles prennent une valeur décuplée ; et les versets brûlants du Cantique des Cantiques chantent dans leur cœur : Tu es toute belle, ma bien-aimée, et sans tache aucune… Elle est un jardin bien clos, ma sœur, ma fiancée ; un jardin bien clos, une source scellée… - Pose-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras. Car l’amour est fort comme la mort… Ses traits sont comme un trait de feu, une flamme de Yahvé. Les grandes eaux ne pourront éteindre l’amour, ni les fleuves le submerger (Ct 4,7).

 

 

 

L’approche sensible, aussi douce que pure, aussi pacifiante qu’exaltante, est l’un des chemins qui les mènent vers Celui qui se révèle, qui se donne, qui les appelle, en les révélant, en les donnant, en les appelant l’un à l’autre. Ainsi prennent-ils de plus en plus conscience d’être prédestinés l’un à l’autre. Ils pressentent que leur union entre dans un dessein encore mystérieux, mais où leur être conjugal n’est pas moins nécessaire que leur être virginal.

 

 

 

En même temps qu’ils se voient si semblables et si unis, ils se découvrent différents. Parce qu’ils sont homme et femme, chacun a sa manière d’aimer Dieu et de le servir. Au travers de Joseph, Marie se voit révéler la puissance Créatrice du Seigneur, et le sens profond d’une activité travailleuse ; au travers de Marie, Joseph voit apparaître l’infinie tendresse divine, et la valeur de la contemplation et de l’abandon. Et leur amour se renforce de cette différence, car chacun comprend ce qu’il apporte à l’autre, et ce que l’autre peut lui donner. La découverte de la virilité et de la féminité est inséparable de leur communication spirituelle.

 

Une cérémonie officielle scellera leur accord : celle des fiançailles. Elle était d’ordinaire réglée par les parents, et le père de jeune fille prononçait les paroles rituelles : Aujourd’hui, tu es mon gendre (I Sam. 48, 21). Nous ne savons rien des parents de Joseph ni de ceux de Marie ; s’ils sont intervenus à cette occasion, ce fut seulement pour donner une forme légale à un consentement qui venait essentiellement de la volonté des deux jeunes gens, et qui surpassait toute intervention humaine.

 

A partir de cette heure, ils sont officiellement fiancés. Mais les fiançailles d’alors avaient un autre sens que celles d’aujourd’hui. Elles étaient un engagement formel, un mariage déjà commencé, auquel ne manquait que la cohabitation : la fiancée ne pouvait être renvoyée que par une lettre de divorce ; si son fiancé mourait, elle était considérée comme veuve ; l’enfant conçu pendant les fiançailles était réputé légitime ; si par malheur elle se rendait coupable d’adultère, elle pouvait être lapidée au même titre qu’une épouse. Tous ces effets sociaux et juridiques montrent bien qu’une fiancée était, déjà, moralement, légalement, en communion et dépendance d’un époux. Les fiançailles juives étaient déjà le mariage.

 

Joseph et Marie se soumettent à la tradition. Ils sont heureux, certes, de voir la communauté reconnaître le lien dont Dieu les unit. Mais ils le sont infiniment plus à cause de cette certitude intime : désormais Joseph appartient à Marie, et Marie à Joseph.

 

 

 

Un soir parmi les autres (Texte aux pages 190-191-

 

 

 

Note rédactionnelle

 

Ce texte fait suite immédiatement au précédent. Selon la pensée du P. Caffarel, il a la portée d’un dialogue qu’il a imaginé parmi beaucoup d’autres entre ces deux fiancés. Je pense important, dans cet esprit, de le joindre, car dit-il, en finale : Joseph et Marie ne s’aiment que pour s’aider l’un l’autre à pénétrer plus avant dans la solitude divine. Bien loin d’être un écran - si transparent soit-il - chacun est, pour l’autre, prophète du Dieu jaloux, invitant l’autre à se faire holocauste, à se jeter au feu dévorant de la Présence. Je pense que cela aide à apprécier au plus haut point la portée personnelle de chaque annonciation : celle de Marie et celle de Joseph.

 

 

 

Joseph et Marie s’aiment. Et ils s’aiment de l’amour dont quelques années plus tard saint Jean fera l’éloge, le désignant du terme grec d’agapè (charité) : cet amour de Dieu pour l’homme et qui devient amour de l’homme pour Dieu, quand Dieu le lui communique.

 

 

 

L’agapè a ceci de caractéristique, nous enseigne saint Jean, qu’elle tend toujours à se dire et à se manifester. Aussi bien doit-on pense que les époux de Nazareth connaissent ces heures d’intimité où chacun exprime le plus profond de lui-même et traduit en pauvres mots de la terre ce que, dans sa prière, il a entrevu de Dieu.

 

 

 

Et voilà qu’entre Joseph et Marie, mettant en commun par amour leurs richesses spirituelles, surgit peu à peu la grande Présence. Elle les recouvre de son ombre. L’ombre qui avait reposé sur l’Arche d’Alliance, enveloppe Marie au jour de l’Annonciation. Ubi caritas et amor, Deus ibi est. (Là où il y a amour et charité, là est Dieu). Leur joie est immense et calme, de s’ouvrir ensemble et de communier ensemble à la connaissance de Dieu.

 

 

 

Et sans doute arrive-t-il à Joseph de voir Marie se laisser envahir par la Présence ; il lui semble qu’elle est emportée dans un autre monde. Elle est là mais, en même temps, et c’est évident pour Joseph, elle est infiniment loin. A la paix de son visage - à vrai dire bien plus qu’une paix c’est le calme bonheur éternel de Dieu transparaissant sur un visage de femme merveilleusement pur - il devine, il pressent le mystère qui se vit dans l’âme de son épouse.

 

 

 

A son tour, Joseph se sent happé par son Dieu. C’est comme s’il s’éloignait peu à peu : ce qui l’entoure, Marie elle-même, disparaît. Dieu devient si intensément réel, présent, s’impose avec une telle évidence à son regard intérieur, qu’en dehors de Lui plus rien n’existe. L’immense, l’infinie solitude de Dieu a englouti Joseph. Quelques années plus tard, Jésus dira qu’il faut quitter, haïr, père, mère, femme et jusqu’à sa propre vie ; Joseph en fait l’expérience en ces minutes intenses : plus rien n’existe, même pas lui-même. Ce à quoi tous les mystiques de tous les siècles aspirent : s’anéantir, mais en Dieu, c’est cela qu’il vit. Qu’il est loin de Marie ! Qu’il est loin de lui-même ! Seul avec le Seul. Non, au-delà, perdu dans le Seul. Seul Dieu est : Joseph est en Lui, Il est en Joseph.

 

 

 

Tout étonné, Joseph se retrouve auprès de Marie : la nuit est descendue, elle baigne toutes choses. , il aperçoit sa fiancée, toujours immobile, comme éclairée du dedans. Ce que Jean-Baptiste dira bientôt, Joseph l’expérimente en face de celle que Dieu a emportée : Qui a l’épouse est l’époux ; mais l’ami de l’époux qui se tient là et qui l’entend, est ravi de joie à la voix de l’époux. Telle est ma joie ; elle est maintenant parfaite (Jn 3,29).

 

 

 

Voici que Marie ouvre les yeux - puits de clarté- elle regarde Joseph, sourit. Il se demande si ce sourire, si ce rayonnement de tendresse immense, c’est bien à lui qu’ils s’adressent ou si ce n’est pas plutôt à ce Dieu que, sans doute, son regard intérieur n’a pas encore quitté.

 

 

 

Mais c’est bien à lui, c’est bien son nom qui est sur les lèvres de celle qu’il chérit tout à coup d’un amour comme tout neuf, de cette fiancée qui lui arrive du pays de Dieu, baignée de lumière. Surgissent en lui les mots du berger dans le Cantique des Cantiques : Tu es toute belle, ma bien-aimée, sans tache aucune ! (4,7).

 

 

 

Quel est donc ce Dieu jaloux qui demande de tout haïr, de tout quitter, pour s’enfoncer et se perdre dans le désert de la Transcendance, et qui suscite entre ces deux êtres un si parfait amour ? - Il sait bien qu’en s’aimant ainsi l’un l’autre, ils vont Le rencontrer à nouveau. Quiconque aime est né de Dieu et fait l’expérience de Dieu (I Jn 4,7). Et la grande solitude à nouveau les reprendra.

 

 

 

Joseph et Marie ne s’aiment que pour s’aider l’un l’autre à pénétrer plus avant dans la Solitude divine. Bien loin d’être un écran - si transparent soit-il - chacun est, pour l’autre, prophète du Dieu jaloux, invitant l’autre à se faire holocauste, à se jeter au feu dévorant de la Présence.

 

 

 

P. Henri CAFFAREL (présenté par P. Albert PERRIER.)

 

 

 

Note rédactionnelle

 

 

 

A propos de virginité, dans plusieurs groupes humains, il y a une attention portée par l’éducation maternelle à cette valeur auprès des jeunes filles, en vue du mariage. Voilà le témoignage inédit d’une religieuse africaine : Le jour de ma profession religieuse, mon Papa étant décédé, je suis allé avec ma Maman sur sa tombe. En fait, j’avais conscience que la virginité préparée en vue du mariage - dont je témoignais auprès de lui pour l’honneur de ma famille, - au jour de ma profession, était offerte à Dieu dans une belle continuité humaine et chrétienne.

 

 

 

 

Fiche ES09 - Prends chez toi Marie, ton épouse ! P. Henri CAFFAREL :

 

Chronique du mariage de Joseph et de Marie : Le juste Joseph.

 Note éditoriale

 Le P. Henri CAFFAREL reprend à son compte les récits de l’Enfance dans les Evangiles de Matthieu et de Luc. Il le fait en parlant d’eux comme la Chronique de la vie du couple et de la famille de Nazareth. C’est de fait la reprise des faits historiques rapportés dans l’ordre de leur succession et commentés à sa manière contemplative.

 J’aime souligner que les exégètes parlent à propos des récits de l’Enfance, selon la manière propre de la Révélation, d’événements où des personnes concernées par un appel, une vocation, y trouvent le sens de leur réponse, dans des paroles qui leur sont dites de la part du Seigneur.

 Notons le titre de cette première section du Cahier 123-124 de l’Anneau d’Or - mai-août 1965 : Chronique du mariage de Joseph et de Marie. Elle occupe les pages 183-239 et se présente avec 17 titres qui vont constituer autant de fiches d’Ecriture Sainte.

 1 LE JUSTE JOSEPH.

 Joseph est un homme de silence, dont la vie même se tait. Pourtant l’Evangile nous dit de lui trois mots, riches de signification : il est de la maison de David (Mt 1,20 et Lc 1,27) ; il est charpentier (Mt 13,55) ; enfin et surtout, c’est un juste (Mt 1,19).

 Essayons de l’évoquer avant qu’il soit devenu époux de Marie, son plus beau titre de gloire. Il est jeune, dix-huit à vingt ans au plus. Car il faut liquider une fois pour toutes les légendes imbéciles qui ont fait de lui, selon Claudel, une espèce de concierge endommagé, dont la molle calvitie appelle moins l’auréole que le bonnet grec. C’est un homme plein de de jeunesse, en pleine vigueur, qui va devenir l’époux de la jeune fille Marie.

 Cet homme est d’abord l’héritier d’une race : Fils de David, ainsi l’Ange le saluera-t-il avec respect (Mt 1,20). La modestie de sa condition présente n’y change rien : il est bien de sang royal. C’est parce qu’il est de la maison et de la famille de David, qu’il ira se faire recenser à Bethléem, berceau de la dynastie (Lc 2,4). Il devait songer parfois à cet ancêtre lointain, gloire de tout le peuple, et son ascendant direct. Mais le voyait-il dans la splendeur royale, au milieu des prestiges - et des turpitudes- du pouvoir absolu ? L’adolescent Joseph ne se reportait-il pas plutôt au berger de son âge, que la faveur divine était venu chercher près de son troupeau ? Il se récitait alors la scène si surprenante du 1er Livre de Samuel (16,1-13). L’homme de Dieu, Samuel, s’était rendu chez Jessé de Bethléem afin de trouver parmi ses fils un roi pour Israël ; Jessé lui en présente sept, en commençant par l’aîné dont il est le plus fier ; mais chaque fois, Dieu dit non. Samuel demande alors : Sont-ce là tous tes fils ? - Il y a bien encore, répond Jessé, le plus jeune, qui est en train de faire paître les brebis ? (visiblement ce petit David n’est pas le préféré). On va le chercher : Or il était roux, avec le de beaux yeux et une belle apparence. Dieu dit (à Samuel) : Lève-toi, oins-le, car c’est lui. Voilà David consacré, et son prodigieux destin mis en route. En pensant que la race de Jessé était partie d’une bergerie avec David, Joseph ne se croyait pas déchu de vivre dans une échoppe d’artisan : il savait que la vraie noblesse vient de Dieu.

 Retenons encore un trait de cette ascendance. David était beau, note le texte sacré à plusieurs reprises : beau de visage, beau de taille, beau de force aussi, car il sera capable de se mesurer avec un lion du désert. Et cette beauté passera à ses descendants : à son fils Absalom, à sa fille Thamar, à son autre fils Adonias, et surtout à Salomon, l’élu de son cœur, que l’Ecclésiaste trouve presque trop beau. Qu’en reste-t-il à Joseph ? Beau sang ne peut déchoir, disait-on, jadis. L’artisan de Nazareth, par ses ancêtres, mais aussi par sa prédestination à la plus belle des femmes, o pulcherrima mulierum (Cant.1,8), et au plus beau des enfants des hommes, speciosus forma prae filiis hominum (Ps44,3), devait avoir cette allure altière, racée, qu’aucune vicissitude ne dégrade, quand on l’a par nature et que l’âme y resplendit.

 Ce David dont il était le descendant, c’était le David de l’histoire. Mais un roi aussi prestigieux était devenu en Israël une figure prophétique, où se résumait tout l’espoir du peuple : Jérusalem, la capitale, la cité sainte, était devenue la ville de David ; on lui avait attribué un grand nombre de psaumes, et on les chantait sous son nom ; enfin Dieu lui promis une descendance éternelle : Quand tes jours seront accomplis, et que tu seras couché avec tes pères, je maintiendrai après toi le lignage issu de tes entrailles et j’affermirai ta royauté… Ta maison et ta royauté subsisteront à jamais devant moi, ton trône sera affermi à jamais ( 2 Sam 7, 12-16). Désormais, c’est donc par la dynastie de David que Dieu guide Israël et le maintient dans l’unité ; c’est parmi la descendance de David qu’on attend le Messie. Pensant à son aïeul, Joseph savait qu’il se trouvait, lui aussi, sur la route qui conduisait de David au Sauveur d’Israël.

 Pour l’heure, ce descendant royal n’est qu’un artisan de village, et c’est la seconde face du tryptique. Charpentier, qu’est-ce à dire ? Ni paysan, ni commerçant, mais un peu l’homme à tout faire de tout le monde. Menuisier et charron à la fois, il fabrique des jougs, il forge et répare des socs de charrue ; mais il travaille aussi à construire et à entretenir les maisons ; il a donc affaire aussi bien au paysan qui veut être dépanné sur l’heure parce que le joug est cassé ou le soc tordu, à la femme qui vient acheter un coffre ou un boisseau, au boulanger qui veut un nouveau pétrin, au maçon qui a besoin de montants et de linteaux pour ses portes. De tous ces travaux du bois et du fer, retenons surtout ce qu’ils ont appris à Joseph : par son métier, il est celui qui connaît le prix des choses et du temps, la valeur d’une peine d’homme, la résistance du matériau, la dignité du travail bien fait ; par-là, il rejoint une noblesse et une sagesse, bien différentes de l’autre (celle de sa race), mais qui elle aussi a sa grandeur. Et par son métier encore, par le défilé incessant des clients, il est à un carrefour de contacts sociaux, il s’enrichit d’une connaissance multiple des désirs, des besoins, des ambitions, des soucis, bref de tout ce qui est en l’homme.

 Mais quand on a parlé du Fils de David et du charpentier, on n’a pas encore tout dit de Joseph, on est même resté à l’écart de l’essentiel. Le futur époux de Marie est d’abord un juste, un homme de justice. Dans l’Ancien Testament, ce terme désigne d’abord la vertu morale que nous connaissons : le respect des droits d’autrui - mais élargie et sublimée dans le respect absolu des droits de Dieu, et donc dans l’observance intégrale des commandements. En ce sens, le juste met un véritable point d’honneur à obéir scrupuleusement aux moindres articles de la Loi, image terrestre de l’intégrité, de la justice même de Dieu dans le gouvernement des hommes : Quiconque est juste observe le droit et la justice, ne mange pas sur les montagnes et ne lève pas les yeux vers les idoles de la maison d’Israël, ne souille pas la femme de son prochain, n’opprime personne, rend ce qu’il a pris en gage, ne commet pas de rapines, donne son pain à l’affamé et couvre d’un vêtement celui qui est nu, se conduit selon mes lois et observe mes coutumes pour agir selon la vérité ; un tel homme est vraiment juste, oracle de Yahvé (Ez 18,5-9).

 

En un sens plus profond, et qui se développe surtout après l’Exil, la justice de l’homme devient l’écho et le fruit de la merveilleuse délicatesse avec laquelle Dieu, non content de gouverner ses créatures, les comble de biens : alors la justice coïncide avec la miséricorde : Yahvé est justice et pitié, notre Dieu est tendresse ; Yahvé défend les petits ; j’étais faible, il m’a sauvé (Ps 446, 5-6). Nous sommes loin d’un respect formel de la Loi, d’un légalisme sans âme. Joseph est juste parce qu’il s’applique sans cesse à rencontrer l’amour dans la Loi. Sa justice n’est donc autre chose qu’une attitude constante de silence et d’écoute devant Dieu, et c’est pourquoi il deviendra plus tard le grand patron des âmes contemplatives.

 Pour exprimer par un autre mot biblique, tout voisin de justice, la paix souveraine et l’ardent désir qui habitaient Joseph, nous prendrions volontiers celui de sagesse : C’est elle que j’ai chérie et recherchée dès ma jeunesse : je me suis efforcé de l’avoir pour épouse et suis devenu l’amant de sa beauté (Sag. 8,2). Cette sagesse, qui n’est pas un simple humanisme, mais un don de Dieu, l’expression la plus exquise de sa présence dans un cœur d’homme, Israël avait fini par lui vouer une telle dilection qu’il la représentait sous les traits les plus délicatement féminins : Celui qui se saisit de la loi (allusion à la justice décrite ci-dessus) reçoit la sagesse. Elle vient au-devant de lui comme une mère ; comme une épouse vierge, elle l’accueille ; elle le nourrit du pain de la prudence, elle lui donne à boire de l’eau de la sagesse ; il s’appuie sur elle et ne chancelle pas ; il s’attache à elle et n’est pas confondu (Prov. 15, 1-6). Quand on lit ce portrait d’une femme accueillante, protectrice, nourricière, forte, fidèle, comment ne pas songer à celle qui sera l’épouse de Joseph, et qui le fera entrer dans les secrets les plus cachés de la Sagesse de Dieu.

 Si l’on réunit en faisceau les trois caractéristiques que l’Evangile nous donne sur Joseph : descendant de David, artisan de village, homme de justice, on s’aperçoit qu’elles le relient à l’une des traditions spirituelles les plus pures d’Israël : celle des pauvres, les Anawim. Il ne s’agit pas seulement des indigents, des déshérités, encore qu’un certain dénuement matériel favorise l’attitude d’âmes des Pauvres. Il s’agit d’une humilité, d’un abandon pour se confier à la toute-puissance divine. Je laisserai subsister en ton sein un peuple pauvre et humble (Soph. 3, 11-13). Cieux, chantez ! Terre, bondis de joie ! Monts, que vos chants retentissent ! Car Yahvé a consolé son peuple, et de ses pauvres, il a eu pitié ! (Is. 49, 13). A cette invitation, les meilleurs en Israël avaient répondu, et dans le psautier, le thème des pauvres était devenu une sorte de refrain, dont témoignent particulièrement les Psaumes 9-10,25,34 et 37 : Le désir des humbles, tu l’écoutes, Yahvé, tu affermis leur cœur, tu leur tends l’oreille (10,17). Il dirige les humbles dans la justice, il enseigne aux malheureux sa voie (25,9). Qu’ils écoutent, les humbles, qu’ils jubilent… Un pauvre a crié, Yahvé écoute ; de toutes ses angoisses, il le sauve (34,7). Les humbles posséderont la terre (37,11). Ce mot de pauvreté avait fini par symboliser toute l’attitude spirituelle de l’homme en face de Dieu, et les Anawim s’identifiaient à la partie la plus religieuse d’Israël.

 Or Joseph, à la manière même dont le définit l’Evangile, appartient à ce noyau privilégié du Peuple de Dieu. Déjà, sa condition très modeste d’artisan de village le met aux antipodes des puissants, des orgueilleux, qui sont les ennemis jurés des Anawim et leurs persécuteurs. - De plus, sa justice est en rapport étroit avec la pauvreté de celui qui se confie totalement à Dieu : Cherchez Yahvé, vous tous pauvres du pays qui accomplissez ses ordonnances ; cherchez la justice, cherchez la pauvreté (Soph. 2,3). Tout ce que nous savons ou devinons de Joseph culmine dans cette pauvreté d’âme qui est ouverture à Dieu avec une nuance d’abandon, d’humilité et de confiance absolue. - Enfin, qu’il soit un descendant de David, le rattache encore à la mystique de pauvreté : car Israël, se cherchant des répondants pour cet idéal, l’avait abrité sous le nom de David : Souviens-toi, Yahvé, de David et de son humilité (Ps. 132, 1) ; dans les psaumes attribués au célèbre roi, se trouvent plus de la moitié des mentions des pauvres qui figurent dans le psautier (35 sur 69). La piété d’Israël avait peu à peu découvert que David, sous sa gloire, avait été affligé et opprimé autant qu’un pauvre, qu’il avait découvert dans cette affliction la souveraine sollicitude de Dieu pour lui ; et que cette pauvreté en esprit l’avait conduit à une sainteté sans commune mesure avec la grandeur du pouvoir. Ainsi faisait-il figure, non seulement de précurseur, mais d’exemple pour tous les amants de la Pauvreté. Joseph, son descendant, devait fortifier son propre dénuement spirituel, à contempler la haute figure de son ancêtre, illustre et pauvre.

 En Joseph, se résume donce ce qu’il y avait de plus pur dans la justice, la sagesse et la pauvreté des hommes de Dieu dans la Bible. Ne nous laissons pas tromper par le silence et l’obscurité où il s’abîme. D’autres ont été plus célèbres, aucun n’a été plus grand. Il aurait pu manifester la vigueur d’Elie ou d’Amos, l’allure seigneuriale d’Isaïe, la pénétration mystique de saint Jean, l’irrésistible fougue de saint Paul. Dieu a préféré qu’il meure à l’action et à la parole, pour être voué corps et âme à Marie et à Jésus. Ainsi voit-on des hommes promis à la gloire de l’intelligence ou du pouvoir, s’enfouir dans un monastère où ils seront oubliés. La vie contemplative n’est pas le refuge des inadaptés, des malingres, des peureux, des pense-petit ; elle est une solitude peuplée de Dieu, où seul compte l’unique nécessaire. Dieu a choisi cette part pour Joseph, et elle ne lui sera pas ôtée.

 Tel était le jeune homme qui, aux yeux de tous, n’était que pensif, travailleur et silencieux, mais en qui la jeune fille Marie va reconnaître celui que Dieu lui destinait pour époux.

 

 

 P. Henri CAFFAREL, présenté par P. Albert Perrier

 

 

 

FICHE ES08 - Saint Joseph dans l’économie du salut, par le P. Tarcisio STRAMARE.

 

Le mercredi 27 septembre 2017, au cours du XIIème Symposium International sur Saint Joseph, à PUIMISSON, auprès du Monastère de la Fraternité des Moines et Moniales de Saint-Joseph, le P. Tarcisio STRAMARE, exégète très averti des Récits de l’Enfance des évangélistes Matthieu et Luc, a donné une longue réflexion mûrie depuis des années.

 

La présentation que j’en fais a été proposée, le 19 mars 2018, à Beauvais auprès d’un groupe de pèlerins, pour rendre compte brièvement de l’essentiel de la causerie du P. Stramare dont le texte paraîtra en son temps dans les Actes de ce Symposium.*

 

Joseph lui donna le nom de Jésus.

Cette précision est importante pour Matthieu afin de situer Joseph auprès de cet enfant qu’il accueille avec sa mère dans son mystère d’EMMANUEL ou d’incarnation. Il entre par ce geste dans le mystère de Jésus.

Le P. Stramare propose très clairement cet ensemble des récits de l’Enfance comme un Prologue pour les évangiles de Matthieu et de Luc qui a l’importance d’une réflexion sur la personne de Jésus pour ne pas passer à côté de son Mystère. Il s’appuie sur une réflexion de Dei Verbum, au n°2, donnant l’optique même pour l’accueil de l’économie de la Révélation en ses événements et ses paroles intimement unis entre eux, les œuvres attestent et corroborent le sens indiqué par les paroles et les paroles publient et éclairent le mystère qu’elles contiennent. C’est une clef d’entrée dans les Evangiles du Mystère de la vie cachée de Jésus au cœur des récits de Matthieu et de Luc.

On peut penser à la bibliographie immense d’un P. René Laurentin comme référence pour l’Eglise en vue du Mystère du Seigneur Jésus vu du côté de Marie ou Mariologie. On peut penser aussi à une Joséphologie, utile, où la place de Joseph est accueillie comme essentielle à tout ce qui commence pour la famille de Nazareth et pour sa communion intime.

 

 

 

* Pour commander le livre des Actes du XIIème Symposium International sur Saint Joseph – Septembre 2017 – Communauté de la Fraternité des Moines et Moniales de Saint-Joseph – 34480 PUIMISSON

 

la part d’Evangile des récits de l’Enfance est entièrement de l’Evangile du Seigneur Jésus.

  • Matthieu ex abrupto commence par le Livre de la genèse (les origines) de Jésus Christ. C’est parallèle au Livre de la genèse d’Adam, dont Jésus prend en quelque sorte la place, nouvel Adam et fils de Dieu (Luc 3, 38).

 

Ainsi Matthieu produit une généalogie messianique avec le message de la stabilité davidique : Jésus-Christ, fils de David. Selon Actes 2,36 : On lie le Mystère Pascal et le Mystère de l’humanité de Jésus de Nazareth. Il y a donc là la manifestation de l’accomplissement des prophèties : Jésus est de la descendance de David. C’est la généalogie davidique de Joseph !

 

  • Le fait de la naissance légale de Jésus que la généalogie affirme est ainsi l’objet d’un premier récit : Joseph fils de David, accueille Jésus dans sa lignée. Voici avec Matthieu 1, 18-25 : la manière dont Jésus, quoique fils d’une vierge, a été fils de David. Le doute de Joseph et le songe qui l’éclaire sont historiques et tout à fait naturels. C’est une présence indispensable et l’affirmation de la Messianité au début de l’Eglise.

 

  • Contexte matrimonial de la conception virginale 

  • L’état civil de Marie, de la mère : fiancée ou accordée en mariage à un homme, Joseph ; cela souligne le contexte objectif d’un vrai mariage ; le mariage est au cœur du récit, il en est le pivot : époux et épouse ;

  • Et la paternité de Joseph est dans la logique pour le fils auquel il donna le nom de Jésus.

 

Le mystère chrétien de l’Incarnation : Matthieu, 1,18 Avant qu’ils aient habité ensemble, elle se trouva enceinte de l’Esprit Saint. C’est la situation-clé qui provoque le doute de Joseph ; c’est aussi ce qui va le tranquilliser quand il va entendre le mystère clarifié de cette situation où son esprit de juste va le guider, pour son acceptation au-delà du raisonnable.

 

C’est le Mystère de l’Incarnation où il se trouve partenaire, à sa place. Il est vraiment plus juste de parler de respect que de soupçon, car l’évangile souligne le chemin même de sa compréhension et de sa démarche : l’événement vécu et les paroles dites à Joseph, c’est la clé de lecture de l’économie de la Révélation du Mystère de Jésus.

 

 

 

 

  • Comportement raisonnable de Marie 

 

Au fond, Marie et Joseph se communiquent la joie du Mystère. Marie est la première à connaître le Mystère en son économie révélatrice pour elle : son annonciation et son OUI ! Elle est maintenant aussi celle qui est la première annonciatrice de ce Mystère auprès de Joseph, comme elle le sera auprès d’Elisabeth.

 

En son beau texte Redemptoris custos, Jean-Paul 2 parle de Joseph comme du premier évangélisé sur le mystère de l’annonciation tel que vécu en Marie et en Jésus. Le message évangélique donne mission à Joseph de le faire sien selon les prophéties et de le proclamer au niveau de sa paternité selon la Messianité (Mt 1, 22-23) de sa place reconnue : Tu lui donneras le nom de Jésus. Marie et Joseph ont pu échanger ensuite sur leurs démarches respectives.

 

Conclusion

Le projet de Dieu, selon ce Prologue en Matthieu, se poursuit de fait dans l’unité des promesses de l’Ancien Testament vers leur accomplissement dans le Nouveau Testament.

 

Joseph donne le nom de Jésus selon un procédé d’insistance pour montrer que c’est central, essentiel, pour lui de le faire pour entrer dans le Mystère : v. 18 et v 25 encadrent le récit revenant à Joseph d’accueillir Jésus dans sa lignée, celle de David pour porter avec Joseph le nom de cette lignée : fils de David.

 

Avec l’insistance du contexte matrimonial de Marie et de Joseph, c’est l’insertion dans une famille humaine qui est soulignée, dont la paternité de Joseph, à sa place, comme celle inédite de Marie en en sa maternité-virginale. – (voir Redemptoris custos, n°8). Une tradition fêtait : La fête des saints époux.

 

Texte de présentation du P. Albert Perrier

Extrait de Redemptoris custos de Jean-Paul II, le 15 août 1969

8. Saint Joseph a été appelé par Dieu à servir directement la personne et la mission de Jésus en exerçant sa paternité c'est bien de cette manière qu'il coopère dans la plénitude du temps au grand mystère de la Rédemption et qu'il est véritablement « ministre du salut » (21}. Sa paternité s'est exprimée concrètement dans le fait « d'avoir fait de sa vie un service, un sacrifice au mystère de l'Incarnation et à la mission rédemptrice qui lui est liée; d'avoir usé de l'autorité légale qui lui revenait sur la sainte Famille, pour lui faire le don total de lui-même, de sa vie, de son travail; d'avoir converti sa vocation humaine à l'amour familial en une oblation surnaturelle de lui-même, de son coeur et de toutes ses forces à l'amour mis au service du Messie qui naquit dans sa maison. » (22)

 

La liturgie rappelle qu' « à saint Joseph a été confiée la garde des mystères du salut à l'aube des temps nouveaux »(23), et elle précise qu' « il fut le serviteur fidèle et prudent à qui Dieu confia la sainte Famille pour qu'il veille comme un père sur son Fils unique. »(24) Léon XIII souligne la sublimité de cette mission: « Joseph brille entre tous par la plus auguste dignité, parce qu'il a été, de par la volonté divine, le gardien du Fils de Dieu, regardé par les hommes comme son père. D'où il résultait que le Verbe de Dieu était humblement soumis à Joseph, qu'il lui obéissait et qu'il lui rendait tous les devoirs que les enfants sont obligés de rendre à leurs parents. »(25) 

Il serait inconcevable qu'à une tâche aussi élevée ne correspondent pas les qualités voulues pour bien l'accomplir. Il convient donc de reconnaître que Joseph eut à l'égard de Jésus, « par un don spécial du ciel, tout l'amour naturel, toute l'affectueuse sollicitude que peut connaître un coeur de père. »(26)

En même, temps que la puissance paternelle sur Jésus, Dieu a aussi accordé à Joseph l'amour correspondant, cet amour qui a sa source dans le Père, « de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom. » (Ep 3, 15).

Dans les Evangiles est clairement décrite la tâche de père qui est celle de Joseph à l'égard de Jésus. En effet, le salut, qui passe par l'humanité de Jésus, se réalise dans des gestes qui font partie de la vie familiale quotidienne, en respectant l' « abaissement » inhérent à l'économie de l'Incarnation. Les évangélistes sont très attentifs à montrer que, dans la vie de Jésus, rien n'a été laissé au hasard et que tout s'est déroulé selon un plan divin préétabli. La formule souvent répétée: « Cela advint pour que s'accomplit... » et la référence de l'événement décrit à un texte de l'Ancien Testament tendent à souligner l'unité et la continuité du projet, qui atteint son accomplissement dans le Christ.

Par l'Incarnation, les « promesses » et les « figures » de l'Ancien Testament deviennent des « réalités »: les lieux, les personnes, les événements et les rites s'entremêlent selon des ordres divins précis, transmis par le ministère des anges et reçus par des créatures particulièrement sensibles à la voix de Dieu. Marie est l'humble servante du Seigneur, préparée de toute éternité à la mission d'être Mère de Dieu; Joseph est celui que Dieu a choisi pour être « l'ordonnateur de la naissance du Seigneur » (27), celui qui a la charge de pourvoir à l'entrée « dans l'ordre » du Fils de Dieu dans le monde, en respectant les dispositions divines et les lois humaines. Toute la vie « privée » ou « cachée » de Jésus est confiée à sa garde.

Photos

 

FR010CFRDJ0070- Sainte Famille - Sculpture africaine dans le hall d’accueil de la Maison des Sœurs KERMARIA – LOCMINE (56) –Bretagne. Références : : 2 mégas 26- Copyright : CFRDJ – Tranvouez

 

FR012CFRDJ0014 – Nativité – Tableau néobyzantin de Michaël GRESCHNY (2005-2006) – Eglise N.D. de Bon Secours – 81430 VILLEFRANCHE d’ALBIGEOIS – Références : 2,48 mégas- Copyright : CFRDJ – Tranvouez

 

 

 FICHE ES 07 – Le Seigneur JESUS, lumière des hommes : perspectives.

 

En parlant de perspectives à propos du thème biblique développé par cette fiche, je souligne d’abord les approches variées qui ouvrent vers un approfondissement du « Mystère de Jésus.» Dans le Prologue de l’Evangile de Jean, il est présenté ainsi : Le Verbe était la lumière qui, en venant en ce monde, illumine tout homme (Jean 1, 9). Tout homme, donc chacun de nous, peut recevoir de lui les orientations de l’accomplissement plénier de sa vie.

Perspectives bibliques de l’Ancien Testament

Elles sont rapportées ici, parce qu’elles entrent ensuite dans une relecture des évangélistes Luc et Matthieu

  • Le prophète Isaïe écrit,  dans  la partie reconnue comme  la consolation du Peuple de Dieu, des paroles d’encouragement : Alors la gloire du Seigneur sera dévoilée et tous les êtres de chair ensemble verront que la bouche du Seigneur a parlé (40,5). Le commentaire de la TOB souligne que Dieu fait sentir le « poids » de son intervention.

Le « serviteur » de ce dessein est évoqué : C’est moi le Seigneur, je t’ai appelé selon la justice, je t’ai tenu par la main, je t’ai mis en réserve et je t’ai destiné à être l’alliance de la multitude, à être la lumière des nations… (42,6). Il m’a dit : C’est trop peu que tu sois pour moi un serviteur en relevant les tribus de Jacob et en ramenant les préservés d’Israël ; je t’ai destiné à être la lumière des nations afin que mon salut soit présent jusqu’à l’extrémité de la terre (49,6).

  • Le même prophète Isaïe est annonciateur d’un règne de paix, au moment d’une grande menace de guerre : Dans un premier temps, le Seigneur a couvert d’opprobre le pays de Zabulon et le pays de Nephtali,  mais ensuite il a couvert de gloire la route de la mer, l’au-delà du Jourdain et le district des nations (Galilée). Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi (8, 23- 9,1).

Relectures des évangélistes Luc et Matthieu dans le Nouveau Testament

Les évangélistes relisent, avec leurs communautés  et pour elles, ce qui concerne le poids que Dieu met à manifester son salut en la personne de Jésus et plus profondément du Seigneur Jésus en sa résurrection.

  • Prophèties de Syméon et d’Anne auprès des parents de Jésus, au moment où Marie et Joseph viennent le présenter au Temple. Tous les deux attendent la consolation d’Israël et l’Esprit Saint est sur eux pour être prophètes de Jésus et du Seigneur Jésus.

Le cantique de Syméon, lorsqu’il prend Jésus dans ses bras, proclame la promesse de Dieu accomplie dans le salut du nouveau peuple de Dieu. Luc sait pertinemment, lui l’auteur des Actes des Apôtres et compagnon de Paul, que c’est l’ensemble des communautés chrétiennes, l’Eglise, dans leur accueil du Seigneur Jésus. Le texte universaliste du prophète Isaïe constitue l’essentiel de son inspiration prophétique et crée l’événement du Seigneur Jésus. Marie, et donc l’Eglise à tout moment, sont  averties de la tension que le mystère salutaire de Jésus rencontre : contestation et débat interne des cœurs. L’ombre de la Passion et la lumière de la Résurrection sont présentes pour les disciples du Seigneur Jésus. Une perspective chrétienne est soulignée. Ce Cantique de Syméon est traditionnellement la prière de louange finale de l’office monastique, et d’une prière chrétienne privée.

  • Après l’arrestation de Jean le Baptiste, la prédication du Royaume des Cieux par Jésus commence pour Matthieu. Il éclaire en profondeur ces débuts dans l’expression lumineuse du texte d’Isaïe que nous lisons plus haut au début du chapitre 9. Et en même temps, c’est géographiquement les mêmes lieux, d’où la portée du déplacement de Jésus vers ces régions. Une perspective là encore est donnée à la mission de Dieu dans laquelle Jésus s’engage.

Des perspectives générales : lumière-ténèbres

  • Cela commence au moment où Adam et Eve reconnaissent leur péché et qu’ils ne sont plus dans la lumière originelle de Dieu : dans leurs corps habillés de lumière. J’ai oui dire que le commentaire rabbinique joue sur deux mots proches dans leur écriture hébraïque, l’un disant « lumière », l’autre « peau d’animal » : quand ils ne sont plus habillés de lumière, Dieu les couvre de vêtements de peaux (Genèse, 3,21).
  • Les ténèbres, comme l’ombre qui se manifeste quand quelque chose fait obstacle à la lumière, la mort sont des réalités qui s’opposent à la lumière et que l’on ne peut pas mettre en lumière. Tout moment qui chasse les ténèbres, comme l’aurore après la nuit, et toute action qui chasse les obscurités intérieures, dont le péché en régime chrétien, sont évoquées dans plusieurs cultures. Il en est ainsi avec la fête de la lumière ou « divali » dans l’hindouisme. Le péché est un moment si profond de ténèbres que l’Apocalypse l’assimile à la seconde mort (Apocalypse 2,11) et Heureux et saints ceux qui ont part à la première résurrection. Sur eux la seconde mort n’a pas d’emprise (Apoc 20, 6).
  • Un grand moment dans les Evangiles, c’est celui de la Transfiguration de la personne de Jésus sous son aspect justement corporel. Les témoins, Pierre, Jacques et Jean, ne savent comment exprimer : Il fut transfiguré devant eux : son visage resplendit comme le soleil, ses vêtements devinrent blancs comme la lumière (Matthieu, 17,2). C’est un halo de lumière ! A la fin de ce moment privilégié, dans la conscience que Jésus en a, il recommande : Ne dites mot à personne de ce qui s’est fait voir de vous, jusqu’à ce que le Fils de l’Homme soit ressuscité des morts  (Mt. 17, 9). La résurrection est ainsi mise en évidence comme la nouveauté du corps habillé de lumière du Seigneur Jésus.
  •  Paul, sur le chemin de Damas, fait l’expérience de la rencontre du Ressuscité qui s’annonce à lui dans une lumière plus resplendissante que le soleil (Ac. 26, 13-15). Paul en conclut même : le Christ a souffert et lui, le premier à ressusciter d’entre les morts, il doit annoncer la lumière au Peuple et aux nations païennes (Ac 26,23).

Notre baptême : une illumination

 

  • Le contexte du baptême au cœur de la veillée pascale rend bien compte de cette illumination. Les nouveaux baptisés le vivent ainsi, bien au-delà de toutes leurs démarches de conversion à l’Evangile : Ma lumière et mon salut, c’est le Seigneur Jésus !
  • Lumière né de la lumière est l’expression de notre Credo, quand nous le redisons de Jésus, le Verbe de Dieu fait homme. Une anecdote toute simple le fait dire aussi, un jour, de Didier, bébé baptisé : Didier est lumière né de la lumière ! C’est sa marraine qui parle en sachant toutes les démarches qu’elle a faites auprès de sa Maman qui, ainsi, a accepté de le porter et de le mettre au monde. Elle peut dire fièrement : Didier est notre joie et il est lumière née de la lumière. Devant mon  sourire d’émerveillement de ce raccourci, elle me dit : Père, vous ne comprenez pas ? - Bien sûr que je comprends, mais tu dis les paroles du Je crois en Dieu appliquées à Jésus ! - Oui, et je vous explique, dit-elle,à ses copines !  Toutes mes démarches ont mis la lumière dans le cœur de la Maman de Didier. Et Didier est né de cette lumière ! Nous sommes allées jusqu’au baptême. L’histoire s’est conclue ainsi : Avouant avoir découvert ce qu’elle disait en ce moment même, la marraine s’est promis d’aller le partager avec la Maman de Didier.

Invitation

Je vous ai remis un puzzle ou des éléments d’un lego. J’ai fait mien de le reconstruire pour moi, avant de vous le proposer. Que ces perspectives variées vous ouvrent à cette recommandation de Jésus : Je suis le chemin de vérité ou lumière et de vie ! (Jean 8,12). Chacun de nous s’engage dans les cheminements qui sont les siens, mais Jésus reste Celui qui les accompagne en nous gardant avec lui, chemin de lumière et de vie.

Ce 2 février 2014                                                P. Albert Perrier, Spiritain Président du CFRDJ

 

Vitrail de la Présentation au Temple – Maître verrier Ch. Champigneulle – Paris 1924 -

Eglise Saint-Christophe – CHAMPLITTE –Références : FR012CFRDJ0018jpeg- 1,55 méga. 

Copyright : CFRDJ- Tranvouez.

 

Vitrail de la Présentation au Temple – de F. HAUSSOIRE (REIMS 1872) – Chapelle Notre-Dame de Pitié – LOGNY-au-PERCHE – Référence : FR013CFRDJ0025.jpeg- 3,22 mégas – Copyright – CFRDJ -Tranvouez

                                                                                             

 Fiche ES06- Profondeur des annonces des récits de l’Enfance selon Matthieu et Luc, par le P. Albert Perrier, Spiritain et Président du CFRDJ

 

Introduction

Les exégètes  soulignent le caractère particulier des Récits de l’Enfance. Ces textes apparaissent  comme un choix de Matthieu et Luc d’évoquer ce qui était déjà accueilli au cœur des communautés chrétiennes. Ils l’ont fait avec les réalités du Mystère du Fils de Dieu fait Homme – Emmanuel – Dieu-avec-nous – vécues par les trois de Nazareth, la Sainte Famille. Ils ont perçu dans le cœur de Marie, de Joseph et de Jésus, l’accueil des textes messianiques de l’Ancien Testament, concernant le descendant unique de la famille de David. De là, les réflexions sur les aspects symboliques de ces récits, c’est-à-dire précisément ce lien avec les textes de l’Ancien Testament. Mais tout autant nous ne pouvons oublier la réalité de la vie de Joseph, Marie et Jésus au temps de la vie à Nazareth. Il y a en tout cela une profondeur que nous tentons d’apprécier.

 

Accordés à Dieu

 

Les deux annonces sont des moments où Marie et Joseph sont accordés à Dieu : au Père qui donne Jésus, à Jésus qui se donne et à l’Esprit qui les sanctifie et les guide. L’une et l’autre ont leur poids personnel.

 

Annonce à Marie (Luc 1, 26-38)

 

La salutation de l’Ange sonne comme une bonne nouvelle et Marie est reconnue dans la grâce ou tendresse de Dieu pour elle et dans sa vocation. C’est avec les trois termes : sois joyeuse, favorisée de Dieu et le Seigneur est avec toi. La vocation est ensuite explicitée par des références à sa personne et à celle de Jésus. Pour elle, le texte d’Isaïe : Voici que tu vas être enceinte, tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus (7,14). Pour Jésus, ce sont d’autres textes, dont  celui-ci : Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père…(2 Samuel, 7,14).

 

Marie entre en dialogue sur ce qu’elle comprend de l’Ancien Testament par rapport à la maternité annoncée et sa situation de promise en mariage à Joseph, sans cohabitation, et donc sa situation de jeune fille vierge. La réponse de l’Ange entre dans le mystère du dessein de Dieu : donner en elle et par elle l’humanité à Jésus par l’œuvre de l’Esprit Saint.

 

C’est ce mystère que la réponse de Marie accueille pleinement : Mère de Dieu en sa virginité. Elle est ainsi accordée à Dieu par l’Esprit Saint et porte en son cœur et sa personne ce mystère.

 

Annonce à Joseph (Matthieu 1, 18-25)

Joseph est celui qui donne son nom à Jésus

La situation humaine de Joseph est bien réelle. Son problème vient de celle qui lui est accordée en mariage, donc son épouse : Marie ! Joseph n’a pas eu avec elle de vie commune (Marie l’a souligné elle-même près de l’Ange). Il est en peine pour savoir comment  répudier le mariage qui les lie. Il a choisi de le faire discrètement. Justement saint Jérôme glisse une pensée sur la vraie question qui l’habite : ou bien Enfant divin, ou bien enfant adultérin ?

 

L’annonce de l’Ange se situe à ce moment-là et elle porte sur des aspects importants de la mission même personnelle de Joseph. Appelé par son nom de filiation : Fils de David, il a qualité de donner un nom à l’enfant. Il apprend clairement la filiation divine de l’enfant selon la prophétie qui lui est rappelée, faisant de Marie la mère-vierge de Jésus. C’est important aussi qu’il prenne Marie chez lui, comme son épouse. Nous sommes au cœur de ce que Matthieu donne à connaître : voici qu’elle fut l’origine de Jésus Christ (1, 18) : engendrement par l’Esprit Saint.

 

La mission es-qualité de Joseph s’inscrit aussi dans le fait qu’il est chargé de donner le nom de JESUS. Lui seul en reçoit la signification explicite : c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. Un ami évoque à ce sujet que Joseph donnant son nom à Jésus a une parole pour l’éternité, signifiant que Joseph accueille une parole prophétique et l’accomplit dans la nomination double : fils de David et Jésus. C’est le mystère même du Royaume de Dieu et de la mission de Dieu en Jésus. La mission à laquelle est accordé Joseph a l’importance qui lui est propre, à côté de celle de Marie, donc tout autant personnelle et forte

.

Accordés ensemble comme époux et parents

 

Pour le mystère de son Fils en humanité, Dieu le Père a lui-même accordé l’un à l’autre, Marie et Joseph, vrai couple humain dans une même vocation. Je cite ici l’invitation  que Olivier Le Gendre a mise dans la bouche de Marie à propos de ces événements, même si les imagine autrement. C’est l’invitation qui a son poids  d’humanité et de spiritualité  : Réjouis-toi Joseph ! L’ange de Dieu est venu me visiter pour mettre au monde le Messie que notre Peuple attend. Mais il a été engendré ni du sang, ni d’un vouloir de chair, ni de notre vouloir, mais de Dieu. Marie n’a pas dit : j’ai été choisie, mais nous avons été choisis. C’est vrai sans doute, mais la question non formulée de Marie à Joseph est celle-ci : acceptes-tu comme j’ai accepté ? (Joseph, le charpentier, chapitre 2 : Les annonces, cité dans Albert Perrier, Joseph le respectueux, p. 30-31).

 

Joseph et Marie fêtent publiquement leur mariage et vivent ensemble des jours heureux. Ils attendent ensemble l’enfant que porte Marie et dont le nom a été donné à Joseph. Le couple humain de Marie et Joseph se sait accordé sur des réalités profondes qui le font vivre et s’épanouir. Il se réfère à Dieu qui l’a voulu ainsi : dans toute la liberté des cœurs de l’un et de l’autre, ils sont engagés dans cette vocation de couple pour le mystère de l’incarnation, et auprès de Jésus qui leur est confié : Nous avons été choisis ! (Citation de Joseph, le respectueux, p. 33)

                                                                                      . Albert Perrier, Spiritain, Pt du CFRDJ

 

PHOTOS :

 

Exposition sur Saint Joseph à Ciudad Guzman- octobre 2013- lors du XIème Symposium international : 1ère douleur et joie de saint Joseph : Le Songe de Joseph - huile sur toile de Jaime Dominguez-2012. Référence : MX013CFRDJ0010. jpg – Poids : 1,54 méga – Copyright : CFRDJ – Albert Perrier

 

Exposition sur Saint Joseph à Ciudad Guzman- octobre 2013- lors du XIème Symposium international :   Référence : MX013CFRDJ0048.jpg - Poids : 1,50 méga – Copyright : CFRDJ- Albert Perrier. Cette photo est tirée d’un ensemble d’illustrations. Je trouve intéressant que Joseph, Marie et l’Enfant se sont présentés à Bethléem pour le recensement et le fonctionnaire  a écrit sur la liste familiale, en premier, le nom de JESUS.

 

 

 

 

 

Fiche ES05  : Joseph rencontre la Parole - 1ère partie du livre Joseph, le respectueux par Albert PERRIER

 

Nous découvrons ensemble ce livre. Chaque chapitre s’articule sur une méditation du cheminement de Joseph selon la Parole de Dieu qui le guide, et ensuite sur une réflexion concernant de manière concrète des chemins spirituels pour chacun de nous.

 

Chapitre 1 – Le respectueux

 

Pour Joseph, une expérience personnelle m’a permis de préciser en mon cœur que le Juste Joseph se manifeste comme le respectueux ou celui qui y regarde à deux fois ou à nouveau, car il cherche à comprendre et à aimer la volonté de Dieu, notamment découverte au sein des Ecritures et des Promesses de Dieu qui s’y trouvent. Le mystère que Joseph découvre ainsi peu à peu, et auquel nous participons, c’est l’enveloppement de l’homme par l’Esprit de Dieu pour accueillir le Seigneur Jésus et Celui qu’il révèle, Dieu notre Père.

 

Les lignes de spiritualité que nous pouvons évoquer pour nous portent sur deux qualificatifs de notre vocation chrétienne : comment sommes-nous saints et bien-aimés de Dieu comme Joseph a été juste et respectueux ?

Chapitre 2 : L’Epoux de Marie

A Nazareth, il y a l’église grecque de Notre-Dame de la Fontaine et la Basilique de l’Annonciation, bâtie sur l’endroit de la maison de Joachim et d’Anne. Le chemin entre ces deux églises est celui que Marie a emprunté pour puiser l’eau à la fontaine et la rapporter chez elle. Tout à côté, la Maison du Juste est de plus en plus reconnue comme lieu de vie de Joseph lorsqu’il est venu s’installer à Nazareth. Ces lieux de vie des deux fiancés ne sont pas éloignés l’un de l’autre.

 

Les lignes de spiritualité maintenant proposées nous invitent à entrer dans la compréhension de quelques réalités touchant à nos personnes engagées dans des états de vie à épanouir. Vous remarquerez vous-mêmes les aspects que le compagnonnage de Joseph peut intéresser, de près ou de loin, et faire le choix de vous tourner vers lui tout autant que vous le faites vers Marie. Gilles de Christen, auteur de Florilège sur saint Joseph, cité plus haut, dit qu’il cherchait à cheminer avec Marie, et c’est elle qui l’a envoyé vers Joseph.

Chapitre 3 : L’hôte de Bethléem

Quand le recensement des Romains est décrété selon la volonté de César Auguste, empereur à Rome de 29 avant J.C. à 14 après J.C., Joseph est conscient qu’il retourne en Judée, à Bethléem, ville de David. Quant à ses origines, il est de la famille et de la descendance de David (Lc 2, 4). Il vient pour se faire recenser avec Marie son épouse qui est enceinte. Ils seront donc trois sur la liste du recensement, car probablement la naissance est intervenue avant la formalité administrative : Joseph, Marie et Jésus. Il se fait connaître et reconnaître dans cette filiation, si profonde de sens, dans l’attente du Messie, et cela ne lui échappe pas. Il est l’hôte de Bethléem

Les chemins spirituels de ce chapitre ont trait à divers aspects de la Mission de Dieu dont l’Eglise est consciemment le signe. Elle est l’hôte de l’humanité et de notre monde pour en témoigner. Cela se fait par les réseaux de dialogues que le Concile Vatican II a mis en valeur. Nous nous y intéressons sous le patronage de saint Joseph à qui Jean XXIII a confié le déroulement du Concile. Pourquoi ne pas réapprendre à intéresser Joseph à ces dialogues quand nous les entreprenons ?

Chapitre 4 : Sur les routes


Joseph et Marie ont déjà pris la route de Nazareth vers Bethléem pour des raisons administratives romaines, administratives et politiques. Ils ne retournent pas chez eux tranquillement, car d’autres raisons politiques vont les mettre avec l’Enfant sur les routes de l’exil en Egypte.


Les chemins de spiritualité seront nos routes humaines, routes de notre exil et de notre exode vers notre Cité. Les grands textes des Papes insistent sur cette vision des choses et placent Joseph comme Protecteur de l’Eglise en sa démarche eschatologique vers le Ciel, parlant du pèlerinage terrestre.  Il est tout autant notre accompagnateur précieux sur nos routes humaines et spirituelles. Avec saint Joseph, feuilletons les pages de la vie des chrétiens et de l’Eglise.


Chapitre 5 : Parents de Jésus


L’écho du recouvrement au Temple de l’Enfant de douze ans est en tension nous dit France Quéré. L’angoisse est là, pas encore complètement dissipée. Une réflexion de Jésus invitant à entrer plus à fond dans son mystère ouvre à une autre méditation à laquelle devront s’employer Joseph et Marie, car ils ne comprennent pas à ce moment-là. Ce qu’on disait de Jésus et ce qu’il disait de lui-même occupent donc la méditation de Joseph et de Marie.


Les chemins spirituels concernant spécialement les parents, et pour une part les éducateurs, s’éclairent par l’inversion de la phrase que j’ai annoncée : tous les parents sont invités à faire ce que Joseph et Marie ont patiemment fait : accompagner le mystère de leurs enfants, qui certainement s’ouvrent peu à peu auprès d’eux. Ils peuvent se réclamer de Joseph et de Marie, lorsqu’ils accompagnent le mystère de chacun de leurs propres enfants dans sa totalité, mystère humain et chrétien.

Chapitre 6 : Mort de saint Joseph


Avec la foi de l’Eglise qui est exprimée dans le Credo : je crois en Jésus-Christ, descendu aux enfers, formule qui est reprise dans la Prière Eucharistique IV : en rappelant la mort de Jésus-Christ et sa descente au séjour des morts, nous pouvons avancer un peu par rapport à la mort de Joseph. Du simple point de vue biblique, le séjour des morts, des Enfers ou profondeurs du Shéol, c’est la conviction qu’il y a une attente de la résurrection par Adam et Eve et leur descendance, par tous les patriarches, ancêtres du Peuple de Dieu, les justes selon la foi d’Abraham, les prophètes qui ont maintenu l’attente Messianique. Toutes ces personnes y sont retenues. Joseph est parmi eux, car il s’est endormi dans la mort en juste ayant été si proche du mystère de Jésus. Il est visité par le Seigneur Jésus et reçoit l’annonce de l’autre aspect du mystère : la vie éternelle.


Nos chemins spirituels sont définitivement orientés vers notre passage au Ciel par notre mort terrestre. Dans la prière de recommandation du patronage de saint Joseph pour une bonne mort, il y a toujours cette perspective de la fidélité d’une vie d’abord, car c’est bien son chemin à lui Joseph. Sa présence auprès de nous permet de lui confier nos appréhensions et nos souffrances devant notre mort.

 

Références des photos


FR012CFRDJ0026.jpg – Tableau du mariage de Joseph et Marie en l’église Saint-Désiré –LONS-le-SAUNIER. – Poids : 3,42 mégas - Copyright : CFRD-Tranvouez

FR012CFRDJ0012.jpg – Vitrail de l’Adoration des Mages de GP DAGRANT- Eglise ND de Bon Secours – VILLEFRANCHE D’ALBIGEOIS – Poids : 1méga – Copyright : CFRDJ -Tranvouez

FR012CFRDJ0010.jpg – Bienheureuse mort de saint Joseph – Vitrail de G.P. DAGRANT – Eglise ND de Bon Secours – VILLEFRANCHE d’ALBIGEOIS – Poids : 1,12 méga – Copyright : CFRDJ-Tranvouez

 

ECRITURE SAINTE

FICHE ES 04 - MEDITATION SUR LE MYSTERE DU RECOUVREMENT DE JESUS AU TEMPLE par Mme Dominique LEMOINE

Jésus, Marie, Joseph, pèlerins, en ces jours de préparation au «  Grand Passage », sens du mot Pâques. Une petite famille sur les routes de Jérusalem, avec d’autres familles ; une famille de pèlerins, au sein de laquelle Jésus, à 12 ans, se fait pèlerin aussi, comme les autres, à un âge important de sa vie : la maturité spirituelle.


Jésus a grandi ; ce pèlerinage vers son Père, chemin de toute vie, c’est maintenant « son » chemin dans tout le mystère de cette croissance de l’être qui chemine pas à pas vers la mission reçue du «  Père ».

Mais voilà, comme toute étape de croissance, cette étape exige nouveau regard, réajustement, et cela ne se fait pas sans douleur.

Joseph et Marie ont en quelque sorte « perdu » leur enfant et ils retrouvent un adolescent en quête d’autonomie, d’identité, de vraie liberté, celle qui consiste à se déclarer un jour dans la classe des « grands » ! Non plus fils de Marie et Joseph, mais Fils, dans la conscience de se reconnaître de plus en plus Fils  du Père.


« Ne saviez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ?» Formule interro-négative qui suppose inévitablement la réponse : « Si !...mais… »

Si !... bien sûr ! Un jour, comme Joseph et Marie, nous avons eu conscience, en accueillant notre enfant, d’être ébahis, éblouis devant ce cadeau, ce présent de Dieu qu’est la Vie, une Vie nouvelle ! Puis nous avons un peu oublié. Ce cadeau est devenu partie de nous-mêmes, notre propriété personnelle, notre Bien. Même dans le domaine religieux, il est si important que nos enfants suivent « avec nous » notre chemin, nous suivent, ou tout au moins nous accompagnent. Et nous vivons souvent comme si ce pèlerinage ensemble ne devait jamais finir ! Mais !...


Cet épisode qui nous renvoie si bien à nos fragilités humaines et familiales, qu’il est salutaire de voir que Joseph et Marie l’ont connu avant nous, avec nous. Qu’il est réconfortant de voir Marie dans toute son humanité de mère qui doit passer par le « glaive » de la séparation, comme toute mère de la naissance à la perte de son enfant ; de voir Joseph associé dans un silence souffrant à son Epouse, sans tout comprendre, même s’ils savaient ; sans se taire, même s’ils sont tous les deux réputés pour leur silence,  osant dire leur inquiétude, leur angoisse, leurs limites, leur désarroi, en toute humilité et vérité, et accepter aussi la Parole de leur enfant qui est Parole de Dieu !


Alors, oui ! Ils peuvent se taire et accueillir enfin dans la Paix leur enfant qui leur est, non pas enlevé, mais «  remis », soumis au sens de remis pour un temps à leur responsabilité de parents et d’éducateurs : la mission de Joseph, première ici à l’âge de Jésus, et de Marie, n’est pas finie. Le travail du père, travail « d’élévation », peut continuer ; dans l’obéissance du père, Jésus est plus que jamais dans l’obéissance à son « Père » !


La Sainteté de Joseph et de Marie, comme la nôtre, n’est pas « désincarnée », c’est dans ce réajustement constant à la Volonté de notre Père du Ciel (et nos enfants sont souvent là pour nous le rappeler) que nous nous sanctifions. Joseph et Marie en sont l’exemple humain parfait ! Qu’il est réconfortant pour des parents de voir qu’ils ont vécu les mêmes étapes, les mêmes souffrances, jusqu’à la mort de Jésus. Et connaissant parfaitement les Ecritures, ils avaient conscience, plus que jamais, de ce qui attendait le Serviteur Souffrant.

Ce n’est pas tant de la souffrance que nous devons protéger nos enfants, c’est de la perte de Dieu ! Peut-être serait-il parfois important de rappeler dans un monde si hédoniste que nous ne sommes pas  «  au-dessus du Maître.» Que toute souffrance vécue en Dieu et non pour elle-même, est promesse d’une incroyable Fécondité !


Marie et Joseph doivent s’effacer devant Jésus se recevant du Père comme tout parent. Mystère d’abandon et d’effacement.


Pour nos enfants aussi ce mystère est « révélateur » au sens évangélique du terme : nécessité de vivre ces étapes de séparation, qui sont des étapes de croissance et donc de vie : aider par ses paroles et ses actes ses propres parents à les vivre ; parfois oser les provoquer même si on sait que cela fait mal, mais toujours en sachant leur montrer que Si ! « .ils savaient » que cela devait arriver un jour, au fond d’eux-mêmes et depuis le premier jour.


Infini respect puisque l’enfant alors nous renvoie à nous-mêmes, à notre connaissance et à notre conscience, sans jugement, puisque : vous le saviez, vous l’avez sans doute oublié ?


Infini respect aussi des lois de la Nature et de la Création, puisque Jésus immédiatement se « remet » entre leurs mains de parents et d’éducateurs, acceptant dans l’obéissance cette nouvelle étape de sa vie vers l’autonomie et la pleine réalisation de sa mission.

Sagesse infinie de Jésus qui a tant à nous dire aujourd’hui sur cette période si difficile de l’adolescence.


Mystère de Révélation et Mystère d’Obéissance : Jésus se révèle et Jésus se soumet ; Jésus s’affirme et Jésus se remet entre les mains de ses parents, en particulier, ici, de Joseph. Commence alors ce qui sera la période la plus longue et la plus féconde de sa Vie, pendant plus de 15 ans ! Mystère incroyable de fécondité que celui de l’obéissance, puisqu’il conduira Jésus à se donner totalement !


Qu’est-ce qu’une éducation réussie, une vie réussie, si ce n’est celle qui permet à l’autre de se donner totalement !


C’est le chemin que Jésus, vrai homme, a suivi parfaitement grâce à Marie et à Joseph !

 

Références 

  • Madame Dominique LEMOINE habite Lyon. Elle présente volontiers la Crypte de la Basilique Notre-Dame de Fourvière spécialement consacrée à saint Joseph. Elle a constitué un groupe de prière autour de saint Joseph, très actif. Elle fait partie du Conseil d’Administration du CFRDJ (Centre Français de Recherche et de Documentation sur saint Joseph). Nous sommes heureux de présenter un premier texte et nous souhaitons le suivi de sa collaboration au site du CFRDJ.
  • Première photo : Tableau de l’Enfant Jésus au milieu des docteurs de la Loi – Collégiale Saint Quiriace à Provins. FR010CFRDJ0095.jpg- poids : 2, 35 mégas – Copyright CFRDJ –Tranvouez – Voir Secrétariat CFRDJ – Maison Saint-Joseph 26400 ALLEX. CFRDJ @aol.com
  • Deuxième photo : Extrait du Vitrail de la Sainte Famille, de Noël LAVERGNE – Paris 1889 – Collégiale Saint Quiriace – PROVINS. FR010CFRDJ0096.jpg.       Poids : 1, 5 méga – Copyright : CFRDJ-Tranvouez.

 

 

 

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FICHE ES03- La Révélation à Joseph selon Matthieu 1, 18-24, célébrée chez les Maronites, présentation P. Albert Perrier.

 

  A l’occasion d’une retraite près des Maronites du Monastère Saint Charbel, à Bois-Seigneur Isaac (Belgique), j’ai eu la  joie de découvrir la façon dont ils préparent Noël. C’est selon un temps légèrement plus long que notre Avent. Je pressentais que l’Annonce à Joseph, ou La Révélation à Joseph avait pour lui le poids de grâce personnelle, comme Marie a eu le sien au cours de son Annonciation. Voici mes découvertes et mon partage.

  Par la dévotion éclairée de l’Eglise, nous avons une approche intéressante des Récits de l’Enfance en Matthieu et Luc, donc de beaux commentaires de ces textes.

 

Temps de préparation à Noël

 

Il y a un cycle de 8 semaines à partir du premier dimanche de novembre. Deux dimanches sont destinés à faire prendre conscience de l’Eglise, selon la dédicace de l’Eglise et son renouveau.

 

Puis viennent précisément les dimanches qui préparent Noël en compagnie des  justes qui ont préparé immédiatement la venue de Jésus,  selon les dimanches suivants :

 

-       Dimanche de l’Annonce à Zacharie ( Luc 1, 5-25)

-       Dimanche de l’Annonce à la Vierge Marie ( Luc, 1, 26-38)

-       Dimanche de la Visitation à Elisabeth (Luc 1, 39- 56)

-       Dimanche de la Naissance de Jean-Baptiste ( Luc 1, 57- 80)

-       Dimanche de la Révélation à Joseph (Matthieu 1, 18-24)

-       Dimanche de la Généalogie  (Matthieu 1, 1-17)

 

  Révélation à Joseph

 

Je retiens ici les diverses prières qui sont faites pour souligner ce qui est la grâce de la vocation de saint Joseph, au cœur du Mystère de l’Incarnation.

 

  Le soir : prière initiale

           

Seigneur Dieu, donne-nous d’être instruits de tes enseignements, éclairés de ta sagesse et assistés de ta  force pour confesser d’une foi sincère ta merveilleuse incarnation, magnifique le mystère de pureté de ta mère et célébrer la mémoire du juste Joseph, et nous t’élèverons la gloire à jamais. Amen.

 

Le soir : seconde prière

Très-Haut transcendant que ni commencement ni fin ne limitent, tu as envoyé ton ange pour dissiper le trouble de Joseph causé par le mystère de la conception de la Vierge,

            affermis-nous donc en ta vérité, enracine-nous en ton salut, protège notre foi du doute et notre croyance du trouble et fais briller en nos cœurs les rayons de ta grâce pour que nous confessions ta merveilleuse naissance, honorions ta mère pure et le juste Joseph, et nous t’élèverons la gloire, maintenant et à jamais. Amen.

 

Refrain : Jadis en vision tu dis à ton fidèle : J’ai prêté mon aide à un preux, j’ai exalté un élu de mon Peuple. 

 

Troisième prière

           

Fils de l’Eternel, à toi la reconnaissance, car tu es devenu fils de la Vierge Marie ; quand tu choisis Joseph pour le service de ton économie salvatrice, tu lui révélas le mystère de ta merveilleuse incarnation, éclaire donc nos esprits de la lumière de tes commandements vivifiants et affermis-nous dans la véritable foi catholique ; donne-nous de toujours confesser la divinité et de croire fermement à ton Incarnation pour louer ta miséricorde maintenant et à jamais.

 

Proemion et Sedro

           

Louange, gloire et honneur au Saint Très-Haut qui orne ses créatures de ses dons et leur prodigue la beauté de sa sagesses, qui a révélé à Joseph que Marie avait conçu en toute pureté le Fils unique, lui disant par la voix de l’ange Gabriel qu’Il est le Fils du Père Céleste, lui le bon à qui reviennent gloire et honneur en cette soirée et tous les jours de notre vie, maintenant et dans les siècles des siècles. Amen.

 

Ô Dieu, source et fin de toutes les fêtes, toi qui leur donne leur sens, quand tu vis les hommes, tes créatures, créés pour te célébrer, s’écarter de la route et s’éloigner de toi, tu t’incarnas pour les sauver et leur permis d’être avec toi en une fête perpétuelle.

 

Aujourd’hui, nous fêtons la mémoire de la divine révélation qui dissipa le trouble de Joseph et lui donna de croire que l’Enfant était conçu de l’Esprit Saint ; nous te remercions d’avoir

ainsi confondu les persifleurs insensés,  d’avoir réjoui les croyants sincères et d’avoir écarté de la Vierge, pure entre toutes les pures, tout soupçon ou accusation.

 

Et maintenant, nous te supplions, Seigneur, par l’intercession de Marie ta mère et de Joseph ton élu, accepte notre prière en ta miséricorde, que cette fête soit pour notre salut, que cesse le doute, que revienne celui qui est loin, que soit protégé celui qui est proche, que la paix et la joie se répandent dans le monde, que l’amour et l’union gagnent les cœurs et que les âmes de nos morts trouvent le repos dans les demeures de joie et nous t’élèverons la gloire, maintenant et à jamais. Amen.

 

 Synaxaire : Mémoire de la révélation à Joseph

 

Joseph était un homme juste et droit qui s’était fiancé à la Vierge Marie, c’est-à-dire qu’il avait convenu avec elle et sa famille de la prendre pour femme. Mais elle était encore dans la maison de ses parents et Joseph s’apprêtait à la conduire chez lui. Il ignorait qu’elle allait être la Mère du Sauveur attendu et que l’ange lui en avait fait l’annonce.

 

Quand il s’aperçut qu’elle était enceinte, il fut troublé et perplexe. L’ange lui apparut alors, lui révélant que l’Enfant attendu était le saint, le Messie. Il fit alors les cérémonies de l’entrée de la jeune fille chez lui et vécut avec elle dans la pureté et la crainte de Dieu.

 

Aujourd’hui, l’Eglise honore saint Joseph que Dieu a choisi pour père adoptif et gardien du Christ. Demandons sa protection et que Dieu nous garde par sa prière. Amen.

 

Le jour : Proemion et Sedro

 

            On ne peut te louer comme il convient, illustre et juste saint Joseph ; tu as servi Jésus et sa mère, attaché à eux jour et nuit ; en  tes bras tu as porté celui qui porte les créatures, tu as parlé avec le Verbe éternel et fus gardien de sa mère, la Vierge bienheureuse, ta pure fiancée. que tu es heureux parmi les saints et illustre parmi les chastes ! Aussi te disons-nous en la mémoire de ta fête :  salut, ange qui as accompagné le Sauveur et en écarté tout malheur ;salut, chaste qui as protégé la Vierge, fille du Père et épouse de l’Esprit ; salut, astre qui illumines le Ciel de l’Eglise et guides ses enfants dans la bonne voie ; salut, gloire des  justes et honneur des élus !

      Et maintenant nous te supplions, ô juste, d’intercéder pour nous qui aujourd’hui fêtons ta mémoire, demandant au Seigneur que tu as servi toute ta vie durant, qu’il dirige notre vie sur terre et nous protège de tout ce qui nuit à l’âme et au corps, qu’il accepte notre prière pour les vivants et les morts, et nous élèverons la gloire à la Trinité vivifiante, maintenant et à jamais. Amen.

 

 Joseph et le Fils de Dieu, de Saint Ephrem d’Edesse

 

Joseph aima le Fils comme son enfant et le servit comme son Dieu ; il se réjouit de lui comme on se réjouit du Bon ; étant juste, il le craignait, merveille des merveilles. Joseph disait : qui m’accordera que le Fils du Très-Haut devienne mon fils ! J’avais soupçonné ta mère et avais pensé la répudier, car j’ignorais que ses entrailles contenaient l’immense trésor qui depuis toujours a enrichi ma misère. Le Roi Davir était de ma tribu et il ceignit la couronne ; ma place est bien plus humble ; au lieu d’être roi, je suis charpentier ; mais la couronne m’est revenue puisque j’ai porté dans mes bras le Seigneur des créatures.

Synaxaire du dimanche de la Généalogie

 

 

 

Mémoire de la Généalogie selon la chair de Notre Seigneur Jésus

 

Le Verbe a pris un corps de la Vierge Marie et s’est ainsi affilié à une famille déterminée de l’humanité.

 

Matthieu fait partir la généalogie du Christ, du prophète David, ancêtre de Joseph, époux de Marie. Il fait ainsi de Jésus l’héritier des rois et des prophètes, et donc le Messie attendu (Matthieu, 1, 1-25)

 

Luc, au contraire, fait partir la généalogie du Christ de Joseph, l’époux de Marie, remontant jusqu’à Adam. Ainsi montre-t-il que Jésus est le Sauveur de tous les hommes, celui que le Seigneur avait promis au Paradis terrestre, après la chute d’Adam (Luc, 3, 23-38).

 

Nous voici au dernier dimanche avant Noël ; préparons-nous par la pénitence et la prière, à recevoir celui qui a voulu prendre la condition de Serviteur pour se faire connaître à nous et nous donner la joie. Gloire à Lui à jamais ! Amen.

 

Photo n° 1 : Nazareth –Monastère de la Passion à MAMERS (72) – Vitrail de Küchel Becker et Jacquier - Le Mans 1883. – Travouez – CFRDJ.

 

Photo n° 2 – Couvent Saint-Marc près Colmar – Maison Mère des Sœurs de Saint-Joseph. –Albert Perrier -CFRDJ

 

 

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Fiche ES02 – Le Noël de Joseph, fils de David, par l’Abbé Joseph LOEB (Avent 2007), extrait de ses Contes de Noël (2ème Edition – 2008 (pages – 8-13).

 

M.l ‘Abbé Joseph LOEB du diocèse de Strasbourg, ancien aumônier de l’Ecole Normale de Sélestat et du Couvent Saint-Marc à Gueberschwihr, est maintenant à la retraite. Dans sa série de Contes de Noël (22), il y en a qui sont des  commentaires discrets des Récits de l’Enfance chez Matthieu et Luc. Il nous invite lui-même à retouver un cœur d’enfant pour nous pencher su ces contes de Noël.

 

Il s’explique ainsi à propos de cet inédit de la deuxième édition : Le Noël de Joseph, fils de David : Pour dire quelque chose sur saint Joseph il a donc fallu beaucoup réfléchir, prier et deviner. Je m’accrochais donc au qualificatif que lui donnait Dieu lui-même lorsqu’il s’adressait à lui par l’ange : Joseph, fils de David. Et, lorsque je rédigeais, tout en me reprenant sans cesse, j’avais l’impression que Joseph regardait par-dessus mon épaule pour m’encourager, tout en me disant : Ce n’est pas tout à fait ça , mais il y a de ça ! Je cois qu’il faut lire mon texte en retenant cela ; il ne peut avoir aucune prétention à l’exactitude. Il voudrait simplement susciter la juste considération, l’admiration et peut-être la vénération pour l’homme à qui Dieu a confié la Vierge Marie et son propre Fils, l’humble charpentier de Nazareth, Joseph, fils de David.

 

Le Noël de Joseph, fils de David

Il n’avait trouvé pour gîte, avec Marie sur le point d’être mère, que cette grotte-étable pour y passer la nuit. C’était pauvre, mais on était à Bethléem, la ville de David, et pour Joseph c’était une grande satisfaction. C’est là qu’il avait grandi, couru la campagne, fréquenté les bergers. Cela ne lui aurait pas déplu de le devenir, comme l’avait été son ancêtre David dans sa jeunesse et dont le Seigneur avait fait le roi d’Israël. Pour Joseph cette origine était son humble fierté. Et c’est parce qu’il était de la famille et de la descendance de David qu’il était venu à Bethléem pour s’y faire recenser avec son épouse, selon l’édit de l’empereur

Auguste.

 

Etre dans cette ville les rendait heureux, surtout pour l’enfant qui allait y naître. L’Ange n’avait-il pas dit à Marie : Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père ; il régnera sur la maison de Jacob et son règne n’aura pas de fin (Luc 1, 32). C’était à Nazareth et voilà que c’est à Bethléem qu’il allait naître, contre toute attente. C’était un honneur et un présage pour l’avenir. Pour le moment c’était Auguste qui régnait, et Joseph ne voyait pas comment l’enfant de Marie pourrait prendre un jour une place d’empereur. Mais ne serait-il pas de la descendance de ce David qui, bien que petit, avait fait tomber un jour le gigantesque Goliath ?

 

Bethléem ! Joseph n’avait quitté sa ville qu’à regret lorsque ses parents s’étaient expatriés en Galilée, sans doute pour des raisons économiques. La Judée était peu fertile, peu peuplée, et n’offrait guère d’emplois. Pour y pallier Hérode avait ouvert des chantiers, notamment au Temple (selon Flavius Josèphe – Antiquités Juives). Mais plutôt que de travailler pour le roi honni on préférait s’expatrier, fut-ce dans cette Galilée des Nations, jugée contaminée par la proximité des païens. Partir de Bethléem, la ville de David, pour aller vivre dans un hameau comme Nazareth, de réputation peu flatteuse, c’était tomber de haut. Joseph s’en était accommodé. Il avait à la fois la noblesse du sang royal et celle de l’humilité. Malgré l’ascendance royale sa famille vivait au niveau du peuple : lui-même était charpentier.

 

Mais à Nazareth Dieu lui avait offert une reine : Marie ! Elle était née à Jérusalem où ses parents, Anne et Joachim, avaient habité non loin du Temple, juste à côté de la piscine de Bézatha. Fillette, Marie avait vu laver les agneaux avant leur immolation ; cela lui fendait son cœur de petite fille. Elle pensait que Dieu devait certainement préférer l’amour et elle était bien décidée à le lui donner entièrement lorsqu’elle serait grande.

           

Ses parents avaient parfois la visite de la cousine Elisabeth dont le mari Zacharie était prêtre. Marie la voyait tant souffrir de ne pas avoir d’enfant qu’elle aurait voulu souffrir à sa place ; elle était prête à renoncer à devenir elle-même maman un jour pour vivre cette douleur au cœur à cœur avec Elisabeth.

 

Puis Joachim et Anne avaient émigré à leur tour en Galilée. Citadins, ils avaient d’abord préféré s’installer dans la petite ville de Séphoris, centre administratif et point stratégique des Romains, sur les hauteurs dominant Nazareth. Plus tard c’est dans cette localité qu’ils vinrent s’établir, sans doute en vue du mariage de Marie. Il s’agissait de rencontrer une famille assortie à la leur.  Selon l’usage c’est le père qui devait trouver un mari pour sa fille et Joachim jeta son dévolu sur Joseph, jeune charpentier établi à son compte, et surtout un homme juste. Joseph en avait été plus qu’heureux, car il n’avait pas été sans remarquer la qualité exceptionnelle de la jeune fille, et son nom chantait dans son cœur : Marie, Marie ! En bon Israélite il désirait devenir père d’une famille telle que le chantait le psaume : Ta femme sera dans ta maison comme une vigne généreuse, et tes fils autour de la table, comme des plants d’oliviers (Psaume 127 ou 128, 3).

 

On avait conclu les fiançailles ; juridiquement c’était le mariage mais sans cohabitation. C’est dans la maison de Joachim que Joseph pouvait rencontrer Marie, brièvement et pratiquement jamais seul. Marie et Joseph n’avaient pas tellement besoin de se parler, leurs âmes communiaient en profondeur et se comprenaient en silence. Joseph était subjugué par Marie, tout son être rayonnait d’un amour parfaitement transparent et pur. Il ignorait tout de son propos de rester vierge, mais il était décidé à ne l’approcher qu’avec la plus grande délicatesse, faisant sienne la prière du jeune Tobie épousant Sara : Seigneur, tu le sais : si j’épouse cette fille d’Israël, ce n’est pas pour satisfaire mes passions ; mais seulement dans le désir de fonder une famille qui bénira ton Nom dans la suite des siècles (Tobie 8, 7).

 

Joseph était toute à la joie de vivre bientôt avec elle sous le même toit. Et c’est alors qu’avait eu lieu l’événement inouï : l’Ange du Seigneur était venu demander à Marie d’accepter de devenir la mère du Messie. Une fois que l’Ange eut répondu à sa question comment cela pourrait se faire : L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’enfant sera saint et sera appelé Fils de Dieu (Luc 1, 35), elle avait accepté avec une foi héroïque en vraie servante du Seigneur.

 

Ayant alors conçu du Saint-Esprit, Marie n’avait pu vivre et intérioriser cet événement inouï qu’en s’enfonçant dans le plus grand silence. Mais comme l’ange lui avait annoncé : Voici qu’Elisabeth ta parente vient, elle aussi de concevoir un fils dans sa vieillesse, car rien n’est impossible à Diei (Luc 1, 36), Marie avait compris que Dieu lui demandait d’aller auprès d’elle à Aïn Karim, près de Jérusalem. Pour ce voyage elle avait besoin de la double permission des parents et de son époux. Et Joseph avait acquiescé avec noblesse, et sans poser de questions ; pour lui c’était une joie que de réaliser un désir de Marie. Il ne convenait pourtant pas qu’oil l’accompagne puisqu’ils ne vivaient pas encore sous le même toit. Il ne savait pas encore que Marie portait un enfant dans son sein. A quel moment aurait-elle pui lui parler d’une chose aussi inouïe et comment ?

 

Elle avait donc dû partir en s’en remettant à Dieu ; Lui seul pouvait aider Joseph à entrer dans un tel mystère. Lorsqu’il avait su Marie enceinte, cela avait été comme un coup de tonnerre ; il était entré dans une grande perplexité et un indicible tourment. Il connaissait trop Marie pour pouvoir douter un seul instant de son innocence. Et lorsqu’elle lui avait dit la vérité, il n’avait pas douté un instant de sa sincérité.

 

Mais comment pouvait –il assumer une telle situation ? Au regard des hommes qui ne pouvaient ni savoir, ni croire, il devait faire son devoir d’homme juste et se séparer de Marie. Au regard de Dieu, il ne se sentait pas le droit de prendre sous son toit celle qui portait en son sein l’enfant conçu par l’Esprit Saint, le Fils de Dieu. Joseph avait vécu une agonie, avec noblesse et oubli de soi. Dieu lui-même l’en avait délivré : Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse (Matthieu 1, 20). Etre appelé fils de David l’avait remué jusqu’au tréfonds de son être. Ainsi Dieu lui-même lui reconnaissait l’identité dont il avait si vivement conscience : fils de David, rameau de l’arbre de Jessé duquel le Messie devait un jour surgir. Joseph en était fier. Fils de David ! Il n’ignorait certes  pas les péchés de son père, mais il les recouvrait d’un manteau comme l’avaient fait jadis Sem et Japhet pour cacher la nudité de leur père Noé (Genèse 9, 22-23). Il ne gardait en mémoire que la magnanimité de David : il avait épargné Saül, et Absalon, son propre fils, et même pleuré leur mort alors qu’ils avaient voulu la sienne. C’est de ce David que Joseph se sentait le fils, et heureux de l’être.

 

L’Ange avait aussi dissipé sa crainte, celle de ne pas vivre dans la soumission aimante au Shema Israël qu’il récitait tous les jours : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force (Deutéronome 6, 4), s’il ne se séparait pas de Marie. Et c’est ce qu’il avait été sur le point de faire, par amour de Dieu : le sacrifice de Marie, son épouse bien-aimée, même si cela lui déchirait le cœur. Mais le Seigneur la lui avait rendue.

 

Et pas seulement cela : le Seigneur lui confiait l’enfant de Marie et lui donnait autorité pour lui imposer le nom : Tu lui donneras le Nom de Jésus. Ce faisant, c’est lui qui lui conférerait l’entrée dans la lignée royale directe, et si le fils de Marie pourrait être appelé fils de David, ce serait grâce à lui, Joseph.

 

Après que le mariage eut été fêté publiquement Joseph et Marie avaient vécu ensemble des jours heureux. Ensemble ils avaient médité et gardé dans leurs cœurs les écrits des Prophètes éclairant le mystère qu’ils étaient en train de vivre : voici que la Vierge concevra et enfantera ub fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit Dieu avec nous (Matthieu 1,22 et Isaïe 7, 14).

 

Ils s’étaient préparés à sa naissance à Nazareth. Quant l’édit impérial les obligea à se rendre à Bethléem, ils avaient compris tout de suite que ce n’était pas Auguste mais Dieu qui était le maître du monde et de l’histoire. Le signe était là : l’enfant naîtrait à Bethléem, comme annoncé par Michée : Et toi, Bethléem Ephrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que je ferai sortir celui qui doit gouverner Israël (Michée 5, 1).

 

Joseph pensait à tout cela en veillant tendrement sur Marie dans cette pauvre étable de Bethléem. Ils y étaient maintenant, dans cette ville de David et le Sauveur y naquit en effet cette nuit-là. Le dénuement était complet, mais le bonheur à son comble. Marie et Joseph vivaient un amour indicible et une immense espérance ; et ils bénissaient Dieu. Joseph regardait Marie et l’enfant avec une immense tendresse.

 

Cet enfant était le Messie attendu, le Sauveur. Avec lui tout était nouveau, tout commençait. Il était l’héritier du trône de David, et c’est à lui, Joseph, fils de David, qu’il était confié avec sa mère. Lui, l’humble charpentier, était maintenant soudain investi d’une responsabilité royale. Il se sentait comme naître à une vie nouvelle ; pour lui aussi cette nuit était celle d’une naissance : elle était son Noël !

                                                                                  Abbé Joseph Loeb

 

Abbé Joseph Loeb – Aumônerie du Couvent Saint-Marc – Religieuses de Saint-Joseph –

68420 GUEBERSCHWIHR

 

Image 1 – Eglise Saint-Martin – LONGNY AU PERCHE (61) - Tableau provenant de la Chartreuse de VAL-DIEU. ( Photo Travouez-CFRDJ)

 

Image 2 – Chapelle Notre-Dame de Pitié (XVIème) – LONGNY au PERCHE (61) – Toile du XVII-XVIIIème siècle – dans la chapelle

 

 

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FICHE : ES01  - Des récits évangéliques de l’Enfance de Jésus  à la Tradition catholique, par P. Albert Perrier, CFRDJ.

 

Récits évangéliques


Nous connaissons bien les insistances de Matthieu et de Luc pour ce qu’il est convenu d’appeler, surtout chez Luc : les Récits de l’Enfance. Il est encore reconnu que l’un et l’autre, dans leurs deux premiers chapitres, donnent un prologue christologique.


Pour Matthieu,  Jésus reçoit son nom par quelqu’un de la lignée de David, Joseph, fils de David ( 1, 16, 20 et 22 selon le prophète Isaïe. Jésus est véritablement le Messie attendu par les Juifs. Tandis que Joseph accueille ainsi, au nom d’Israël et de la lignée de David, l’Enfant conçu de l’Esprit et né de la Vierge Marie, à la suite de la visite des mages, représentant l’accueil des païens, Jérusalem et les grands prêtres l’ignorent, et le roi Hérode le persécute.


Pour Luc, des messages surnaturels arrivent par les personnes concernées par Jésus et révèlent au fond son mystère : conçu de l’Esprit Saint et Fils de Dieu (1, 35), Sauveur et Chris Seigneur (2, 11), salut de Dieu et lumière des païens (2, 30-32) et pourtant voué à être contesté par son Peuple (2,34).


Il y a aussi un aperçu de la vie à Nazareth, de la conscience de Jésus allant vers ses 30 ans. C’est merveilleux que cela nous soit ainsi donné à contempler avec Marie et Joseph.


Tradition de réflexion


Alors, des générations successives de chrétiens vont se pencher sur ces Ecritures et les faire leurs selon des sensibilités variées, en Orient comme en Occident. Jésus, le Christ et Seigneur, est au cœur de leur contemplation, mais aussi Marie et Joseph si proches de Jésus pour le servir selon leur vocation personnelle propre et accordés ensemble à ce mystère. C’est la Tradition !

Je commente au mieux cette Tradition en reprenant ce que j’ai écrit dans le Prologue du beau livre Florilège sur Saint Joseph, ou la contemplation d’un mystère, car nous sommes-là au cœur de la Tradition .


Gilles (ou Joseph-Olier) de Christen, l’auteur, rassemble et commente les textes des auteurs qui, tout au long de la Tradition de l’Eglise, ont contemplé le mystère de Jésus en son incarnation : Dieu avec nous – Emmanuel  (Matthieu 21,23) ou Dieu parmi les hommes. Naturellement, tous croisent saint Joseph sur les chemins de Jésus et de Marie. C’est a démarche soulignée par Gilles de Christen qui nous invite à contempler Joseph dans son mystère auprès de Jésus et au cœur de la Sainte Famille.


Comme première impression de lecture de ces textes – 103 citations plus ou moins longues -, j’apprécie la démarche de retrouver saint Joseph au cœur de la Sainte Famille et avec une place qui lui est propre. Joseph, à Nazareth, avec son cœur accordé à ceux de Jésus et de Marie, les fait grandir l’un et l’autre, chacun selon sa vocation.


Nous sommes attentif à cette réalité : la perception des choses aussi bien que des paroles transmises s’accroît, soit par la contemplation et l’étude des croyants qui les méditent en leur cœur , soit par l’intelligence intérieure qu’ils éprouvent des choses spirituelles, soit par la prédication de ceux qui reçurent un charisme certain de vérité… ( Texte sur la transmission de la Révélation divine, n° 8).


Tradition populaire


Je pars d’un exemple concret : celui du Bessillon, près de Cotignac. Nous pouvons évoquer tous ceux et celles qui ont aimé la dévotion envers saint Joseph, en ce lieu. Le 7 juin 1660, Joseph s’est invité en prêtant main forte à Gaspard et à son troupeau pour étancher tant soit peu leur soif, mais avec le soin particulier de rappeler la nécessaire attitude de confiance en cette affaire : Je suis Joseph, enlève la grosse pierre et tu boiras ! Marie avait déjà choisi son domaine de Cotignac, le 10 août 1519. Tout est bien ainsi. La Sainte Famille se retrouve, car l’un et l’autre, Marie et Joseph, nous conduisent toujours à Jésus.


Quand on vient au Bessillon, c’est en pèlerinage que l’on vient. C’est un geste de foi et de dévotion. L’attitude principale est celle de la prière, en regardant la statue de saint Joseph, mais aussi en puisant de l’eau avec confiance. Nous étanchons notre soif, spirituelle, comme l’inscription de la belle poutre de gloire du sanctuaire la reprend à Isaïe : Venez puiser avec joie aux sources du Sauveur. Le Chapelain relève quelques intentions de la prière : Souvent, je viens prier sur le lieu de l’apparition, au pied de la statue de Joseph et je prends comme ils viennent les papiers déposés à ses pieds ; ils son bouleversants tant ils portent de souffrance, de désarroi ; ce petit mot déposé là est comme la dernière branche à laquelle on s’accroche pour ne pas se laisser emporter par le flot impétueux des aléas de la vie. Cela fait du sanctuaire de saint Joseph du Bessillon un lieu vers lequel se tournent les cœurs.

On peut ajouter que, au cours des mois de mai et de juin, deux démarches arrivent au Bessillon et se poursuivent jusqu’au sanctuaire marial de Cotignac : les marches pèlerines des Mères et Pères de famille. Cela est fait dans un esprit de famille qui convient bien aux lieux et soulignent que Joseph et Marie sont proches de nos familles, avec une conviction que saint Joseph peut accompagner des réalités importantes pour aujourd’hui : aider les pères de famille à garder leur place et leur rôle d’éducateur, à côté des Mamans , accompagner le dialogue des époux et des parents pour qu’ils soient ensemble tout simplement éducateurs et qu’ainsi les enfants et les petits enfants découvrent leur vocation d’hommes et de femmes pour le bien de l’Eglise et du monde. Il n’y a que ce mystère qui tienne à cœur à Jésus, Marie, Joseph.


Conclusion


En Eglise, nous sommes au cœur de cette Tradition selon le Concile : La Tradition, c’est le sens profond de la foi des chrétiens, c’est tout ce qu’ils gardent dans leurs pensée et dans leurs coeurs, dans leurs gestes et leurs prières, depuis le plus humble des fidèles jusqu’aux responsables de l’unité de l’Eglise, le Pape et les évêques. (Paraphrase du texte sur l’Eglise au n° 12).