FICHE SP19 - Prends chez toi Marie, ton épouse - P. Henri CAFFAREL - Grandeurs et gloire de leur mariage : Mariage véritable et parfait selon les propriétés attribuées au mariage chrétien (III).

 

 

 

Note éditoriale

 

Cette troisième section présente les grandeurs et la gloire du mariage de Joseph et de Marie selon la présentation habituelle des propriétés du mariage chrétien, comme s’en explique le P. Caffarel. C’est un texte dense qui va des pages 257 à 266 du Cahier 123-124 de l’Anneau d’Or, mai-août 1965.

 

Nous retrouvons une réédition de ces pages dans la reprise du P. Caffarel lui-même par son livre édité en 1983 (Editions Parole et Silence) : Prends chez toi, Marie ton épouse : p. 129 - 141.

 

NDLR- C’est ce livre que je suis désormais, ayant obtenu la permission de ses ayant-droits de le faire dans le cadre des fiches de ce site. Nous le faisons d’autant plus volontiers que cela rejoint le projet de faire connaître la pensée du P. Henri CAFFAREL.

 

Le développement est dense et intéressant. Il apporte beaucoup d’éléments précis de spiritualité du mariage.

 

Présentation du P. Caffarel

 

Notre rapide enquête auprès des Ecritures et de la Tradition nous ayant confirmés dans la certitude que le mariage de Joseph et de Marie est un véritable et parfait mariage, efforçons-nous d’avancer dans l’intelligence de cette union. Nous prendrons pour fil conducteur les propriétés du mariage telles que la théologie les détermine : l’union indissoluble des époux, - l’amour, - la fécondité, - l’image de l’union du Christ et de l’Eglise.

 

 

 

Le dernier aspect de l’image de l’union du Christ et de l’Eglise constituera la IVème section (Fiche SP20, en raison de son importance et en lien avec l’Epilogue du P. Caffarel.

 

Joseph et Marie indissolublement unis

 

On ne connaît pas la formule par laquelle les Juifs, au temps de Jésus, contractaient mariage. Mais ce qui est sûr, c’est que Joseph et Marie, un jour, se donnèrent l’un à l’autre et pour toujours. Chacun pleinement libre et consentant, en même temps que décidé à rester vierge dans le mariage. Et ce consentement noue entre eux une union indissoluble. Virginale, cette union n’en fut pas moins un véritable mariage, puisque c’est le consentement qui fonde le mariage, au dire de saint Thomas et de toute la théologie à sa suite. A condition de voir dans ce consentement « l’union indivisible des esprits » ou, selon une expression que préfèrent nos contemporains, dans le don total, mutuel et définitif, des personnes.

 

Cette dernière formule a le mérite de bien souligner que, dans le mariage, l’homme et la femme engagent la totalité de leur être, âme et crps, d’où s’ensuit une totale appartenance réciproque.

 

En fut-il ainsi de Joseph et de Marie ? Sans aucun doute. La décision qu’ils avaient prise de rester vierge ne pouvait impliquer une réserve dans le don, autrement il n’aurait pas eu de mariage véritable. Chacun donc s’est donné à l’autre totalement et chacun a reçu l’autre, corps et âme, réalisant tout ce qui est vrai d’une union humaine, mais d’une manière suréminente.

Marie est le bien de Dieu, c’est des mains de Dieu que Joseph la reçoit, avec quelle tendresse et quelle vénération !, dans une allégresse certainement plus vive encore que celle de David, son grand ancêtre, lorsqu’il introduisit l’Arche d’Alliance en Jérusalem (2 Sam.,6). Et Marie, de son côté, accueille avec les mêmes sentiments le don de Joseph.

 

Ce que saint Paul dira par la suite aux gens mariés est également vrai de Joseph et de Marie : Ce n’est pas la femme qui dispose de son corps, mais le mari. Pareillement, ce ,4).n’est pas l’homme qui dispose de son corps, mais la femme (I Cor. 7,4). Mais qu’est-ce que cela peut bien signifier entre ces deux époux décidés à rester vierges dans le mariage ? Demandons la réponse à Bossuet. Il a su l’exprimer en termes délicats et forts : Marie appartient à Joseph, et Joseph à la divine Marie ; si bien que leur mariage est très véritable, parce qu’ils se sont donnés l’un à l’autre. Mais de quelle sorte se sont-ils donnés ? Ils se donnent réciproquement leur virginité, et sur cette virginité ils se cèdent un droit mutuel. Quel droit ? De se la garder l’un à l’autre. Oui, Marie a droit de garder la virginité de Joseph et Joseph a droit de garder la virginité de Marie. Plus Joseph aimait la pureté de Marie, plus il voulait la conserver, premièrement en sa sainte épouse, et secondement en lui-même par une entière unité de cœur : si bien que son amour conjugal, se détournant du cours ordinaire, se donnait et s’appliquait tout entier à garder la virginité de Marie. Une certaine déception, cependant, pointe en nous à la lecture de cette grande page : Pourquoi Bossuet s’en est-il tenu à ces termes trop négatifs de garder et de conserver ? Chacun des deux époux fait bien mieux que garder la virginité de l’autre, il y voit un talent, à lui confié par Dieu pour qu’il le fasse fructifier.

 

Cette virginité par laquelle ils immolent leur pouvoir de transmettre la vie et d’acquérir une descendance, ils la vivent à deux, heureux d’avoir à présenter ensemble à leur Dieu cette offrande commune. Mais au départ, ils étaient loin de soupçonner la fécondité inattendue et miraculeuse qui donnerait à leur mariage virginal sa perfection unique.

 

 

 

Ils s’aiment

 

Ce n’est pas l’amour, c’est le consentement qui fait le mariage, disent lesthéologiens. Oui, mais qu’est-il, ce consentement, sinon le droit mutuel que deux êtres se font de leur personne parce qu’ils s’aiment, et pour accomplir une œuvre d’amour ? Si l’amour est absent, l’union de l’homme et de la femme est comme vidée de sa substance, n’est plus qu’un corps sans âme.

 

Que l’amour tienne la place d’honneur dans le mariage de Joseph et de Marie, nul n’en saurait douter. Mais comme on se sent maladroit pour oser en parler. Faudrait-il se contenter d’affirmer : ils s’aiment de l’amour le plus parfait qu’on puisse imaginer, comme aucun couple ne s’aimera jamais, et puis se taire - le silence étant le meilleur moyen de célébrer tel amour ? Oui, si l’on ne savait rien de leur amour. Mais est-ce bien prouvé ? Dans paradoxe, on peut dire que leur amour nous est mieux connu que tout autre. Pour deux raisons. D’abord parce que, l’élan du cœur n’étant chez eux freiné par aucune pesanteur, nous sommes assurés, en prolongeant nos élans les plus purs, d’approcher un peu de leur mutuelle dilection. Et parce qu’ils sont l’un et l’autre sous la mouvance de l’agapè (l’amour de charité), cet amour divin que Dieu communique à ses enfants. Or ce qu’on peut appeler la psychologie de l’agapè nous est bien connu grâce aux écrits du Nouveau Testament, et très spécialement ceux de saint Paul et de saint Jean.

 

Ainsi nous avons deux voies d’accès - l’amour humain et l’agapè - à cette réalité mystérieuse et étonnamment radieuse : l’amour conjugal des deux êtres les plus parfaitement consacrés à Dieu. Avançons aves humilité, foi, révérence extrême.

 

Marie aime. Depuis toujours, l’amour de Dieu avait pris possession du cœur de l’Immaculée. Que l’on pense aux sentiments les plus purs et les plus véhéments des âmes juives les plus ferventes, à ceux des plus grands mystiques chrétiens, on sera encore bien loin de la qualité d’adoration, d’amour, de désir de Dieu qui flambent en cette âme exceptionnelle. Elle est toute à Dieu. Dieu est tout pour elle. Mais on se tromperait singulièrement en imaginant Marie accaparée par Dieu, aveugle à toute la création, indisponible à ceux qui l’entourent. Le Seigneur ne confisque pas les cœurs qui se consacrent à lui. Ce Dieu auquel elle est unie, lui communique son propre regard et son propre amour sur les êtres. Comme la création lui paraît belle ! Et comme elle sait rejoindre au fond de chaque, si cachée qu’elle y soit, la pensée éternelle de Dieu sur lui ! Et comme elle l’aime, cette pensée divine !

 

Qu’on essaye donc d’imaginer l’émerveillement qui surgit en elle lorsque son regard se posa sur Joseph, ce jeune homme que Dieu avait comblé de sa grâce. Déjà, pour les êtres frustres et pécheurs, la naissance de l’amour est comme un printemps du cœur : les sources alors délivrées chantent ; tous les bourgeons éclates ! Combien vif et joyeux dût être l’amour de Marie pour Joseph quand elle comprit qu’il lui était destiné, que Dieu lui en faisait don ! Combien fervente, son action de grâces envers son Seigneur !

 

Un très profond amour conjugal prend possession d’elle. Il est fait, à la fois, de don et d’accueil, il s’épanouit dans la joie sans cesse nouvelle du dialogue et de l’échange, il aspire à l’unité comme à sa plénitude.

 

Son amour pour Dieu ne rend pas plus indisponible le cœur de Marie que son amour pour Joseph ne la distrait de son Dieu : cet élan qui l’emporte vers son époux, elle a conscience qu’il la fait communier à l’amour de Dieu. Saint Jean dira plus tard : Quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu (I Jn 4,7). Et, en effet, elle connaît Dieu, elle fait l’expérience que Dieu est amour en participant à l’élan d’amour que Dieu porte à Joseph et qui sourd au plus profond d’elle-même. Comprenant vitalement de quel amour Dieu aime Joseph, elle entrevoit, par le fait même, de quel immense amour Dieu aime les hommes.

 

Marie est aimée. Elle aime, mais en même temps elle est aimée. Elle s’ouvre, radieuse, à l’amour qui se révèle sur le visage, dans le regard et les paroles de Joseph ; à cet amour qui vient à elle comme une réalité infiniment discrète et forte, comme l’offrande merveilleusement pure d’un être qui ne retient rien, qui se donne sans réserve aucune. Ainsi elle fait tout à la fois l’expérience de Dieu se donnant par elle à Joseph, et l’expérience de Dieu se donnant à elle par Joseph. Ouvrant son cœur et ses bras à Joseph, c’est à Dieu qu’elle les ouvre. D’un même mouvement elle s’en remet et à Joseph et à Dieu.

 

Elle s’en remet à Joseph : il sera sa force. Elle sera sa paix. Il prendra soin de sa virginité comme du trésor d’un prix infini qu’il lui faut faire fructifier. Elle prendra soin de sa sainteté, non moins que de son bonheur. Elle aspire de tout son être à coopérer à la perfection de celui qu’elle aime : c’est pourquoi elle se donne à lui tout entière, lui apportant toutes les richesses de la nature et de la grâce. En même temps, comme jamais épouse ne saura le faire, elle s’abandonne sans réticence à la joie d’être aimée. Et sa joie fait la joie de Joseph. Et leur joie commune fait la joie de Dieu.

 

Ils s’aiment. Comme tout amour, le leur aspire au repos dans la communion des âmes, et s’y accomplit. Leur lien, leur lieu de rencontre, c’est Dieu lui-même. C’est en lui qu’ils sont un, c’est à lui qu’ils communient en communiant l’un à l’autre. S’ouvrir à lui ensemble, se donner ensemble, vivre de lui ensemble, se taire pour adorer ensemble : tel est le secret de ces veillées qu’au soir de ses journées laborieuses le charpentier de Nazareth passe auprès de sa jeune épouse.

 

Et quand on sait qu’ils ont vécu quelque trente ans dans la plus étroite intimité, on s’essaye, en vain d’ailleurs, à imaginer quelles cimes vertigineuses de sainteté ils ont gravies en s’entraidant, en s’entr’aimant.

 

En ce domaine de la saintet&, l’Immaculée était la première. Mais Joseph, loin d’être accablé par cette supériorité, s’émerveillait des grandes choses que Dieu opérait en elle. Chaque jour, elle entrait plus avant dans l’intelligence du mystère de Jésus. Elle y entraînait avec elle l’époux que le Seigneur lui avait confié. Elle inaugurait auprès de lui son rôle de médiatrice. La joie de Joseph était grande de lui devoir toutjours davantage. Alors qu’au plan de la direction du foyer il était, lui, le chef et le père, au plan de la grâce elle exerçait envers lui une maternité spirituelle à laquelle le coueu empressé et humble de Joseph se faisait tout accueil.

 

Va-t-on penser qu’un amour situé à une telle altitude est bien inhumain ? Comme si l’agapè évacuait les sentiments humains. Il n’est que regarder Jésus Christ, sa tendresse envers les gamins de Palestine, sa douleur déchirante devant le tombeau de son ami Lazare, son infinie pitié en présence des foules affamées, pour comprendre que l’agapè chez ses parents comme chez lui, loin de déshumaniser, fait éclore et s’épanouir jusqu’à la perfection toutes les possibilités du cœur.

 

Joseph et Marie ont vécu dans leur union toute la gamme des sentiments qui composent l’amour de l’homme et de la femme l’un pour l’autre. Ce visage de Marie dont tous les hommes ont besoin, écrit Claudel, il se tourne avec amour et soumission vers Joseph. Celui-ci aurait-il été insensible à la beauté de ce visage, à la qualité du sourire, à la lumière du regard ? Les attentions, les gestes de tendresse, la confiance de l’un retentissaient en l’autre profondément. Joseph a connu cet équilibre et cette paix profonde de l’homme auprès de la femme qui lui offre la présence de la pureté et de douceur dont son cœur est avide. Marie est en sa possession et il l’entoure de tous côtés. Ce n’est pas en un seul jour qu’il a appris à ne plus être seul. Une femme a conquis chaque partie de ce cœur maintenant prudent et paternel. De nouveau, il est dans le Paradis avec Eve (Paul Claudel).

 

Les mille nuances d’un amour d’époux et d’épouse se retrouvent en ce mariage, mais irradiées, transfigurées, portées à un degré de perfection extrême par l’amour d’agapè qui unifie la personnalité et anime la vie de chacun d’eux. Comment ne pas s’associer à l’admiration de Jésus, devenu adolescent, devant l’incomparable amour de ses parents, fruit exquis, le plus exquis, de son Incarnation rédemptrice. Voyez comme ils s’aiment ! nous dit-il.

 

Les époux chrétiens qui contemplent cet amour d’un cœur simple et humble ne sont pas longtemps effrayés par son altitude. Ils ne tardent pas à découvrir que, pour eux qui peinent sur les routes de l’amour, rien n’est plus seco et , urable que la vue d’un -sommet radieux.

 

 

 

Leur fils

 

 

 

Dès l’époque des fiançailles, le profond désir que Joseph et Marie portaient en eux depuis longtemps devenait chaque jour plus véhément : que se réalise enfin le dessein de Dieu ! Ils faisaient leurs les appels les plus brûlants des grands prophètes :

 

Ah ! si tu déchirais les cieux et si tu descendais

 

Pour faire connaître ton nom à tes enemis…

 

En accomplissant des prodiges inattendus

 

Et dont jamais personne n’entendit parler ! (Is 63, 19 ; 64, 1-3). ).

 

Ah si tu déchirais les cieux et si tu descendais…Eh bien oui, Dieu en a décidé ainsi. Un jour, l’ange Gabriel l’annonce à Marie, dans la petite maison silencieuse : Réjouis-toi, Marie, tu concevras et enfanteras un fils. Il sera grand et on l’appellera Fils du Très-Haut. Le Seigneur lui donnera le trône de David son Père et son règne n’aura pas de fin. Peu après, c’est à Joseph que l’Ange du Seigneur rend visite pour lui faire savoir que l’enfant conçu par Marie, bien loin de remettre en question leur mariage, le confirme et le scelle définitivement.

 

Ceux qui oublient que Marie, lors de l’Annonciation et de l’Incarnation, est unie à Joseph par un lien indissoluble, comprennent que Jésus est donné par Dieu à la virginité de Marie seule. En réalité, c’est à leur mariage virginal qu’il est donné. Jusqu’à la visite de l’Ange, ils se savaient mariés de par la volonté de Dieu mais leur amour était comme habité par une indéfinissable interrogation. Voici maintenant qu’ils tiennent la réponse. Ils apprennent à la fois la raison d’être de leur mariage et la raison d’être de leur virginité : la naissance du Messie tant désirée.

 

Ce n’est pas seulement son sang que Marie va donner à leur enfant, ce n’est pas seulement des soins que tous deux vont lui prodiguer, mais d’abord leur être même, leur amour mis à son service. Aimer, c’est se donner l’un à l’autre pour se donner ensemble. Ils ne e trompaient donc pas quand ils croyaient découvrir au cœur de leur amour une sourde douleur, une mystérieuse attente, faite à la fois de l’immémoriale espérance du Messie et de l’iirépressible appel de l’enfant qui retentit au fond de leur amour conjugal vrai. Maintenant qu’un enfant leur est donné à chérir et à élever, leur mariage a trouvé sa pleine raison d’être, le voici parvenu à son parfait accomplissement.

 

Si le peuple chrétien n’a pas toujours compris que Jésus est le fruit du mariage virginal de Joseph et de Marie, la théologie, depuis saint Augustin, elle, ne l’a pas mis en doute. Ecoutons saint Thomas : On peut concevoir de deux manières qu’un enfant soit le fruit d’un mariage : il peut, en effet, ou bien être engendré de ce mariage, ou bien, en vertu de ce mariage, être reçu et élevé. L’Enfant-Dieu a été le fruit du mariage de Joseph et de Marie non dans le premier sens, mais dans le second. L’enfant issu de l’adultère ou l’enfant adopté par deux époux n’est pas le fruit de leur mariage, parece que, dans chacun de ces deux cas, le mariage n’a pas été contracté dans le but d’élever cet enfant. Mais le mariage de Marie et Joseph, par disposition spéciale de Dieu, a été contracté dans le but de recevoir le divin enfant et de pourvoir à ses besoins.

 

Trois pauvres gens et qui s’aiment (Claudel). Fruit de l’union de Joseph et de Marie, né à l’intérieur de ce mariage, Jésus va y grandir dans le rayonnement du plus parfait amour conjugal. Il y recevra la tendresse et les soins d’un père et d’une mère que requiert l’harmonieux épanouissement d’une personnalité d’homme. En se penchant ensemble sut leur enfant, en l’aimant d’un seul cœur et d’une seule âme, Josep et Marie font la découverte de la paternité de Dieu. CE torrent qui les traverse et qui les incline vers ce tout-petit, ce n’est pas en eux qu’il prend sa source, ils le comprennent bien ; c’est l’amour même du Père pour son Fils. Ils font l’expérience de cet amour, ils y sont associés ; à travers eux, il s’épanche en celui que le Père aime de toute éternité. Ils sont initiés par le Père : telle est la réalité bouleversante qui dilate leurs cœurs.

 

Cette expérience de l’amour du Père pour son Fils est pour Joseph et Marie à la fois commune et diverse. Joseph découvre dans son cœur le besoin impérieux de protégers son enfant, de subvenir à ses nécessités, de l’aider dans sa croissance. Il lui enseigne les préceptes de la Loi, l’initie à son métier, l’introduit dans la société des hommes. Cette mission paternelle lui fait entrevoir quelque chose de l’amour paternel de Dieu : amour créateur, don éternellement jaillissant, protection jalouse, providence infaillible. Comme Yahvé pour son peuple, Joseph se veut, pour son fils, rocher, pasteur. Et voici que je suis père avec vous, murmure-t-il à Dieu dans sa prière.

 

Quant à Marie, sa toute jeune tendresse maternelle projette une lumière neuve sur des textes de l’Ecriture qu’elle goûte entre tous : Comme un enfant que sa mère console, moi aussi je vous consolerai… et votre cœur se réjouira (Is 66, 13-14). Une femme oublie-t-elle l’enfant qu’elle nourrit, ceese-t-elle de chérir le fils de ses entrailles ? Même s’il s’en trouvait une pour l’oublier, moi je ne t’oublierai jamais ! (Is 49, 15). Ainsi elle ne se trompe pas en pensant que Dieu est aussi mère. Elle le soupçonnait autrefois. Elle sait d’expérience, maintenant qu’un amour maternel ; qui ne vient pas d’elle mais qui pénètre et transcende le sien, s’épanche en Jésus, son fils.

 

 

 

Jésus les aime

 

 

 

C’est une expérience admirable, pour Joseph et pour Marie, que cette découverte de Dieu aimant à travers eux leur enfant. Mais, inversement, c’es non moins bouleversant de voir en Jésus l’amour infini de Dieu s’élancer vers eux. Quand le regard de Jésus se fixe su eux, quand un sourire éclôt sur son visage, quand un mot de tendresse pour la première fois sort de ses lèvres, quand, jeune adolescent, il leur dévoile l’immensité du plan divin, c’est Yahvé, l’Eternel, le Tout-Puissant qui leur sourit, leur fait confiance, leur révèle ses secrets, leur exprime son amour.

 

Après avoir découvert l’amour du Père des Cieux pour son Fils, pénétrant et traversant leur paternité humaine, ils entrevoient, dans la tendresse que Jésus leur porte, son amour filial envers son Père. Ainsi accèdent-ils peu à peu au grand mystère, insoupçonné des philosophes et des religions, de la religion juive elle-même, celui-là même que Jésus vient révéler aux hommes : Dieu est à la fois Père et Fils. Et c’est le Fils qui s’est incarné, qui s’est fait leur enfant. En le voyant vivre sous leurs yeux, Joseph et Marie apprennent de quel amour filial les hommes, et d’abord eux-mêmes, doivent aimer leur Père des Cieux. Et sans aucun doute Jésus leur enseigna-t-il que cet amour est infusé dans les cœurs croyants par l’Esprit-Saint (Rm 5, 5).

 

A vrai dire, l’amour de Jésus n’est pas le même envers sa mère qu’envers son père. Et là encore, c’est pour eux une source infinie de méditation : ils comprennent que l’amour filial à l’égard de Dieu comporte des nuances variées.

 

Envers Marie, Jésus enfant est tout abandon, confiance ; un instinct infaillible lui fait chercher auprès d’elle la nourriture du corps et celle du cœur, la douceur et le sourire. Et plus tard, quand il aura grandi, elle sera pour lui ce havre de pureté et de tendresse dont l’adolescent éprouve l’impérieux besoin. Elle représente à ses yeux l’image de cette autre Présence, celle du Père, toujours accueillante et attentive.

 

Envers Joseph, l’amour filial de Jésus prend un autre visage. Il est fait d’admiration pour la sagesse silencieuse et la force rassurante de son père de la terre. Avec quel élan, petit garçon, il se jette dans les bras vigoureux du charpentier qui rentre du travail. Plus tard, en grandissant, il s’émerveillera surtout de voir dans la paternité de Joseph le très pur reflet de l’autorité, de l’imperturbable sérénité, de l’immense amour de son Père des Cieux, ce Père entre les bras de qui, à la dernière heure de sa vie, il remettra son âme en l’appellant : Abba, Père bien-aimé (Lc 23,46).

 

 

 

NDLR - La suite de cette étude sur le Mariage de Joseph et de Marie se fera avec la fiche Spiritualité - SP20. - Compléments en lien avec le Mystère de l’Incarnation et de la Rédemtion, ou le dessein global de lieu pour le monde. (A suivre).

 

 

 

 

FICHE SP18 - Prends chez toi Marie, ton épouse - P. Henri CAFFAREL - Grandeurs et gloire de leur mariage : Mariage véritable et parfait selon l’Ecriture et la Tradition (II)

 Note Editoriale

 

Le P. Henri Caffarel traite de cet aspect théologique du Mariage véritable et parfait de Joseph et de Marie selon les sources habituelles dans le Cahier double 123-124 de la revue l’Anneau d’Or de mai -août 1965, aux pages 252-257. C’est l’objet de la seconde section Grandeurs et gloire de leur mariage (II).

 L’intérêt de cette réflexion touche au mystère de Jésus lui-même en son Incarnation : son don par le Père, en humanité, passe par les situations exactes de Marie et Joseph, pleinement spéciales et indispensables selon la réflexion chrétienne.

 Après vingt siècles de christianisme, les fidèles, et tant de clercs également, ne soupçonnent pas la grandeur unique du mariage de Joseph et de Marie. A quoi cela est-il dû ? Tout d’abord au peu d’attention qu’ils prêtent aux premiers chapitres de l’Evangile ; celui-ci, il est vrai ne s’étend pas longuement sur le sujet, mais il est formel. Aussi à l’ignorance des fortes pages où certains des plus grands docteurs ont célébré ce mariage, et non pas sous la pression du démon de l’éloquence, mais après une persévérante méditation des textes sacrés. Recourons donc tour à tour au témoignage des évangélistes et à celui des docteurs et du magistère, le sujet amplement traité par ailleurs dans ce Cahier, ne le sera, ici, que brièvement.

 L’Ecriture l’affirme

 Toute réflexion sur le mariage de Joseph et de Marie se fonde sur les deux premiers chapitres de saint Matthieu et de saint Luc, que les exégètes appellent l’Evangile de l’Enfance. Qu’on ne s’attende pas, cependant, à y trouver la question traitée ex professo. Qu’on se dépouille de toute curiosité : ni la date, ni le lieu, ni le mode de célébration, ni les circonstances de ce mariage ne nous sont rapportées. Les évangélistes n’ont que faire de l’anecdote et du folklore. Leur propos est singulièrement plus grave : il s’agit de présenter objectivement le mystère de l’Incarnation ; c’est pourquoi tout ce qui ne le concerne pas directement est négligé.

 Mais que le Seigneur est fait son entrée dans le monde d’une manière miraculeuse, par la conception virginale, et que ce fut dans un foyer fondé sur l’amour de deux êtres à l’entière disposition de Dieu, voilà qui importe au mystère, voilà ce que nous allons trouver dans l’évangile.

 L’Annonciation faite à Marie (Luc 1,26-38) (sous-titre de la rédaction)L’Annonciation est, dans l’ordre chronologique, le premier événement*qui mette en cause Joseph et Marie : Le sixième mois (pour Elisabeth et Jean), l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David ; et le nom de la vierge était Marie (Lc 1, 26-27). Ainsi, dès son entrée dans l’histoire, Marie est désignée comme vierge-fiancée (NDLR : nous soulignons comme important). Mais, sous peine de contresens grave, il faut savoir que les fiançailles juives étaient un vrai mariage, à l’exclusion de la cohabitation et des rapports conjugaux (néanmoins, l’enfant conçu par les fiancés était légitime), à telle enseigne qu’une fiancée infidèle pouvait mériter le châtiment de l’adultère : la lapidation. ; que le fiancé devait faire une déclaration de divorce s’il voulait se séparer d’elle, et qu’elle-même devenait veuve si son fiancé mourait.

 Marie, comme toute femme juive, avait donc décidé d’entrer dans l’état conjugal. Mais son mariage revêtirait un caractère particulier : elle avait résolu, en accord avec son fiancé, de garder la virginité. C’est en ce sens, en effet, que la quasi-unanimité des exégètes interprètent sa réponse à l’ange qui lui annonce la conception miraculeuse : Voici que tu concevras et enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus. - Marie dit à l’ange : Comment cela se fera-t-il puisque je ne connais pas d’homme ? (Lc 1,31-34).

 Qu’elle soit mariée avec Joseph, cela ne lui paraît pas incompatible avec l’annonce de l’ange, bien au contraire. Elle comprend que son mariage est la condition requise pour le projet divin. Une vierge-mère, seule, dans son destin, serait dans une situation impensable, indigne d’elle, indigne de Dieu. En revanche, sa virginité paraît à Marie inconciliable avec le propos de l’ange. Mais celui-ci la rassure aussitôt e (Lc 1,35). Et voici qu’est dévoilée à Marie, non seulement la raison d’être de sa virginité, - cet enfant doit être conçu par la seule intervention de Dieu -, mais aussi la signification de son mariage : il acquiert, dans la fécondité miraculeuse due à la puissance divine, une réalité et une excellence qui semblaient exclues par l’absence des relations charnelles.

 Et quand Marie répond à l’ange : Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole, c’est à la fois sa virginité et son mariage qu’elle met à la disposition de Dieu

 Tout le récit de l’Annonciation, et tout le dialogue qu’il rapporte, suppose et manifeste donc que le mariage entre Joseph et Marie ne peut être que véritable. Le message de l’ange,- et le dessein de Dieu - ne se comprend qu’à cette condition.

 L’Annonciation faite à Joseph (Mt. 1, 18-21) sous-titre de la rédaction

 Joseph, lui, lorsqu’il apprend, vraisemblablement par Marie elle-même, que sa fiancée est enceinte, s’interroge et interroge Dieu sur ce qu’il lui faut faire : ne doit-il pas se séparer discrètement de Marie ? C’est un homme juste, nous dit de lui saint Matthieu ; il ne veut pas se faire passer pour le père de cet enfant du miracle, dans la conception duquel il n’est pour rien ; mais en même temps il cherche une solution digne de Marie et de lui-même. Peut-être aussi, à la pensée d’introduire chez lui celle qui est l’objet d’une telle faveur divine, éprouve-t-il une réaction semblable à celle de David, qui s’écriait sous l’emprise d’une crainte révérencielle : Comment l’Arche de Yahvé entrerait-elle che moi ? (2 Sam. 6,9).

 L’ange du Seigneur intervient pour mettre fin à son débat intérieur : Joseph, ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse, car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils (Mt. 1,20-21).Joseph ne doit pas rompre ses fiançailles, comme il l’envisageait, mais bien parfaire son mariage avec Marie en la prenant chez lui. Ainsi, Joseph, dans son hésitation douloureuse, a comme forcé le ciel à lui révéler la nécessité et la grandeur de son union avec la Vierge. Et Joseph comprend que ce mariage confirmé par l’ange entre dans le dessein de Dieu, qu’il est apte par ses limites mêmes, - leur résolution de virginité - à connaître la rodigieuse fécondité que Dieu lui destine.

 Que Joseph ne redoute pas d’être pris pour le père de l’enfant, car s’il ne l’est ps de la manière que les gens de Nazareth s’imagineront, il l’est très réellement : comment appeler autrement celui dont l’épouse a miraculeusement conçu un enfant à l’intérieur du mariage ? «Ce que le Saint-Esprit a opéré en elle, écrira saint Augustin, il l’a opéré pour les deux ».

 Ainsi, parce qu’il est le mari de la mère de Jésus, Joseph est père. Et parce qu’il est père, il introduit Jésus dans la lignée de son grand ancêtre le roi David. Saint Matthieu exprime cela en quelques mots. Après avoir énuméré les descendants de David, il dit de chacun qu’il engendra le suivant ; voici qu’arrivé à Joseph, abandonnant la formule stéréotypée, il écrit : Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie de laquelle naquit Jésus qu’on appelle Christ (Mt.1,16).Il lui suffit de cette proposition aussi concise qu’explicite pour évoquer, à la fois la conception virginale, le mariage de Joseph avec Marie, et sa paternité envers Jésus.

 Luc et Matthieu ayant affirmé, d’entrée de jeu, la conception virginale, vont se trouver par la suite d’autant plus libres pour donner à Joseph sa place de chef de famille et le titre de père. Il est digne de remarque que, dans tous les événements de l’enfance, Joseph n’est jamais séparé de Marie. Les bergers trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né dans la crèche (Lc 2,16). Son père et sa mère étaient dans l’émerveillement de ce qu’on disait de lui (Lc 2,33). Chaque année, ses parents se rendaient à Jérusalem (Lc 2, 41). Plus remarquable encore, la parole de Marie à Jésus retrouvé au Temple : Ton père et moi te cherchions, angoissés (Lc 2, 48). A ce sujet, saint Augustin écrira : «  Elle ne se nomme pas avant lui en disant moi et ton père, mais bien ton père et moi ; ce n’est pas la dignité maternelle qu’elle met en avant, mais l’ordre conjugal dans lequel elle se trouve ».

 Le récit de l’annonciation (à Marie), celui du dialogue entre Joseph et l’ange et de nombreux détails du récit de l’enfance du Seigneur ne laissent donc aucun doute sur la réalité du mariage de Joseph et de Marie. Néanmoins ils n’atténuent en rien l’affirmation qui reste première de la conception virginale.

 Le témoignage de la Tradition**

 Au cours des premiers siècles, la réflexion théologique ne s’est guère arrêtée au mariage de Joseph et de Marie. Il était plus urgent de défendre et de proclamer la virginité de la Mère de Jésus, avant et après la naissance de son fils, que d’aucuns contestaient. Saint Jérôme (347-420), qui fut le fougueux avocat de cette cause, escamotait le mariage de Marie et de Joseph ; il voyait en ce dernier un gardien plutôt qu’un mari, car à ses yeux le mariage véritable impliquait nécessairement l’union charnelle. Saint Ambroise (339-397), lui, se contente de reconnaître à cette union un authentique caractère juridique. Saint Augustin (354-430), fouetté par la contradiction, empoigne le problème et ne le lâchera plus. Il demeure, dans l’histoire de la théologie, le grand défenseur du mariage de Joseph et de Marie. Son argument est celui-ci : les relations charnelles ne sont pas le tout du mariage chrétien, elles n’en sont même pas l’essentiel. ; avec le Christ, le mariage est passé sur un plan nouveau où l’union des âmes dans la charité l’emporte. Sa réflexion sur le mariage de Josep et de Marie l’ayant amené à prendre conscience des grandeurs du mariage chrétien, il ne parlera plus de celui-ci sans se référer à celui-là.

 Au cours des siècles suivants, on revient au foyer de Nazareth lorsque se pose, de façon aigüe, le problème de l’indissolubilité du mariage. Pour y voir plus clair, il faut déterminer ce qui fonde l’union infrangible des époux. C’est le consentement, disent les tenants de la thèse contractuelle. Non, c’est la consommation, soutiennent les partisans de la thèse charnelle. Les premiers prennent argument du mariage de Joseph et de Marie, véritable mariage quoique non consommé. Les seconds, - des canonistes surtout, - refusent de faire de ce mariage une norme. Ils ne nient pas sa réalité : ce n’est gu§re possible, mais ils le considèrent comme un cas tellement exceptionnel qu’il n’a plus grand-chose de commun avec un mariage ordinaire. A l’appui de leur thèse, ils vont recourir à un enseignement traditionnel et indiscutable : le mariage est l’image de l’union du Christ et de l’Eglise. Or, disent-ils, c’est l’union physique de l’homme et de la femme, le une seule chair, entendu au sens matériel, qui est le symbole de l’union du Christ et de l’Eglise en un seul Corps, ce Corps qu’aujourd’hui nous appelons le Corps Mystique. L’argumentation est forte. Ce n’est plus, cette fois, une vision trop matérialiste qui va faire pencher la balance du côté de la thèse charnelle, mais au contraire une grande vue mystique, incontestée. Dans cet éclairage, le mariage de Joseph et de Marie se présente comme un mariage imparfait puisqu’il n’est qu’une image imparfaite de l’union du Christ et de l’Eglise.

 Des théologiens, Hugues de Saint-Victor (1096-1141), entre autres, rétorquent : entre époux, l’union des âmes dans la charité est, elle aussi, symbole de l’union du Christ et de l’Eglise ; or, le mariage de Joseph et de Marie nous offre l’exemple de la plus parfaite union dans la charité ; donc leur mariage est bien véritable, et le plus parfait des mariages.

 Pierre Lombard (1100-1160) reprend et précise la théorie de Hugues de Saint-Victor. C’est, dit-il, l’union totale (corps et âme) de l’homme et de la femme qui est l’image complète de l’union du Christ et de l’Eglise. Mais il y a mariage véritable dès qu’il y a consentement, la consommation et l’union charnelle n’étant que l’expression, non nécessaire, de ce consentement et de l’union des esprits qui sont la réalité essentielle. Saint Thomas d’Aquin (1225-1274), reprenant cette doctrine, enseigne que « l’essence du mariage consiste dans l’union indivisible des esprits, en vertu de laquelle les époux sont tenus de se garder inviolable fidélité ». Dans cette optique, l’abstention des relations charnelles n’était plus une objection à la réalité et à la vérité du mariage de Joseph et de Marie ; l’union physique des chrétiens mariés n’en reste pas moins revêtue d’une grande dignité lorsque, traduisant le don total des époux l’un à l’autre dans la charité, elle est orientée vers l’enfant.

 Ainsi ce fut, pendant plus de dix siècles, la référence au mariage de Joseph et de Marie, la méditation de son mystère, qui contraignit les théologiens à rechercher la vraie nature du mariage chrétien, à y découvrir une source de grâce et, enfin, à lui reconnaître sa place parmi les sept sacrements.

 Le mariage de Joseph et de Marie n’étant plus mis en question, il ne restait qu’à en proclamer les grandeurs. Quelques-uns parmi les plus célèbres docteurs ‘y sont employés. Il faudrait citer ici, entre autres, les pages admirables d’un saint François de Sales (1567-1622), d’un Bossuet (1627-1704). Je m’en abstiens puisqu’elles sont reproduites par ailleurs dans ce volume. Je me contente de donner un passage de l’encyclique de Léon XIII (1878-1903) sur saint Joseph : « La dignité de la Mère de Dieu est si haute que rien ne peut être créé au-dessus d’elle. Mais, toutefois, comme Joseph a été uni à la bienheureuse Vierge par le lien conjugal, il n’est pas douteux qu’il n’ait participé plus que personne de cette dignité suréminente par laquelle la Mère de Dieu surpasse de si haut toutes les natures créées. Le mariage est, en effet, la société et l’union de toutes la plus intime, qui entraîne de sa nature même la communauté des biens entre l’un et l’autre conjoint. Aussi, en donnant Joseph pour époux à la Vierge, Dieu lui donne non seulement un compagnon de sa vie, un témoin de sa virginité, un gardien de don honneur, mais encore, en vertu même du pacte conjugal, il le fait participer de sa sublime dignité ».

 (NDLR : Nous pouvons mieux comprendre cette communion profonde du pacte conjugal avec la canonisation de Louis et Zélie Martin, parents de sainte Thérèse de Lisieux, le 18 octobre 2015)

 

 P. Henri Caffarel

 

Présentation P. Albert Perrier

 

* Evénement, dans la Bible, est dans la Révélation de Dieu un temps important qui concerne des personnes concernées par son dessein d’Alliance et de Salut : faits et gestes en lien avec des paroles qui les éclairent en profondeur.

 

** cf sur ce site : Publications : Gilles de Christen - Florilège sur saint Joseph - Contact : perrieralbert@aol.com

 

 

Fiche SP17 - Prends chez toi Marie, ton épouse ! par le P. Henri Caffarel - Grandeurs et gloire de leur mariage - Le mariage de Joseph et de Marie  selon le dessein de Dieu (I)

 

 

 

NOTE EDITORIALE

 

 

 

Le texte du P. Henri CAFFAREL, dans le Chier de l’Anneau d’Or - mai-juin 1965, - court de la page 243 à la page 273. Nous allons publier ce texte avec deux fiches. La première avec le titre ci-dessus : Le mariage de Joseph et de Marie selon le dessein de Dieu (I). La seconde avec le titre : Mariage de Joseph et Marie : mariage véritable et parfait (II).

 

C’est une réflexion d’ensemble qui rend compte de tous les aspects qui assurent fondamentalement la vérité du mariage pour l’Eglise selon les Ecritures et la Tradition. Il est précieux d’apprécier ce que le P. Henri CAFFAREL appelle l’épilogue : la juste place du mariage de Joseph et Marie dans l’immense entreprise divine de la Création et de la rédemption. Il est l’un des mariages au cœur de l’histoire humaine et divine selon le dessein de Dieu. Il est bien au cœur du dessein de Dieu, comme le sont tous les mariages en humanité.

 

Une noce à Nazareth !

 

Ce n’est pas une chose fréquente. D’où l’émoi, la liesse, l’ambiance de fête qui donne un caractère insolite au petit village. Sans doute tous ne sont-ils pas de la noce, encore que, selon la coutume, nombreux fussent les invités. Et puis, même si l’on ne boit pas celui des jeunes mariés, pourquoi ne boirait-on pas du vin entre amis ? Pourquoi ne pas danser ? Et surtout, pourquoi travailler alors que les autres festoient ? La gaieté règne.

 

Les mariés sont bien connus. Lui surtout. Qui n’a eu affaire à Joseph, le charpentier ? Il faut bien faire réparer la charrue qui s’est brisée conte une roche, commander un joug pour la paire de bœufs qu’on vient d’acheter, une porte pour la maison qu’on bâtit. Tout le monde le connaît, même les gamins : c’est très amusant, l’atelier d’un charpentier, avec sa bonne odeur de bois, ses copeaux et sa sciure.

 

On l’estime, ce jeune artisan robuste et travailleur ; ce qu’il fait est bien fait et son honnêteté, indiscutable. Mais, bon camarade pour les jeunes hommes de son âge, il demeure cependant comme un peu mystérieux. Ce n’est pas qu’il soit disant ; plutôt on reste à une certaine distance de lui. Dans les palabres ente hommes, dans les discussions aux jours de fête, il n’est pas tout à fait comme tout le monde. A vrai dire, ce tout le monde de Nazareth semble peu religieux : le Christ n’y fera ni ami ni disciple ; il y trouvera des envieux et des jaloux (Mc 6,1-4).

 

Quant à Mariam, la jeune épouse, si les hommes la connaissent peu, les femmes, elles, la rencontrent quotidiennement, à l’unique fontaine du bourg. Elles prennent sa réserve pour de la timidité. On l’aime, car il n’est pas Nazaréenne plus charmante, mais comme à distance, elle aussi. Joseph et Mariam. Ce n’est pas tellement à eux que l’on pense, ce jour-là, qu’à l’occasion dont il faut bien profiter, de se réjouir et de boire plus que de coutume. Aux yeux des habitants du village, c’est un mariage comme tous les autres et, pendant trente ans, ce sera un ménage banal comme tous les autres.

 

 

 

Mépris du peuple chrétien

 

 

 

Pour les chrétiens, ceux d’aujourd’hui comme ceux d’hier, ce n’est même pas un mariage banal, mais un semblant de mariage. Une façade. Fidèles et prêtres sont toujours étonnés si vous avez l’air de prendre ce mariage au sérieux. Quant aux gens supérieurs, ils sourient d’un air entendu.

 

La responsabilité en incombe, pour une large part, aux évangiles apocryphes, à la Légende dorée et aux mystères du Moyen Age. Les supérieurs nous ont présenté Joseph soigneusement octogénaire. Ayant perdu sa première femme, il aurait été désigné comme époux de Marie par le ciel : le Grand-Prêtre ayant réuni tous les prétendants, munis chacun d’une branche d’amandier, on vit une colombe se poser sur celle de Joseph. Les mystères du Moyen Age le malmènent plus gravement encore : c’est un simple, presque un sot, le ravi diraient les Provençaux : en éternuant, il éteint la petite flamme qui éclaire la grotte de Bethléem ; après la visite des Mages, il compte avaricieusement les pièces d’or.

 

Peintres et sculpteurs emboîtent le pas aux apocryphes et aux mystères. Ce qui nous vaut ce contresens de l’iconographie, populaire ou raffinée : une jeune femme affublée d’un vieillard chenu qui, même après la cure de rajeunissement dont le feront bénéficier les artistes du XVème siècle, ne saura guère descendre en deçà de quarante ans.

 

Ainsi le peuple chrétien s’est mépris sur le mariage de Joseph et de Marie, plus lourdement encore que les habitants de Nazareth. Ceux-ci, du moins, s’ils n’en soupçonnaient pas le mystère, ne le ridiculisaient pas.

 

Un vrai mariage

 

Apocryphes, mystères, iconographie et le peuple chrétien à leur suite, sont infidèles à l’enseignement de l’Eglise selon lequel il y eut, entre Joseph et Marie, non pas un pieux simulacre, mais un vrai mariage. Non pas, certes un mariage banal, mais le mariage, entre tous important, de deux êtres qui s’aiment comme jamais deux époux ne s’aimeront Et qui inaugure les temps nouveaux. Toutefois, il en faut bien convenir, un mariage mystérieux, non au sens vulgaire d’étrange et de déroutant, mais au grand sens, au sens religieux : mystérieux, parce que Dieu y est présent, parce que Dieu y est à l’œuvre.

 

Si ce mariage est un vrai mariage, entre tous important, c’est du plus grand intérêt pour l’Eglise de le bien connaître, de pénétrer en son secret. Encore cette recherche doit-elle être entreprise avec le ferme propos de ne pas s’écarter des enseignements certains de l’Ecriture, de la Tradition, du Magistère.

 

Il est non moins nécessaire d’adopter la bonne attitude d’esprit. D’aucuns partent de la notion commune du mariage pour s’élever jusqu’au mariage de Joseph et de Marie. Très vite, ils se trouvent mal à l’aise : ils ont le sentiment que ce mariage fait éclater la notion commune, d’où la tentation, sinon d’en discuter la vérité, du moins de le situer à part. Il est bien meilleur de procéder à l’inverse : de partir de la conviction que l’union de Joseph et Marie est un vrai mariage, pour voir en tous les autres des reflets de ce mariage à la foi unique et exemplaire.1

 

Avant d’étudier le mariage de Joseph et de Marie dans sa réalité concrète, il convient de le bien situer dans la pensée et l’œuvre de Dieu. Après, seulement, on pourra l’étudier pour lui-même, considérer sa perfection et sa sainteté.

 

 

 

Le dessein éternel de Dieu

 

 

 

L’architecte ne dessine pas les portails, ne fait pas sculpter les chapiteaux ni même entreprendre les fondations sans avoir préalablement pensé la cathédrale. Ainsi Dieu, de toute éternité, forme un mystérieux dessein (Eph 1, 9-10 et 3, 1-12) pour qu’il soit, l’heure venue, la manifestation de son inimaginable amour et de ses perfections : le Fils de Dieu revêtira, épousera une nature humaine, puis se saisira de tos les hommes qui adhéreront à sa Parole, leur communiquera sa Vie, les ramènera en LUI, à l’unité, pour les introduire enfin avec Lui dans la grande vie trinitaire où l’amour du Père fera leur béatitude inextinguible.

 

Pour désigner cet éternel projet de Dieu, ce décret de sa sagesse et de son amour, les théologiens emploient ce mot, souvent mal compris des chrétiens : la prédestination. Et plus précisément : la prédestination générale. Ainsi ce grand Tout formé du Christ et de l’humanité rachetée, indissolublement unis, est le premier objet de la prédestination de Dieu. Tout sera fait à cause de lui et pour lui.

 

A l’intérieur de cette prédestination générale se situent les prédestinations particulières : la cathédrale ayant été conçue dans son ensemble, c’est alors que les portails, arcs-boutants, colonnes, peuvent être envisagés. La prédestination est premièrement collective ; elle n’est individuelle que par conséquence. Il n’en est pas moins vrai de dire de chaque être, comme de l’ensemble, qu’il a été conçu et voulu par Dieu de toute éternité.

 

 

 

Marie et Joseph dans la pensée éternelle de Dieu

 

 

 

Au centre de ces prédestinations particulières, le Fils de Dieu fait homme. Il s’agit ici du Christ individuel et non plus, comme ci-dessus, du Christ uni à l’Eglise : prédestiné à un titre tout spécial, au-dessus de tous les hommes, de tous les mondes. Toutes les prédestinations sont ordonnées à la sienne. Les civilisations et leurs grands hommes, les astres et les galaxies gravitent autour d’un enfant qui repose dans une mangeoire d’animaux.

 

Dans sa pensée, Dieu n’a jamais séparé Marie de Jésus. Son dessein de salut, tel qu’il l’a formé, requiert rigoureusement le concours de la Vierge. Il eût pu être tout autre : que, par exemple, le Fils de Dieu vienne sauver les hommes sans pour autant se faire homme, simplement revêtu d'un’ apparence d’humanité, comme les anges dans leurs interventions. Mais Dieu a voulu que son Fils, éternellement né de Lui, s’incarnât réellement. Et cela commande tout le déroulement de son plan.

 

 

 

Un tel dessein suppose le concours d’une femme, puisque c’est par la femme que tout homme vient au monde. Aussi bien, nul être n’est plus étroitement, uni à Jésus, dans la pensée et l’amour éternels du Seigneur que Marie. Elle est prédestinée, de toute éternité, au-dessus de toute créature, avec Jésus et pour Jésus. Et puisque Dieu proportionne sa grâce à la noblesse de la mission qu’il confie, Marie, étant donné le lien unique qui l’attache à Jésus, sera plus que toute créature, plus que Joseph lui-même, comblée de grâce, elle que Dieu veut à la fois vierge, mère et épouse.

 

Pourquoi, vierge ? Pour que soient manifestés le tout-puissant amour de Dieu et l’impuissance de l’homme à se sauver. On retrouve là une constante de l’histoire biblique. Il faut d’abord que l’homme soit acculé à l’impossible, mis au pied du mur, que son impuissance soit indiscutable, pour que Dieu intervienne. Abraham aura une postérité plus nombreuse que le sable des plages et que les étoiles du ciel (G 15), mais Dieu laisse passer les années ; il attend, pour leur donner un fils, que le patriarche et Sara, son épouse, aient plus de cent ans. Même pédagogie divine pour Gédéon : Dieu ne lui accorde la victoire que lorsque son armée de trente mille hommes est réduite à trois cents et qu’on ne risque plus de se méprendre sur l’artisan de cette victoire. Sinon Israël pourrait en tirer gloire et dire : C’est ma propre main qui m’a sauvé ! (Jg. 7, 2). A l’aurore des temps messianiques, Jean-Baptiste est accordé à des parents dont la stérilité ne fait plus de doute.

 

L’impossible est la spécialité de Dieu : Vois, Je suis Yahvé, le Dieu de toute chair ; à moi rien d’impossible (Jer. 32,27 ; Y-a-t-il rien de trop merveilleux pour Dieu ? (Gn. 18,14). Il faudra donc que Marie soit vierge pour qu’éclate, avec évidence, que le salut du monde est dû à l’initiative de Dieu seul et qu’il est son œuvre. Et précisément l’ange Gabriel rappellera à Marie la formule biblique : Rien n’est impossible à Dieu ! (Lc 1,37).

 

Pourquoi, mère ? Il importe que le Fils de Dieu reçoive sa nature humaine d’une femme qui apparaisse sur un rameau humain comme un fruit du grand arbre, que son corps soit non pas semblable à celui d’un homme tout en venant d’ailleurs, mais authentiquement humain, issu du corps d’une femme, elle-même issue d’une autre femme qui, par les nombreux maillons intermédiaires, se rattache à la mère du genre humain : Eve. Tel est l’enseignement indiscutable : Jésus sera né d’une femme (Gal. 4,4à, avec une chair semblable à celle du péché (Rm 8,3, c’est-à-dire sujette à la fatigue, à la faim, à la soif, à la souffrance, à la mort. Une chair, mais aussi une intelligence, un cœur, en un mot une humanité identique à celle de tout homme, soumise aux lois de la croissance humaine, vouée à parcourir l’une après l’autre les étapes de la destinée humaine : l’enfance, l’adolescence, la maturité. Aussi bien, parce que le Fils sera vraiment homme, le genre humain ne sera pas sauvé comme du dehors, mais en Jésus son fils authentique, il mourra sur la Croix, il ressuscitera au matin de Pâques.

 

Pourquoi, épouse ? Dans la logique de cette incarnation réelle, selon laquelle le Fils de Dieu doit assumer pleinement une nature humaine et donc la condition humaine, il s’impose que Marie soit mariée. Une mère, c’est une épouse accomplie ; son amour maternel et le débordement sur l’enfant de l’amour qu’elle donne et reçoit dans le mariage. De même, l’amour paternel est la fructification en un cœur d’homme de son amour conjugal. L’enfant, lui, est le fruit, le témoin, l’invité de l’amour conjugal.

 

Jésus privé de père eût-il été vraiment homme ? La personnalité de l’enfant et de l’adolescent requièrent, pour d’épanouir normalement, les amours conjugués d’un père et d’une mère. Bien mieux, - et c’est une vérité aujourd’hui bien dégagée par les psychologues - l’enfant a besoin, pour son harmonieux développement, non seulement de l’affectueuse présence de son père et de sa mère, mais aussi, et peut-être plus encore, que son père et sa mère s’aiment l’un l’autre : l’amour mutuel des époux est, pour lui, un nécessaire pain quotidien.

 

Et voilà pourquoi, de toute éternité, Dieu a voulu et connu avec amour cet homme qui serait l’époux de Marie. Celui-ci est prédestiné au-dessous de Marie sans doute, mais avec elle et pour elle, et donc pour Jésus et avec Jésus. Aussi Joseph et Marie sont à la fois prédestinés isolément et ensemble. Car il y a une prédestination pour les unis comme pour les personnes. Bien avant les noces de Nazareth, éternellement. Marie et Joseph sont présents, unis, dans la pensée divine. Les braves gens disent que les mariages sont écrits dans le ciel : c’est vrai de celui-là entre tous. Joseph est prédestiné avec Marie et pour Marie ; Marie l’est avec et pour Joseph, et en commun, unis par le mariage, ils le sont pour Jésus, pour son incarnation qui s’achèvera dans son union avec l’Eglise.

 

Combien éminente, la place que tient ce mariage dans l’éternelle pensée de Dieu ! Il est au centre de son Dessein, au cœur de son Cœur.

 

 

 

Dieu réalise son Dessein

 

 

 

A l’heure prévue, Dieu entreprend la réalisation de son bienveillant Dessein, conçu de toute éternité. Que sait-on des ultimes dispositions divines, de l’enfance et de la jeunesse de Marie et Joseph, de leur mariage ? Peu de choses. Les évangélistes, si précis quand il s’agit d’affirmer l’essentiel, sont avares de tous ces détails qui, pourtant, combleraient la bien légitime curiosité de notre cœur.

 

 

 

MARIE

 

De la famille, de la naissance, de l’éducation, des parents et de l’ascendance de Marie nous ignorons tout, comme si le Seigneur voulait que nous considérions en elle, plutôt que l’enfant de la terre, l’enfant de Dieu.

 

Une chose est sûre, certifiée par les Ecritures, confirmée solennellement par l’Eglise : Marie avait voué sa virginité. Mais là se limitent les certitudes. Les Apocryphes ont tenté de combler la lacune : ils ne méritent guère de crédit. Les peintres s’y sont essayés, mais leur imagination n’a eu cure de l’exactitude. On leur pardonne, toutefois, quand l’œuvre traduit une vérité intérieure. Je pense, entre autres, à ce tableau d’un maître italien qui nous montre Marie, petite fille, gravissant seule l’imposant escalier du Temple au bas duquel ses parents qu’elle vient de quitter, la suivent du regard attentif, tandis qu’au sommet le Grand-Prêtre, au nom de Dieu l’attend. Mais est-ce bien tout enfant que Marie a consacré à Dieu sa virginité ? En tout cas ce ne fut pas dans le décor somptueux d’un temple imaginé par les Italiens de la Renaissance, mais bien dans le silence de son âme d’enfant pauvre vivant dans une pauvre maison d’une bourgade peu connue. A vrai dire, j’inclinerais à penser que sa résolution de virginité s’est affirmée à l’heure où toute jeune fille aspire à être quelque chose pour quelqu’un, lorsqu’elle découvrit en son corps et en son cœur qu’elle pourrait devenir mère.

 

Plutôt que de s’interroger sur son âge à l’heure de la décision, il importe de se demander ce qui l’y achemina. Jusqu’alors toute femme israélite savait que, pour honorer Dieu, il lui fallait aspirer à la maternité, cette maternité qui assurait l’accroissement du peuple élu et qui, un jour, devait donner naissance au Messie tant désiré. Qu’une jeune fille fervente entre toutes rompe avec la tradition immémoriale, s’engage sur une voie nouvelle, cela a de quoi surprendre.

 

On peut supposer que Dieu, dans une vision ou une révélation, fit connaître à Marie sa volonté. Mais n’est-il pas plus conforme à la pédagogie divine, et plus glorieux pour Marie, de penser que cette décision, prise en toute clarté et en toute liberté, ait lentement mûri en son âme, sous l’action de la grâce ? Car la prédestination de Dieu sur elle n’est pas un simple décret, extérieur à elle, mais bien une force puissante qui la travaille de l’intérieur pour l’amener à comprendre les vues de Dieu et à y correspondre.

 

Prétendre retracer son itinéraire spirituel serait téméraire. Contentons-nous de relever les quelques signes que nous pouvons déceler.

 

Dès sa naissance, celle dont nous savons qu’elle est immaculée, sans aucune connivence avec le péché, aimait son Dieu d’amour très pur qu’aucune inclination discordante n’infléchissait. De jour en jour, d’année en année, elle progressait dans l’amour.

 

(NDLR) Il est intéressant de souligner que le savoir qui nous guide est celui de la foi commune de l’Eglise selon le sens de notre foi à propos de la sainteté originelle de Marie. Il y a un pareil savoir pour le mystère de notre baptême nous liant par grâce permanente avec le salut en Jésus-Christ. C’est le coeur même de notre profonde communion !

 

La Parole du Seigneur, qu’elle méditait assidûment et conservait en son cœur, ne fut sûrement pas étrangère à sa décision. Elle lui apprenait que, pour honorer la souveraine majesté les hommes ont toujours offert en sacrifice les fruits de la terre et leurs biens les meilleurs. Et son âme d’enfant revenait avec enthousiasme au souvenir de tous ces sacrifices, depuis la lointaine offrande d’Abel le juste jusqu’à cet holocauste d’un agneau sans tache immolé au Temple de Jérusalem, chaque matin et chaque soir. Les véhémentes apostrophes lancées par les prophètes contre les sacrifices menteurs : Que m’importent vos innombrables sacrifices, dit Yahvé, je suis rassasié des holocaustes de béliers… (Is.1,11), l’aidaient à progresser encore dans la recherche de ce qu’elle pourrait faire pour être agréable à Dieu.

 

Et ce fut un jour l’invention du plus grand amour. Sous l’impulsion secrète de l’Esprit-Saint, qui demeure en elle comme en son temple, Marie comprend qu’il lui faut consacrer à Dieu sa virginité, et donc renoncer à la joie d’être mère ainsi qu’à l’espoir d’engendrer le Messie. Les exégètes d’aujourd’hui pensent qu’il serait anachronique de parler d’un vœu de virginité. Je le veux bien, mais à condition de n’oublier ni le motif foncièrement religieux : glorifier le Seigneur, ni l’incomparable tendresse filiale envers son Dieu que traduit cette offrande de Marie.

 

C’est là, dans l’histoire religieuse de l’humanité, un événement d’une portée immense. Il partage les siècles : la virginité consacrée, désormais, aura la primauté sur le mariage et la fécondité. La jeune Marie, en répondant aux requêtes de son amour pour Dieu, inaugure une ère nouvelle.

 

 

 

MARIE ET JOSEPH

 

Si, comme il y a tout lieu de le penser, la société juive ne faisait pas place à la virginité, Marie, lors de sa consécration, dut poser un acte d’abandon à Dieu singulièrement confiant : elle n’en doute pas un instant, Dieu lui rendra certainement possible la fidélité à son engagement.

 

Comment celle qui a découvert l’éminente grandeur de la virginité put-elle ne pas être déconcertée de se voir appelée au mariage ? Je dis bien : de se voir appelée au mariage, car ce n’est pas seulement sous la dictée des mœurs du temps que Marie envisage d’entrer dans la vie conjugale. On ne l’imagine pas s’engageant dans le mariage à contre-cœur comme dans un pis-aller. Si les convenances sociales ne l’autorisent pas à vivre isolément sa vocation de virginité, si elles exigent le mariage, Marie voit dans ces convenances sociales un signe divin. Il n’empêche qu’elle ne peut encore saisir pleinement le sens de ces deux vocations, à la virginité et au mariage, impérieuses l’une et l’autre. Dont l’une d’ailleurs, la virginité, lui apparaît première, non seulement parce qu’elle s’est imposée d’abord, mais parce qu’elle lui semble commander toute sa destinée. Seul, le message de l’ange lui donnera le secret de sa double vocation, en lui révélant la maternité virginale.

 

Nous-mêmes, pour n’être pas déroutés, devons bien comprendre ce qu’est, et ce que n’est pas, la virginité de Marie. Essentiellement elle est renonciation à l’union charnelle et à la transmission de la vie. Mais non pas nécessairement à l’amour d’un homme, à la condition toutefois que nous nous fassions de cet amour une idée, je ne dis pas édulcorée mais décantée. Cet amour ne peut être qu’un mutuel élan, d’autant plus fort qu’il est plus spirituel, tendant vers une union d’autant plus étroite et plus parfaite qu’elle sera plus spirituelle.

 

Aussi bien, quand Joseph vient lui parler mariage, la seule question qu’elle se pose et qu’elle lui pose est celle-ci : Pourra-t-elle rester vierge dans le mariage ? Autrement dit consent-il à la décision qu’elle a prise, et en conséquence accepte-t-il de s’engager dans cette vois de la virginité ? Si Joseph n’avait pas jusqu’alors envisagé de se garder vierge, son oui à la proposition de Marie est bien la plus haute preuve d’amour qu’il ait pu lui donner. On se plaît à voir en Joseph le premier de ces jeunes hommes que l’exemple de la Vierge entraînera tout au long des âges à vouer leur virginité pour honorer la chair du Christ, selon l’admirable expression de saint Ignace d’Antioche.

 

Ils se marièrent. On estime assez généralement que Joseph devait avoir aux environs de dix-huit ans et Marie, de quatorze ans. Quel extraordinaire jeune couple ! Extraordinaire, non seulement par ses qualités humaines et surnaturelles, mais par son mystère. Ce sont les deux êtres les plus parfaitement consacrés à Dieu qui jamais vivront sur terre, et en même temps les plus parfaitement mariés, unis par le plus parfait amour, au service de la plus admirable fécondité.

 

Mais cet amour parfait n’est pas un monde clos. Il est tout orienté vers le salut des hommes. La vie cachée ne prend tout son sens que par la vie publique. Joseph mourra probablement avant l’entrée de Jésus dans cette vie publique. Son départ, qui laissera Marie en tête à tête avec son fils, est riche d’une signification qu’il nous faut essayer d’entrevoir. On imagine Joseph, aux derniers jours de sa vie terrestre, aimant à contempler d’un seul regard Jésus et Marie. Sa foi est profonde. Sans doute les paroles que le Baptiste prononcera quelques années plus tard en seraient-elles la meilleure expression : Qui a l’épouse est l’époux, mais l’ami de l’époux qui se tient là et qui l’entend est ravi de joie à la voix de l’époux ; voilà ma joie ; elle est maintenant parfaite (Jn 3,29). Oui, Joseph mourant est heureux de s’effacer pour laisser Marie seule avec Jésus.

 

Il sait la route cruelle que ces deux êtres tant aimés vont avoir à parcourir et l’étroite coopération que le Sauveur demandera à sa Mère aux jours de la Passion. Son cœur frémit, mais consent et bénit Dieu : Il faut que tout s’accomplisse, ainsi que les Ecritures l’ont annoncé, pour que cette grâce divine dont il a vu en Marie les effets admirables et dont il a connu lui-même les bienfaits, déferle sur le monde jusqu’à la fin des temps.

 

 

 

P. Henri CAFFAREL présenté par P. Albert PERRIER

 

 

 

NOTE de compréhension

 

 

 

Le P. CAFFAREL présente l’ensemble de sa réflexion à partir du mot prédestination. Deux autres mots sont aussi employés pour dire les mêmes réalités profondes en lien avec l’histoire sainte de l’humanité : - mystère selon les Ecritures (lettres aux Ephésiens, Colossiens et Romains, comme évocation du dessein d’amour de Dieu envers l’humanité ; - en théologie, on parle d’économie du salut, là encore détaillant les personnes et événements de l’Ancien et du Nouveau Testament, so Fiche SP17 - Prends chez toi Marie, ton épouse ! par le P. Henri Caffarel - Grandeurs et gloire de leur mariage - Le mariage de Joseph et de Marie  selon le dessein de Dieu (I)

 

us la symbolique du Peuple de Dieu.

 

1 Ces deux façons de voir se retrouvent en d’autres questions théologiques. Ainsi, quand il s’agit du sacrifice du Christ, les uns s’efforcent de le comprendre après avoir considéré d’abord les divers sacrifices dans les diverses religions et dégagé la notion commune de sacrifice ; les autres approfondissent le sacrifice du Christ et voient en tous les autres des ébauches plus ou moins frustres de ce sacrifice.

 

 

 

Fiche SP16 - Prends chez toi Marie, ton épouse ! P. Henri CAFFAREL : Le liminaire : les regards de Jésus.

 Notes introductives

 La première concerne le projet éditorial du CFRDJ. Pour sa reprise d’activité du site, le CFRDJ est tombé sur une mine d’or. Il est heureux de passer beaucoup de temps, et de porter beaucoup d’attention, à la publication du thème annoncé qui accompagnera toutes les fiches de Spiritualité d’une part et d’Ecriture Sainte, d’autre part : Prends chez toi Marie, ton épouse (Mt 1, 20). Le trésor se trouve dans la parution de mai-août 1965 de la revue de spiritualité conjugale l’Anneau d’Or (n° double 123-124) aminée par le P. Henri CAFFAREL, de 1945 à 1967. Il y aura un minimum de présentation de notre part.

 a seconde concerne une remarque générale du P. CAFFAREL lui-même quant à la publication de ce thème. Nous estimons que cette excellente conclusion du liminaire des pages 173-177 est à accueillir selon l’intention profonde de son auteur :

 Nous vous livrons, écrit-il, ce Cahier, conscients de son imperfection- la tâche étant difficile ! Nous y avons incorporé les matériaux les plus beaux les plus solides que fournissaient la Tradition et la réflexion chrétienne ; nous y avons ajouté notre part, mais ce serait trop peu si nos lecteurs n’y apportaient beaucoup d’eux-mêmes.

 Entrez donc dans ce Cahier comme dans un sanctuaire - un modeste sanctuaire de campagne, en attendant que d’autres édifient la cathédrale - ; approchez ces deux êtres qui se sont aimés en aimant un Troisième, qui continuent éternellement de s’aimer en L’aimant. Faites silence pour les entendre ; fermez les yeux pour les mieux voir. Le mariage de Joseph et de Marie délivre son secret, sa puissance d’amour infini, à ceux-là seuls qui l’abordent en esprit de contemplation. (Anneau d’Or 123-124, p. 177).

 Les sous-titres en italiques gras sont de nous, pour souligner l’approche du P. Caffarel lui-même qui scande bien ses paragraphes.

  Le regard de Jésus sur Nazareth

 Pour comprendre le sens, la nouveauté, la nécessité de ce numéro spécial sur le mariage de Joseph et de Marie, reportons-nous vingt siècles en arrière, dans ce village de Nazareth, dans cette maison modeste et travailleuse dont Paul Claudel écrivait : Il n’y a ici que trois pauvres gens qui s’aiment et c’est eux qui vont changer la face du monde.

 Jésus vient d’avoir douze ans. Pour un jeune Juif, c’est l’adolescence, et même l’âge adulte puisqu’il devient légalement majeur. Il est tenu à certaines obligations, en particulier à celle de monter chaque année à Jérusalem pour la Pâque : et de fait, Jésus s’y est rendu cette année avec Joseph et Marie (Lc 2, 41-43). Mais là, il a fait une chose inouïe. Voulant montrer à Marie et à Joseph qu’il se doit aux choses de son Père (Lc 2, 49), il n’a pas hésité à rester à Jérusalem sans rien dire à ses parents (Lc 2,41-43). Il proclame ainsi la transcendance absolue de Dieu sur tous les liens terrestres, même les plus naturels, les plus louables, les plus saints. Il montre par-là que la seule raison de sa venue en ce monde est la mission reçus du Père. Et s’il va demeurer longtemps encore à Nazareth, ce n’est pas pour y vivre tranquille dans une famille heureuse, mais parce que sa mission commence bien là, dans ce foyer où ses premiers disciples, ses premiers sauvés, seront son père et sa mère. On ne comprendrait rien au foyer de Nazareth, à la Sainte Famille, si on n’y voyait qu’une simple oasis de repos et de fraîcheur, qu’un paradis retrouvé et non le commencement de l’Incarnation rédemptrice.

 Jésus regarde les êtres et les choses qui l’entourent, du regard de l’adolescent qui s’émerveillent devant la beauté du monde. Or, que voit-il d’abord ? Cet homme et cette femme qui lui ont tout donné depuis toujours. Il leur est soumis, d’une soumission semblable à celle qu’il a pour son Père, parce qu’ils sont l’image visible de ce Père invisible. Mais dans cette soumission, osons dire qu’il entre de l’admiration. Oui, lui le Fils de Dieu, admire le parfait amour de ces deux êtres, cet amour qui est le chef-d’œuvre de l’Amour divin, cet amour qui est ici-bas, pour de longues années, son repos, sa joie et sa force.

 Non vraiment, jamais adolescent ne s’est trouvé en face d’untel amour. Et jamais non plus adolescent n’a eu un tel cœur pour s’émerveiller et, pour comprendre ?

 Mieux qu’aucun de ceux qui ont chanté l’amour humain, Jésus chante l’amour de Marie et de Joseph. Et il le chante à son Père, car sa reconnaissance, sa joie montent vers celui qui lui a destiné cet amour. Son chant est la pointe la plus fine, la plus haute, la plus parfaite de ce culte filial qui était prescrit aux hommes depuis les origines de la Révélation : Honore ton père et ta mère, afin d’avoir longue vie et bonheur sur la terre que Yahvé ton Dieu te donne (Deut. 5,16).

 L’adolescent Jésus n’admire pas seulement de l’extérieur l’amour de Joseph et de Marie. Il s’y sait lui-même profondément engagé. Une telle grandeur, une telle perfection dans leur don réciproque et dans leur consécration à l’enfant, est le fruit exquis de son Incarnation rédemptrice. Il est venu sanctifier l’humanité, et il a sous les yeux la créature la plus sainte, Marie, et dans son rayonnement le plus saint des hommes, Joseph. Il est venu unir les humains, et il a devant lui l’union la plus parfaite qui sera jamais réalisée, qui annonce et inaugure sa propre union à l’Eglise, et plus lointainement son union définitive avec tous les élus dans le ciel.

 Mais Jésus veut continuer, en son Corps qui est l’Eglise, à admirer et chanter l’amour de Joseph et de Marie. Il veut que son propre amour pour eux, son culte filial, traverse les siècles, soit célébré par tous ses disciples, et par-delà les temps vienne battre aux rives de l’éternité

 Le regard de Jésus bien au-delà !

 Ce grand désir, cette volonté absolue du Christ, que sont-ils devenus ? Depuis vingt siècles, la chrétienté bataille, conquiert, pense, peine, aime, prie en union avec son Chef ; mais a-t-elle compris et suivi l’exemple de Jésus aimant Joseph et Marie ? Avouons-le, sans crainte d’exagérer : le culte du peuple chrétien pour leur mariage est pratiquement inexistant.

 Il est souvent arrivé dans l’histoire que le culte de l’Eglise (liturgie ou dévotion des fidèles) ait précédé les affirmations doctrinales : l’exemple le plus illustre est sans doute celui de l’Immaculée Conception. Dans le cas présent, c’est l’inverse. La doctrine est aussi claire que ferme : l’Ecriture est formelle pour affirmer la réalité du mariage de Joseph et Marie et, à sa suite, Pères, théologiens, Magistère, l’ont toujours reconnue. Mais la prière, la dévotion, la liturgie n’ont pas suivi - pas plus que les auteurs spirituels, les vulgarisateurs, les prédicateurs. La doctrine révélée et affirmée est restée une fontaine scellée, elle n’est pas devenue source de vie.

 A qui la faute ? Sans doute à une certaine imagination aberrante, qui, de bonne heure (dès le IIème siècle), s’est greffée sur les écrits de l’enfance du Christ et en a défiguré l’un des personnages. Les Apocryphes et le Légendes plus ou moins dorées ont transformé saint Joseph en un vieillard cacochyme, chenu et branlant, parfois même sot et ridicule, comme dans certains Mystères du Moyen-Age. Et, du coup, toute l’admiration, toute la tendresse, toutes les louanges du peuple chrétien sont allées à Marie et à Jésus, en négligeant cette ombre, cette caricature d’homme qui les accompagne. Marie est devenue la Vierge Mère et on a tranquillement oublié qu’elle était aussi une épouse. Même quand on parle du mariage de Marie, il ne semble pas qu’elle soit mariée avec quelqu’un.

 Comment s’émerveiller, en effet, devant ce couple mal assorti d’une très jeune femme et d’un vieillard ? Comment ne pas penser qu’il s’agit d’un pseudo-mariage, d’une façade sociale sans vérité intérieure, d’un rite légal de pure forme ? La réalité qui remplissait Jésus d’une admiration et d’une action de grâces sans bornes, ce parfait amour réciproque, est restée voilée aux yeux du peuple chrétien. Au chant qui montait dans le cœur du Christ adolescent, aucun écho ne répond dans les âmes.

 Notre regard chrétien en retour

 A y regarder de près, il n’a cependant pas manqué de grands esprits et de grands auteurs qui, de saint Augustin à saint François de Sales et à Bossuet, ont rappelé la vérité et la grandeur du mariage de Joseph et de Marie. Mais eux-mêmes n’ont trouvé d’écho ni dans la prédication courante, ni dans la littérature spirituelle, ni dans la dévotion privée, ni dans la prière liturgique.

 Notre Cahier voudrait reprendre ce grand sujet, en rassembler les thèmes dispersés, contribuer à faire entrevoir le mystère admirable. Ce n’est certes pas facile, car il faut réagir contre les clichés et les poncifs. Mais est-il aisé, dans les basiliques anciennes, de retrouver, sous les couches de plâtre et les badigeonnages, les antiques fresques oubliées ? On ne le peut pas sans d’intimes précautions ; pourtant l’enjeu en vaut la peine. Il nous a paru qu’on devait tenter une pareille entreprise pour que les chrétiens comprennent le mystère, pour qu’ils l’honorent et le célèbrent, pour qu’enfin ils en vivent.

 Pour qu’ils le comprennent, d’abord. Car, c’est par un effort de connaissance que doit commencer le décapage. Nous partirons donc de l’Ecriture, notre seule source d’information, et nous l’interrogerons avec les exégètes les plus compétents. Nous ferons appels aux Pères de l’Eglise, aux théologiens, aux auteurs spirituels les moins suspects de facilité ou d’illuminisme. Après quoi, nous essaierons de nouer la gerbe, cherchant dans notre foi, dans notre raison, dans notre expérience de l’amour humain, toutes les lumières qui peuvent éclairer l’amour de Joseph et de Marie.

 Ayant exploré lucidement ces données fondamentales, nous laisserons chanter notre admiration et notre reconnaissance, en union avec le Christ Jésus. Nous renouvellerons ainsi notre culte envers Joseph et Marie. Un culte qui s’adresse d’abord à ce qu’ils ont d’unique, d’exceptionnel, de hors-série : la virginité dans le mariage, la conception miraculeuse de Jésus, la maternité divine. Ce destin exceptionnel fait étinceler leur amour à une hauteur infinie ; mais il est salubre et vivifiant de le contempler ainsi. Il représente à l’état pur et parfait, ce que les unions humaines imitent de très loin et dont elles doivent s’inspirer.

 Mais notre culte, notre vénération, ne s’adressent pas seulement à la profondeur insondable, au secret divin de leur amour. Nous voulons nous attacher aussi aux nuances, aux délicatesses, aux élans, aux épreuves, aux joies qui ont fait d’eux un couple très proche de nous, vivant au rythme de l’expérience humaine. Vraiment, rien d’humain ne leur a été étranger, hormis le péché, ce péché qui, chez nous, s’oppose au travail de la grâce et retient nos amours dans la médiocrité. Chez eux, l’amour humain est totalement, splendidement lui-même. Ils ont tout ce que nous désirons, ils possèdent en plénitude tout ce qui nous manque et dont nous avons faim. Nous ne les admirons pas moins pour leur parfaite humanité que pour leurs richesses de grâce.

 Enfin, les connaissant mieux, les admirant davantage, nous serons incités à les imiter. Oui, cet amour incomparable et incommensurable, il nous est donné pour que, révisant notre table des valeurs, nous en vivions.

 Sa première leçon exemplaire est la dignité suréminente de la virginité, sa primauté sur le mariage. Non pas d’abord parce qu’elle est abstention de relations charnelles (encore qu’il y ait là matière à méditer), mais parce qu’elle est offrande inconditionnelle, exclusive, perpétuelle, à l’amour de Dieu. Tous ceux qui sont appelés à cette vocation doivent fixer leurs regards sur Marie et Joseph, où elle brille dans son éclat le plus pur.

 L’autre leçon exemplaire de leur union concerne les époux chrétiens. Eux aussi, dans l’état de mariage, doivent devenir saints. Comment ? En pratiquant, certes, les vertus familiales telles qu’elles étaient vécues à Nazareth entre Marie, Joseph et Jésus. Mais mieux encore, en pénétrant dans le mystère même de la Sainte Famille, dans l’intimité de ce premier foyer adorateur consacré au Christ, vivant quotidiennement avec le Christ, se laissant animer, conduire, vivifier, sanctifier par lui.

A l’heure où l’Eglise recherche un aggiornamento1, comment ne désirerait-elle un renouveau de ces deux grands états de vie que sont la virginité et le mariage sacramentel ? L’un et l’autre sont menacés, non seulement de l’extérieur par un monde qui n’en a pas l’intelligence, mais de l’intérieur, par le manque d’estime de trop de chrétiens pour la vie consacrée à Dieu, et souvent par leur refus des exigences du mariage. Pour rendre leur dignité et leur rang à ces deux vocations, pour susciter dans l’Eglise un grand appel à y répondre généreusement, l’un des meilleurs moyens, croyons-nous, est de les contempler en ces deux êtres qui ont porté simultanément la virginité et le mariage au sommet de leur perfection. Mais que faire pour orienter les regards du peuple fidèle vers ce très haut exemple ? Jean Gerson, il y a cinq siècles, le 8 décembre 1416, répondait à cette question devant tous les Pères du Concile de Constance assemblés : Qu’une fête soit instituée dans l’Eglise universelle pour célébrer le mariage très saint de Joseph et de Marie. Combien de maîtres spirituels, à sa suite, ont fait leur ce vœu du grand Chancelier de l’Université de Paris… Combien nombreux sont les foyers chrétiens d’aujourd’hui qui seraient

heureux de le voir enfin exaucé ! 2

 


Texte du P. Henri CAFFAREL, présenté par le P. Albert Perrier

 

1 Terme important du temps du Concile et de l’après Concile pour engager les changements entrevus.

 

2 Cette note souligne que le P. Henri CAFFAREL à dédicacer ce Cahier des mois de mai-août 1965 à Sa Sainteté Jean XXIII qui inscrivit saint Joseph à côté de la glorieuse Vierge Marie aux communicantes (prières particulières) de la messe et qui, le 19 mars 1961 à placer sous son patronage le IIème Concile du Vatican.

 

Nous précisons que les derniers alinéas de ce liminaire ont été placés en notes éditoriales introductives. L’ensemble ce liminaire occupe les pages 173-177 du Cahier 123-124 de l’Anneau d’OR .

 

 

FICHE SP14 Avec un cœur de Père ! Trois premières invitations de dévotion populaire

 

 A l’école du pape François, nous accueillons avec intérêt et profonde compréhension trois invitations de dévotion populaire. Elles nous aident à vivre de l’espérance du double cheminement de notre foi et de notre charité. Cette présentation du texte même du pape François se comprend mieux lorsque qu’on a pris le temps de lire la Fiche Dévotion DE. Les deux mots contemplation et dévotion invitent , je le pense, à une attention diversifiée et soutenue de notre part et rendent comptent de la portée de ce texte.

 Pour chaque invitation, nous suivons le pape François contemplant d’abord la figure de saint Joseph, puis évoquant notre démarche de dévotion, hier ou aujourd’hui. Ce sont des extraits importants du texte du pape.

 

 Père aimé

Contemplation. « La grandeur de saint Joseph consiste dans le fait qu’il a été l’époux de Marie et le père adoptif de Jésus. Comme tel, il « se mit au service de tout le dessin salvifique », comme l’affirme saint Jean Chrysostome.

 Saint Paul VI observe que sa paternité s’est exprimée concrètement dans le fait « d’avoir fait de sa vie un service, un sacrifice au mystère de l’incarnation et à la mission rédemptrice qui y est jointe ; d’avoir usé de l’autorité légale qui lui revenait sur la sainte Famille pour lui faire un don total de soi, de sa vie, de son travail ; d’avoir converti sa vocation humaine à l’amour domestique dans la surhumaine oblation de soi, de son cœur et de toute capacité d’amour mise au service du Messie germé dans sa maison ».

 Dévotion. En raison de son rôle dans l’histoire du salut, saint Joseph est un père qui a toujours été aimé par le peuple chrétien comme le démontre le fait que, dans le monde entier, de nombreuses églises lui ont été dédiées. Plusieurs Instituts religieux, Confréries et groupes ecclésiaux sont inspirés de sa spiritualité et portent son nom, et diverses représentations sacrées se déroulent depuis des siècles en son honneur. De nombreux saints et saintes ont été ses dévots passionnés, parmi lesquels Thérèse d’Avila qui l’adopta comme avocat et intercesseur, se recommandant beaucoup à lui et recevant toutes les grâces qu’elle lui demandait ; encouragée par son expérience, la sainte persuadait les autres à lui être dévots.

 Dans tout manuel de prière, on trouve des oraisons à saint Joseph. Des invocations particulières lui sont adressées tous les mercredis, et spécialement durant le mois de mars qui lui est traditionnellement dédié.

 

Père dans la tendresse

 

Contemplation. Joseph a vu Jésus grandir jour après jour « en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes » (Lc 2, 52). Tout comme le Seigneur avait fait avec Israël, « il lui a appris à marcher, en le tenant par la main : il était pour lui comme un père qui soulève un nourrisson tout contre sa joue, il se penchait vers lui pour lui donner à manger » (cf. Os 11, 3-4).

 Jésus a vu en Joseph la tendresse de Dieu : « Comme la tendresse du père pour ses fils, la tendresse du Seigneur pour qui le craint » (Ps 103, 13). Joseph aura sûrement entendu retentir dans la synagogue, durant la prière des Psaumes, que le Dieu d’Israël est un Dieu de tendresse, qu’il est bon envers tous et que « sa tendresse est pour toutes ses œuvres » (Ps 145, 9).

 Dévotion. L’histoire du salut s’accomplit en « espérant contre toute espérance » (Rm 4, 18), à travers nos faiblesses. Nous pensons trop souvent que Dieu ne s’appuie que sur notre côté bon et gagnant, alors qu’en réalité la plus grande partie de ses desseins se réalise à travers et en dépit de notre faiblesse. C’est ce qui fait dire à saint Paul : « Pour m’empêcher de me surestimer, j’ai reçu dans ma chair une écharde, un envoyé de Satan qui est là pour me gifler, pour empêcher que je me surestime. Par trois fois, j’ai prié le Seigneur de l’écarter de moi. Mais il m’a déclaré : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » » (2 Co 12, 7-9).Si telle est la perspective de l’économie du salut, alors nous devons apprendre à accueillir notre faiblesse avec une profonde tendresse. Le Malin nous pousse à regarder notre fragilité avec un jugement négatif. Au contraire, l’Esprit la met en lumière avec tendresse. La tendresse est la meilleure manière de toucher ce qui est fragile en nous. Le fait de montrer du doigt et le jugement que nous utilisons à l’encontre des autres sont souvent un signe de l’incapacité à accueillir en nous notre propre faiblesse, notre propre fragilité. Seule la tendresse nous sauvera de l’œuvre de l’Accusateur (cf. Ap 12, 10).C’est pourquoi il est important de rencontrer la Miséricorde de Dieu, notamment dans le Sacrement de la Réconciliation, en faisant une expérience de vérité et de tendresse. Paradoxalement, le Malin aussi peut nous dire la vérité. Mais s’il le fait, c’est pour nous condamner. Nous savons cependant que la Vérité qui vient de Dieu ne nous condamne pas, mais qu’elle nous accueille, nous embrasse, nous soutient, nous pardonne. La Vérité se présente toujours à nous comme le Père miséricordieux de la parabole (cf. Lc 15, 11-32) : elle vient à notre rencontre, nous redonne la dignité, nous remet debout, fait la fête pour nous parce que « mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé » (v. 24).La volonté de Dieu, son histoire, son projet, passent aussi à travers la préoccupation de Joseph. Joseph nous enseigne ainsi qu’avoir foi en Dieu comprend également le fait de croire qu’il peut agir à travers nos peurs, nos fragilités, notre faiblesse. Et il nous enseigne que, dans les tempêtes de la vie, nous ne devons pas craindre de laisser à Dieu le gouvernail de notre bateau. Parfois, nous voudrions tout contrôler, mais lui regarde toujours plus loin.

 Père dans l’obéissance

 Contemplation. Dieu a aussi révélé à Joseph ses desseins par des songes, de façon analogue à ce qu’il a fait avec Marie quand il lui a manifesté son plan de salut. Dans la Bible, comme chez tous les peuples antiques, les songes étaient considérés comme un des moyens par lesquels Dieu manifeste sa volonté.Joseph est très préoccupé par la grossesse incompréhensible de Marie : il ne veut pas « l’accuser publiquement » mais décide de « la renvoyer en secret » (Mt 1, 19). Dans le premier songe, l’ange l’aide à résoudre son dilemme : « Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1, 20-21). Sa réponse est immédiate : « Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit » (Mt 1, 24). Grâce à l’obéissance, il surmonte son drame et il sauve Marie.

Dans le deuxième songe, l’ange demande à Joseph : « Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr » (Mt 2, 13). Joseph n’hésite pas à obéir, sans se poser de questions concernant les difficultés qu’il devra rencontrer : « Il se leva dans la nuit, il prit l’enfant et sa mère et se retira en Égypte, où il resta jusqu’à la mort d’Hérode » (Mt 2, 14-15).

 En Égypte, Joseph, avec confiance et patience, attend l’avis promis par l’ange pour retourner dans son Pays. Le messager divin, dans un troisième songe, juste après l’avoir informé que ceux qui cherchaient à tuer l’enfant sont morts, lui ordonne de se lever, de prendre avec lui l’enfant et sa mère et de retourner en terre d’Israël (cf. Mt 2, 19-20). Il obéit une fois encore sans hésiter : « Il se leva, prit l’enfant et sa mère, et il entra dans le pays d’Israël » (Mt 2, 21).

 Mais durant le voyage de retour, « apprenant qu’Arkélaüs régnait sur la Judée à la place de son père Hérode, il eut peur de s’y rendre. Averti en songe, – et c’est la quatrième fois que cela arrive – il se retira dans la région de Galilée et vint habiter dans une ville appelée Nazareth » (Mt 2, 22-23).

 Dévotion. Dans chaque circonstance de sa vie, Joseph a su prononcer son « fiat », tout comme Marie à l’Annonciation, et comme Jésus à Gethsémani.

 Dans son rôle de chef de famille, Joseph a enseigné à Jésus à être soumis à ses parents (cf. Lc 2, 51), selon le commandement de Dieu (cf. Ex 20, 12). Dans la vie cachée de Nazareth, Jésus a appris à faire la volonté du Père à l’école de Joseph. Cette volonté est devenue sa nourriture quotidienne (cf. Jn 4, 34). Même au moment le plus difficile de sa vie, à Gethsémani, il préfère accomplir la volonté du Père plutôt que la sienneet il se fait « obéissant jusqu’à la mort […] de la croix » (Ph 2, 8). C’est pourquoi l’auteur de la Lettre aux Hébreux conclut que Jésus « apprit par ses souffrances l’obéissance » (5, 8).

 Il résulte de tous ces événements que Joseph « a été appelé par Dieu à servir directement la personne et la mission de Jésus en exerçant sa paternité. C’est bien de cette manière qu’il coopère dans la plénitude du temps au grand mystère de la Rédemption et qu’il est véritablement ministre du salut. (A suivre)

 Ce 28 mai 2021 Extraits présenté par le Père Albert Perrier* -CFRDJ

 

Mon livre Joseph le respectueux est proche de cette évocation de saint Joseph. Contact courriel : perrieralbert@aol.com

 

 

FICHE SP15 - Le livre de tous les saints : JOSEPH !

 

Préambule de l’auteur de cette fiche

 

En cette année saint Joseph, l’idée m’est venue de vous proposer un texte sur saint Joseph qui se trouve dans les œuvres d'Adrienne von Speyr (1902-1907), médecin suisse, mariée et mère de famille, devenue catholique en 1940 après avoir rencontré le Père Hans Urs von Balthasar qui était alors aumônier d'étudiants à Bâle. Une soixantaine de volumes d'Adrienne von Speyr ont été édités en allemand ; une bonne partie en a déjà été traduits et publiés dans notre langue.

 


Le texte ci-dessous est tiré du livre d‘Adrienne von Speyr Das Allerheiligenbuch I (Le livre de tous les saints, Première partie), p. 35-36. (Titre allemand complet : Das Allerheiligenbuch. Erster Teil. Herausgegeben und eingeleitet von Hans Urs von Balthasar [= Nachlasswerke, Band I], Johannes Verlag, Einsiedeln, 1966). Le P. Balthasar a présenté brièvement Le livre de tous les saints dans Adrienne von Speyr et sa mission théologique, p. 58-61).

 

Joseph

 Je vois sa bonne prière. Il a un cœur simple et il persévère dans un don total de lui-même qu'il ne comprendra jamais totalement. Il n'a d'ailleurs pas besoin de le comprendre parce que Dieu n'a pas fait de lui le participant d'une mission double (Marie-Joseph). Ses relations avec la Mère de Jésus ne sont pas comparables par exemple avec celles de Benoît et de Scolastique ou avec celles de François de Sales et de Jeanne de Chantal.

 Pour Joseph, sa mission est une mission à côté d'une autre (celle de Marie) et ce que Joseph doit faire, c'est soutenir la mission de Marie de manière très simple. Pas plus qu'on ne peut voir en Marie et Joseph un couple, on ne peut voir en eux deux êtres qui auraient ensemble une seule mission.

 Joseph, l'homme juste, est placé dans une situation qui d'abord l'effraie ; il ne comprend pas. Puis la grâce lui donne de comprendre quelque chose, mais pas tout. L'ange lui donne la certitude que ce qui se passe est juste, et il sait désormais : c'est ma route et ma route vient de Dieu. Mais il ne comprendra jamais totalement ce qui s'est passé dans la Vierge Marie. Et quand il s'efforce de l'aider et d'être un père pour l'enfant, il demeure toujours conscient qu'il n'est qu'un remplaçant. Sa compréhension ne va pas plus loin.

 Et il prie toujours plus que Dieu lui montre les chemins qu'il doit suivre, non qu'il lui donne de comprendre parfaitement. Quand il regarde la Mère avec l'enfant, il comprend que c'est une grâce inouïe de pouvoir être là et de voir et de coopérer ; et sa foi grandit, et sa joie aussi grandit sans qu'il doive accompagner la Mère sur ses durs chemins. Même s'il connaît des heures difficiles, puisqu'il doit prendre soin de l'enfant, il connaît cependant surtout la joie de se donner, la joie de participer, et sa prière est pleine d'action de grâce ; elle n'est pas très ample, mais elle est fidèle, pieuse, aimante.

 uand se manifeste quelque chose du Fils, de sa croissance et de sa mission, il l'emporte aussitôt dans sa prière parce que cela touche tellement sa route à lui qu'il doit garder éveillé dans la prière ce qu'il a vu. Il aime et il travaille, et son aide est telle qu'elle ne compte jamais. Depuis que l'ange lui a parlé, il est apaisé une fois pour toutes et cette paix rayonne sur tout ce qu'il fait. Il ne connaît pas l'inquiétude de celui qui calcule. Il sait qu'il participe à beaucoup de mystères même si ce n'est pas son affaire de chercher à les scruter. Il est sans curiosité ; il est tout simplement pieux.

 Il connaît la contemplation. Rien que de voir la Mère et l'enfant et ce qui les unit, c'est déjà de la contemplation; car il les voit dans un esprit de prière et il les introduit dans sa prière comme un mystère qui lui est donné, un mystère qu'il contemple d'une certaine manière aux heures de prière proprement dites. Il contemple le mystère, il ne cherche pas à le pénétrer ; il le laisse traverser sa prière d'une manière féconde. Et sa prière se déroule, se développe, mais entièrement dans le Fils. Il grandit, mais pas dans l'intelligence du mystère à proprement parler.

 

 

 

Patrick Catry, Abbaye Saint-Paul, 62219 Wisques*

 

NOTE de la rédaction : Nous sommes reconnaissants au P. Patrick de nous avoir proposé ce texte d’Adrienne von Speyr, déjà mis en valeur par le P. Hans Urs von Balthasar.

 

A tout hasard, si besoin est, je vous signale aussi un chapitre sur saint Joseph sous le titre : Marie et Joseph, dans le livre d’Adrienne von Speyr, La Servante du Seigneur (Nouvelle traduction 2014), p. 71-86.

 


 

 

 

SP14 A la rencontre de la Sainte Famille : trois façons de faire !

Es-tu père, mère, grand-père ou grand-mère ? – Sois saint en enseignant avec patience aux enfants à suivre Jésus. Cette recommandation du pape François, je la traduis en une réflexion empruntant trois façons de faire pour la mettre en pratique. C’est une sorte de catéchèse pour enfants et parents.

 



Le tableau de Kalisz (Pologne)

 

Tel qu’il est présenté ci-contre, je vous invite à le faire admirer par vos enfants et petits-enfants pour rencontrer Jésus. C’est un double environnement qui entoure Jésus. Il est vraiment au centre du tableau.

 

La Sainte Famille du Ciel

Vous faites découvrir qu’il y a une ligne verticale au-dessus de Jésus, de haut en bas. C’est donc du ciel que l’admiration commence. Dieu, le Père, regarde Jésus et l’aime comme son Fils Bien-aimé ! La colombe qui représente l’Esprit-Saint selon saint Luc vole au-dessus de Jésus pour recommander de le regarder et de l’écouter car Jésus a beaucoup de choses à nous dire : C’est le trésor de son Evangile.

 

La Sainte famille de Dieu est là : Jésus est au cœur de cette famille. Le geste qui peut encore fixer l’attention, c’est celui d’un beau signe de Croix : Au Nom du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint.

 

La Sainte Famille de la terre

Vous faites découvrir ensuite que Jésus tient la main de deux personnes bien connues : Marie et Joseph. Il semble marcher avec eux, parce que le Père et l’Esprit-Saint l’ont confié à eux, au cœur de leur Sainte Famille.

 

Jésus marche comme un enfant dans la confiance et le bonheur et il leur obéit, comme Luc le dit : Jésus descendit avec Joseph et Marie pour aller à Nazareth ; il leur était soumis ; sa Maman, comme Joseph gardaient tous ces événements de la vie familiale dans leurs cœurs. Jésus progressait en sagesse et en taille, et en faveur auprès de Dieu et auprès des gens.

 

Tous les parents sont invités à ce cœur à cœur avec leurs enfants, et en les voyant grandir et s’épanouir à la manière de Jésus. Cela se passe merveilleusement dans nos familles !

 

Ce tableau de Kalisz, un habitant le fit dessiner selon la description donnée par un vieillard apparu en songe, qu’il identifia comme étant saint Joseph, d’où le nom de tableau de Saint-Joseph, alors qu’il représente la Sainte Famille. Cet habitant, perclus de rhumatismes, en guérit en embrasant le tableau. Cela se passe en 1670.

 

 

 La trilogie de Jean-Paul 2

 

Pour nous parents et grands-parents chrétiens, nous pouvons profiter de trois textes très de saint Jean-Paul II. Ils sont proches les uns des autres et nous permettent de nous faire une idée de sa conviction pastorale profonde : Inviter l’Eglise à croire et témoigner du Christ-Sauveur. Vous remarquez avec leurs titres que le beau nom de Rédempteur est là : lié d’une part au Mystère de Jésus-Sauveur, ou Dieu sauve par son Fils Bien-Aimé ; évoquant d’autre part la place de Marie et de Joseph, au cœur de l’unique mystère de Jésus-Emmanuel ou Dieu parmi nous, pour se manifester Sauveur.

 

Pensons que Matthieu et Luc, dans les récits de l’Enfance ont appris de l’Ange ces deux noms : Emmanuel, Dieu avec nous pour le mystère de Jésus fait homme (Incarnation) et Jésus, Dieu sauve, pour le mystère de Jésus-Sauveur. Voici les exhortations apostoliques et leurs dates :

 

  • La Mère du Rédempteur (25 mars 1987)

  • Le Gardien du Rédempteur (15 août 1989)

  • La Mission du Christ Rédempteur (7 décembre1990)

 

Il est intéressant de comprendre la pensée de Jean-Paul II lorsqu’il rapproche Marie et Joseph de l’œuvre de Jésus Rédempteur-Sauveur.

 

  • Pour Jean-Paul II, Marie et Joseph sont liés au mystère de Jésus, d’abord en raison de leur maternité et paternité. A un moment précis de l’adolescence de Jésus, au cours du pèlerinage à Jérusalem, ils prennent conscience que cet Enfant Jésus est appelé à une mission précise pour être aux affaires de son Père du Ciel. Ils entrent alors dans la démarche de communier à ce mystère où Jésus pense à sa vocation et à sa mission selon la volonté de son Père

C’est ainsi que nous pouvons penser à l’écoute que nous donnons à nos propres enfants et petits-enfants quand ils partagent tous leurs projets. Il y a là un mystère humain inédit à poursuivre. Marie et Joseph nous invitent à une démarche qui s’inspire de leur attitude par conviction que toute leur vie est sous le regard de Dieu, notre Père, et par amour qu’il en soit vraiment ainsi.

  • Ensuite, pour Jean-Paul II, Marie et Joseph aident l’Eglise à entrer dans l’accueil de sa Mission à la suite de celle de Jésus : Marie comme Mère de l’Eglise par volonté de Jésus au pied de la Croix et Joseph, comme protecteur, puisque Pie IX et Jean XXIII l’ont ainsi proposé à l’Eglise, à deux grands moments des Conciles du Vatican I et II. Nous sommes encore dans cette perspective claire avec le pape François.

Comment rencontrer la Sainte Famille ?

 

La méditation de deux textes de Jean-Paul II nous met sur le chemin : pour l’Eglise dans son ensemble, comme aussi pour chacune de nos vocations en Eglise. L’un renvoie à Marie, l’autre à Joseph :

Soutenue par la présence du Christ, l’Eglise marche au cours du temps vers la consommation des siècles et va à la rencontre du Seigneur qui vient ; mais sur ce chemin, elle progresse en suivant l’itinéraire accompli par la Vierge Marie. C’est à la médiation de Marie, toute orientée vers le Christ et tendue vers la révélation de sa puissance salvifique que je confie l’Eglise et en particulier ceux (et celles) qui se consacrent à la mise en œuvre de la Mission dans le monde d’aujourd’hui (La Mère du Rédempteur, n° 177 et 178).

Que saint Joseph devienne pour tous un maître singulier dans le service de la mission salvifique du Christ qui nous incombe à tous et à chacun dans l’Eglise : aux époux, aux parents, à ceux qui vivent du travail de leurs mains ou de tout autre travail, aux personnes appelées à la vie contemplative comme à celles qui sont appelées à l’apostolat (Le Gardien du Rédempteur, n° 32).

 

Conclusion

 

L’écoute religieuse de la Parole de Dieu pour Joseph et Marie les a conduits à une disponibilité profonde à servir le Mystère de Jésus. Ils ont l’une et l’autre fait ce que l’Ange du Seigneur leur avait dit. C’est ainsi que nous sommes invités à suivre leur exemple évangélique (Le Gardien du Rédempteur, n° 1).

 

 

P. Albert Perrier, Spiritain

 

 

NB – Ce texte est paru dans le MESSAGER de SAINT-JOSEPH n° 353 de février 2020. - Contact : Archiconfrérie de Saint-Joseph de Beauvais – 56 rue de la Madeleine – 60000 BEAUVAIS – Tél. 0 33 (0)3 44 84 51 57

 

 

 

 

 

 

 

Fiche SP12 :  Saint Joseph, un modèle pour les hommes d’aujourd'hui.

 

Introduction

J’ai choisi ce thème avec une certaine crainte, car il est difficile aujourd’hui de parler de l’homme et de la femme. Le discours anthropologique semble hésitant. Il apparait difficile d’exprimer et de recevoir un discours qui cherche à parler de l’homme en tant qu’homme et de la femme en tant que femme. Les repères sont flous. Et il y a comme une défiance à parler des différences qui les caractérisent. Nous sommes conscients que notre culture est marquée par la théorie du genre (gender). Pour cette façon de penser, seule la personne peut définir si elle est homme ou femme et ce que nous disons de l’homme et de la femme est socialement construit et peut donc être déconstruit.

Tout ce qui semble différencier l’un de l’autre est d’emblée suspect de légitimer un certain machisme et de justifier les discriminations dont les femmes sont les victimes. Les sociologues notamment soulignent combien les femmes sont les premières victimes de notre société en crise économique. En même temps, on souligne que l’identité masculine est particulièrement malmenée et en doute d’elle-même, suite à l’émancipation des femmes.

 

J’ose espérer que l’on peut encore envisager la différence homme/femme non sur le mode de la supériorité ou de l’infériorité, mais sur le mode de l’égale dignité, de la complémentarité, de la mise en valeur mutuelle et du service réciproque. Et je pense que l’homme n’est pas en soi l’ennemi de la femme, ni la femme celui de l’homme. L’homme et la femme sont faits l’un pour l’autre. L’homme est l’avenir de la femme et la femme est l’avenir de la l’homme, si du moins ils rentrent dans le projet de Dieu.

Je voudrais parler de saint Joseph en tant qu’homme. J’espère ne pas tomber dans la caricature. Je vais méditer avec vous l’évangile de ce jour. En mettant en lumière certains traits de la personne de Joseph que je considère comme des qualités viriles, je veux dire qu’elles sont particulièrement intéressantes à cultiver quand on est homme. Je ne dis pas que tous les hommes doivent les avoir au plus haut point, je ne dis pas non plus que les femmes doivent en être dépourvues. Je les propose humblement à votre méditation : Méditation évangélique de l’annonce à Joseph, ou du songe de saint Joseph (Matthieu1,16-24)

Il décide de la renvoyer en secret

 

D’une manière très spéciale, les femmes peuvent être sentinelles de l’Invisible, comme le disait saint Jean-Paul II, en soulignant par là leur intériorité et notamment pour le temps de la grossesse. Cela rejoint particulièrement les femmes en ce sens qu’elles portent les enfants à naître et qu’elles les enveloppent dans la fragilité de leur vie à ce moment-là. Pour leur part, les hommes sont appelés à être gardiens de la Loi qui rappelle devant la vie naissante : Tu ne tueras pas. Les hommes sont appelés aussi à porter un regard admiratif et plein de gratitude sur celles qui leur donnent des enfants en les mettant au monde. L’homme veille à assurer sécurité et sérénité à son épouse enceinte. Joseph fait le choix de protéger Marie et l’Enfant.

 

Aujourd’hui, nous disons que les fiançailles sont faites, chez nous, pour être rompues en ce sens qu’elles sont le temps d’un engagement à réfléchir à la faisabilité du couple. A l’époque de Jésus, les jeunes filles étaient promises très jeunes, le temps des fiançailles était le temps pour elles de mûrir un peu et pour l’homme de construire sa maison. Les fiançailles étaient déjà un engagement à la vie prochainement conjugale.  Le mariage juif comportait trois étapes fondamentales. Tout d’abord, les deux familles se mettaient d’accord sur l’union. Ensuite, une annonce publique était faite. A ce moment-là, le couple était fiancé. Les fiançailles d’alors constituaient un engagement très fort qui ne pouvait être rompu que par la mort ou le divorce, même si les relations sexuelles n’étaient pas encore permises. Finalement, le couple se mariait et vivait ensemble.  

 

Comme Marie et Joseph étaient fiancés, la grossesse de Marie apparaissait comme une infidélité lourde de conséquences sur le plan social. D’après la loi juive, Joseph avait le droit de la renvoyer, et les autorités juives pouvaient même la lapider (Dt 22,23-24). Dans ce contexte, on peut comprendre la déception, l’humiliation et même la colère de Joseph découvrant que Marie est enceinte. Il aurait pu se contenter d’appliquer la loi, une certaine justice et répudier officiellement sa femme.

 

Mais dans sa grandeur d’âme, sa mansuétude, il préfère, dans un premier temps, alors qu’il n’a pas encore d’explications, la répudier en secret. Il dépasse la stricte justice des scribes et des pharisiens pour adopter une solution empreinte d’amour pour ne pas humilier sa femme et la jeter en pâture à la vindicte des hommes et aux moralisateurs. Peut-être pourra-t-elle rejoindre celui avec qui elle a conçu cet enfant, se dit-il. Il se montre donc bienveillant et bienfaisant envers celle qu’il aime et l’enfant qu’elle porte. Joseph, gardien de la Loi, apparaît alors comme promoteur de l’Amour. 

 

Joseph manifeste sa capacité à canaliser sa légitime colère, sa déception et son humiliation, compréhensibles, pour les commuer en force et rester constructif. La force d’âme de Joseph est une forme de tendresse et de pardon. Selon Romains 14,19, Paul dit : Recherchons ce qui convient à la paix et à l‘édification mutuelle. Joseph, le charpentier, dans la tempête et sous l’orage, continue de construire au-dessus de Marie un toit qui protège.

 

Joseph forme alors ce projet

 

Il y a ceux qui râlent, déplorent, se lamentent, accusent. Et parfois, c’est bien vrai, il y a matière, mais on ne peut en rester là. Joseph, lui, forme un projet, un plan d’action construit, une stratégie.

 

 

FICHE SP12 - A propos du Symposium des jeunes, 8-23 octobre 2018 : Un partage de grande franchise

 

En avril 2017, les évêques de Belgique ont adressé un questionnaire aux jeunes de 15-30 ans pour les inviter à préparer le Synode des Jeunes d’octobre 2018, sur le thème : Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel. Il est intéressant de vous partager quelques aspects des réponses données, car elles donnent une idée de la façon dont on envisage la portée de cet événement.

 

La démarche

 

Les évêques ont choisi un questionnaire très simple, adressé aux jeunes sur des points pouvant susciter leur réponse. Ce questionnaire s’adressait à ceux et celles qui s’affirment croyants comme à ceux et celles qui s’estiment éloignés de la foi ou en recherche. Les réponses des jeunes ont été pour les francophones : 607 et 1.123 pour les néerlandophones. Les thèmes des questions-réponses, les voici.

 

Les choix de vie

 

Les jeunes estiment qu’il est difficile de discerner et de choisir. Cela tient à divers obstacles : peurs, tiraillements, renoncements exigés, manque de confiance, regard des autres et pression sociale. Les jeunes comptent sur l’avis et l’encouragement des autres, en particulier de la famille et des amis. Une minorité de jeunes prend du recul et consacre vraiment du temps à cette réflexion et la vive dans la prière.

 

 

Le cheminement dans la foi

 

Selon leurs expériences, ce cheminement ne peut grandir qu’avec des proches, en groupe, des témoins inspirants et des temps forts (camps, JMJ, pèlerinages, retraites). Les jeunes disent qu’échanger sur leur foi avec des gens qui ne croient pas ou qui ont une autre foi, leur permettent de clarifier ce qu’il a de profond en eux. Le lien avec une communauté chrétienne est souvent très faible. Les jeunes constatent souvent des communautés peu rayonnantes et demandent un accueil chaleureux, de la joie, de l’enthousiasme. Il y a un très grand besoin d’écoute sans jugement. Ils attendent sue l’Eglise les responsabilise et les appelle pour lui redonner vie et qu’elle aille à la rencontre des jeunes convertis.

 

 

 

La découverte de la foi

 

Les jeunes répondent avec franchise n’avoir aucune démarche de foi ou ne pas en avoir fait l’expérience. Ceux qui se déclarent croyants renvoient souvent à leur éducation chrétienne en famille, et notamment la foi des grands parents. Cela fait dire aux évêques : Il faut souligner l’impact de moments personnels forts, tels que les funérailles d’un proche, l’expérience du pardon ou de la prière, les difficultés de la vie. Plusieurs soulignent aussi l’expérience d’être aimé de Dieu.

 

Le lien avec l’Eglise

 

Peu de jeunes vivent un lien continu avec l’Eglise ou se sentent reliés à une communauté. Ils n’attendent rien de ce côté. Cependant, des contacts arrivent à l’occasion des moments importants de la vie, comme le mariage ou à des fêtes comme Noël et Pâques. Pour certains, la messe dominicale est importante : l’expérience d’être ému pas la profession de foi, le geste de la paix.

 

Le lien avec l’Eglise universelle se vit profondément aux grands événements : Taizé, Lourdes, JMJ. A noter que la figure du pape François est enthousiasmante pour beaucoup.

 

 

Que veux-tu partager librement avec les évêques ?

 

On y trouve des interpellations sur des aspects qui touchent à une façon d’être auprès des jeunes et avec eux. Ils portent des centres d’intérêts sur le monde où ils peuvent être rejoints dans l’ouverture au monde de ce temps et aux moyens de communication, à la rencontre avec d’autres dans la variété de leurs démarches spirituelles et religieuses.

 

 

Au cœur des rencontres spécifiquement chrétiennes, il y a une demande de propositions fortes : formation chrétienne solide, besoin de repères sûrs et stables, liturgie des sac

Je voudrais reprendre un vocabulaire que nous devons à un certain Viktor Franckl, neuropsychologue : la réactivité et la proactivité. La réactivité est l’attitude de celui qui subit et se laisse gouverner servilement par les événements, par les autres, de l’extérieur. Sa liberté semble anesthésiée et donc sa capacité d’action annihilée. Il est comme un pantin manipulé par les événements.

 

La proactivité est l’attitude qui consiste à prendre sa vie en main, conscient de sa liberté de choix et de ses responsabilités, de sa capacité d’action, et ce, quelles que soient les difficultés. On est donc gouverné comme de l’intérieur, sans être complètement effondré. Victor Franckl : on peut tout prendre à un homme sauf une chose, la liberté de choisir son attitude dans n’importe quelle situation.

 

Joseph est un modèle de proactivité : il forma le projet. Pour nous, hommes, développer la proactivité nous aide à épanouir notre virilité et cela sécurise énormément une femme, quand on prend les choses en main selon nos responsabilités.

 

En bref, saint Joseph, en ces premiers versets médités de la Parole de Dieu, nous apparaît comme Gardien de la Loi mais surtout promoteur vigoureux de l’Amour qui construit, édifie et protège ; homme qui manifeste promptement miséricorde et pardon ; homme proactif qui prend sa vie en main pour agir de manière constructive et fait un projet.

 

L’Ange du Seigneur lui apparut en songe

 

L’Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint et elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus.

Manifestement Joseph se met à l’écoute de l’Ange, le messager de Dieu, porteur d’une parole. Cette parole de Dieu lui apporte une révélation, un éclaircissement qu’il ne pouvait pas avoir par lui-même sur les raisons de la grossesse de son épouse. Il prête une oreille attentive à ce qui lui est dit. Il laisse Dieu ajuster le projet qu’il avait formé. Ajuster, c’est bien faible, car Joseph qui a donné le meilleur de lui-même, devant des choses surprenantes, accepte que la Parole de Dieu le remette sérieusement en question au point de retourner complètement le projet qu’il avait formé. C’est un retournement, une conversion. Ta parole Seigneur est la lumières mes pas dit le psaume. Joseph se laisse toucher et la Parole divine éclaire le projet qu’il avait formé.

 

Je note bien que Joseph, avec une belle virilité, mobilise sa volonté, mais elle n’est pas autarcique. Joseph est volontaire mais pas volontariste. Il s’implique, il prend ses responsabilités mais il se soumet à la volonté de Dieu. Joseph apparaît comme contributeur et humble serviteur du projet de Dieu. Dans la lettre aux Philippiens, un verset est parlant : c’est Dieu qui fait en vous et le vouloir et le faire selon son dessein bienveillant (2,13). Dieu touche la volonté de Joseph, l’éclaire et l’accompagne dans la réalisation de ce projet que Dieu a pour lui.

 

 

A son réveil, Joseph fit ce que l’Ange du Seigneur lui avait prescrit

 

Joseph passe généreusement à l’action dans l’obéissance. Joseph répond à l’invitation de l’Ange : Sois sans crainte ! Il a prié et il passe à l’action. Il y a une sorte de fécondité masculine propre, c’est de passer à l’action. Un homme qui sait passer à l’action a quelque chose de fructueux. L’homme qui peine à agir est quelqu’un en souffrance. Joseph prie comme si tout dépendait de Dieu pour être sûr d’être bien éclairé et agir avec sagesse. La prière a accordé son cœur à Dieu. Joseph prie comme si tout dépendait de lui, pour avoir la force de passer à l’action sans crainte.

 

Puis Joseph agit. Il ne se défausse pas sur Dieu. Il assume ses responsabilités. Joseph agit comme si tout dépendait de lui En même temps, il agit comme si tout dépendait de Dieu. Joseph est entré dans la sagesse de Dieu et fait preuve de disponibilité en passant à l’action selon ce qu’il y a à faire maintenant. Les Orthodoxes soulignent volontiers la synergie de Dieu et de Joseph, c’est la belle collaboration qui fait qu’il n’y a pas Dieu sans Joseph, ni Joseph sans Dieu. Joseph agit selon la grâce que Dieu lui donne.

 

Il y a un risque social dans cette fidélité, car Joseph assume deux réalités profondes : il prend Marie pour son épouse, sans être sûr que cela soit compris et il donne à Jésus son nom, rôle du père, sans l’être humainement. Ce n’est pas évident pour tout le monde que cet Enfant soit le fruit de l’Esprit Saint. D’une certaine manière il protège Marie en prenant sur lui tous les risques de cette situation. C’est l’Esprit Saint qui a donné à Marie de concevoir Jésus qui donne la force à Joseph d’agir sans crainte et de prendre Marie chez lui. Ainsi, Joseph protège aussi l’Enfant et l’adopte.

 

Il prit chez lui son épouse et il ne la connut pas

 

Il prit son épouse chez lui. La pudeur de la tradition juive exprime la continence par : Il ne la connut pas, c’est-à-dire n’eut pas de relations sexuelles avec elle. Cet aspect est souligné par Matthieu : la continence de Joseph du moins jusqu’avant la naissance. Cela impressionne, mais tout doit se comprendre dans un sens plus large et profond : celui de la chasteté attribuée à Joseph que tant de prière reprennent pour Joseph, chaste époux de Marie.

 

Qu’est-ce donc que cette chasteté ? C’est cette manière de respecter le conjoint au plus haut point et cela va bien plus loin que la continence, et c’est une vertu à cultiver aussi bien par les célibataires que par les couples mariés. C’est la qualité de relation qui respecte l’autre vraiment comme personne, et qui jamais ne la réduit à un moyen mis à notre disposition.

Malheureusement l’actualité de l’Eglise nous donne à entrevoir où nous mène le manque de chasteté, quand celle-ci est complètement oubliée et qu’on en prend le contre-pied. Le contraire de la chasteté se manifeste dans des relations fusionnelles, par différentes formes d’emprise physique ou psychologique, de manipulation, d’instrumentalisation, de réduction de l’autre, en particulier de la femme, à un objet de jouissance. Notre actualité nous montre combien partout il y a à redécouvrir cette vertu de chasteté. Elle est une des plus belles que l’on puisse pratiquer, et, il faut le reconnaître humblement, sûrement, l’une des plus difficiles.

 

En tout cas, Joseph fait ici preuve d’une parfaite chasteté qui impressionne. Cette chasteté se traduit notamment par le fait qu’il se met au service de son épouse, au service de sa vocation. Elle a reçu vocation à porter l’Enfant-Dieu, et pour elle c’est la manière de répondre à sa vocation à la sainteté. Joseph, au risque d’être socialement discrédité, fait le choix de protéger Marie, sa vocation à la sainteté et son rôle de femme dans l’histoire du salut.

 

On peut constater au fil des siècles la tendance de présenter la femme comme étant au service de son mari. Ce n’est pas faux, mais une juste réciprocité s’impose et Joseph nous en montre le chemin. Mais quelle abnégation pour Joseph. Car c’est trop clair que pour nous les hommes nous sentons bien à quel point nous nous réalisons dans notre travail professionnel. Beaucoup de femmes aujourd’hui se réalisent également dans leur travail professionnel. Il y a lieu de constater qu’un homme qui est durablement au chômage ou en difficulté professionnelle est souvent plus affecté dans sa virilité qu’une femme dans sa féminité, quand elle est confrontée à des difficultés financières ou professionnelles.

 

Il y a quelque chose dans l’exercice de notre profession qui est un lieu de fécondité et de réalisation de nous-mêmes. On peut comprendre que, pour nous les hommes, nous ayons tendance à mettre cela au premier plan. Ceci étant, quand on est marié la priorité absolue c’est Dieu, et la priorité première c’est le conjoint, l’épouse. C’est un lieu de renoncement, un lieu crucifiant pour nous les hommes, qu’il convient de reconnaître et que les femmes reconnaissent. Il nous faut accepter de le vivre. J’admire, ici, Joseph risquant professionnellement un discrédit social.

 

Il y a une manière de se mettre mutuellement au service les uns des autres. Puisqu’il s’agit de saint Joseph, je remarque sa manière de se mettre au service de son épouse, de sa vocation à la sainteté et de son rôle de femme dans l’histoire du salut. C’est une forme de maturité dans la virilité de Joseph qui porte au respect.

 

Une juste réciprocité s’impose. Joseph nous y encourage. Et on peut entendre la recommandation de la lettre aux Ephésiens 5, 2 et 21 : Oui, cherchez à imiter Dieu, puisque vous êtes ses enfants bien-aimés. Vivez dans l’amour, comme le Christ nous a aimés et s’est livré lui-même pour nous (v.2). Par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres (v.21).

 

Conclusion

Saint Joseph apparaît comme le gardien de la Loi, bien plus comme le promoteur de l’amour respectueux qui se construit et protecteur de l’amour manifestant promptement miséricorde et pardon. Il est homme proactif qui prend sa vie en main pour agir de manière constructive et s’en sortir, dans les pires circonstances, par le haut. Quand Dieu intervient, il soumet ses projets pour faire sa volonté, en prenant le temps d’écouter sa parole, dans la prière pour discerner. Il fait ainsi la volonté de Dieu et l’accomplit dans la force de l’Esprit Saint.

Auprès de son épouse, homme chaste, infiniment respectueux, garant de sa vocation à la sainteté et soutien de sa participation à l’histoire du salut. Saint Joseph est un homme d’autorité au sens étymologique du terme, c’est-à-dire qui veille à ce que grandisse et s’épanouisse sa jeune épouse, son fils adoptif, le Fils de Dieu fait chair, et donc aussi l’Eglise, d’où le titre qu’on lui a donné de saint patron de l’Eglise toute entière.

Croissance du Christ et bientôt de l’Eglise déjà évoquée dans Luc 2, 51 : Jésus descendit avec eux à Nazareth ; il leur était soumis ; et sa mère gardait tous ces événements dans son cœur. Jésus progressait en sagesse et en taille, et en faveur auprès de Dieu et auprès des hommes. Dans les Actes, Luc aura le même refrain pour l’Eglise qui grandissait, jour après jour, semaine après semaine, année après année.

Joseph est un modèle pour les hommes d’aujourd’hui, et assurément pas seulement pour les hommes !

P. Stéphan Janssens, Curé Archiprêtre des

Paroisses de Beauvais-Centre-Nord et Sud

 

 

N.D.R.L. Un enregistrement audio de cette causerie existe sur le site de l’Archiconfrérie : http://saintjoseph-beauvais-2. Jimdosite.com



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Les évêques glissent des remarques

 

Il y a des attentes évidentes d’ordre spirituel chez certains jeunes et plus qu’on ne pense. Alors les grands rassemblements et les temps forts sont de première importance tant pour découvrir la foi que pour faire expérience de l’Eglise. Ensuite, l’enracinement dans le quotidien est un vrai défi. Les moments-clés où l’on passe à l’église doivent être particulièrement attentifs et ouverts aux jeunes.

 

De même l’école, souvent avec sa grande diversité convictionnelle est un lieu à accompagner pour que la question de Dieu puisse y être posée, sans tabous. Là, l’expérience belge peut aider à des attitudes très concrètes au cœur du système pédagogique qui, en France, est celui des institutions scolaires catholiques.

 

Le mot de vocation est assez ambigu : que recouvre-t-il ? Elle ne peut être réduite à la prêtrise, à la vie religieuse ou à la vie consacrée. Les jeunes sont d’abord appelés à la vie. Cela dit, l’éveil vocationnel doit être porté au sein des pastorales de jeunes. Là, les évêques regrettent que des questions pourtant importantes, ont été oubliées, comme les questions affectives, relationnelles, sexuelles, tant dans la vie que dans l’enseignement de l’Eglise. Il y a aussi l’engagement au service du bien commun.

 

Deux autres sensibilités à fleur de peau des jeunes soulignées dans une rencontre de 2018, à Rome, retiennent l’attention :

  • La jeunesse est « configurée non seulement comme une phase de transition entre l’adolescence et la responsabilité de l’âge adulte, mais aussi comme le moment d’un saut qualitatif du point de vue de l’implication personnelle dans les relations, les engagements et la capacité d’intériorité ». Une phrase qui sonne comme une réponse à ces jeunes qui, en préparant le Synode, confiaient leur lassitude de s’entendre dire qu’ils sont l’avenir, sans discours sur leur rôle pour le présent.

  • Dans le rapport des jeunes à la famille, celle-ci est présenté comme une référence privilégiée dans le processus de développement intégral de la personne. Quant au travail et à ses incertitudes, plus de 80 % des répondants au questionnaire en ligne considèrent que la stabilité professionnelle est « essentielle » pour fonder une famille. Il y a aussi l’évocation d’autres centres d’intérêts : la musique, le sport et la vie affective. Le sigle LGBT (lesbien, gay, bi et trans) est d’ailleurs cité pour la première fois dans un document du Vatican.

 

 

 

 

 

 

En conclusion, les évêques remercient les jeunes pour leur participation et leur franchise et disent prier pour que le Synode des Jeunes d’octobre 2018 soit fructueux pour la pastorale des jeunes dans le monde entier.

Albert Perrier, Spiritain1

 

 

 

 

Photos

 

Sculpture africaine de la Sainte Famille chez les Sœurs de KERMARIA. Références : FR010CFRDJ0070jpg Poids 2,26 mégas – Copyright : CFRDJ – Tranvouez

 

Vie à Nazareth – Chapelle des Religieuses Augustines - PLOUMADOUR. Références : FR010CFRDJ0093jpg - Poids : 2,73 mégas – Copyright : CFRDJ - Tranvouez

 

 

 

 

 

1 D’après un article paru dans l’hebdomadaire Dimanche de l’information catholique en Belgique - n° 44, du 10 décembre 2017. Cette fiche de travail a fait aussi l’objet d’un article dans Le MESSAGER n°348 de l’Archiconfrérie de Beauvais d’0ctobre 2018.

ICHE SP11 - PAS D’EMBARGO SUR LA VIE ET LA FAMILLE !



Le débat bioéthique français sur la vie et la famille aura lieu à l’automne 2018. Il a été préparé par une consultation, achevée fin avril. Ce ne sera pas un referendum, alors que peut-être le choix démocratique à ce sujet aurait eu son importance. Notre proposition est de vous aider, abonnés et lecteurs, à apprécier toutes ces questions sur la vie comme étroitement liées aux personnes de nos familles : enfants à naître comme personnes âgées dans leur fragilité et leur dignité. Notre évêque, Mgr Jacques BENOIT-GONNIN, approuve ce texte.



Non à la PMA élargie !

Avec l’usage des avancées de la biologie, on peut arriver à certaines dérives. En 2017, le candidat Macron a inséré dans son programme électoral l’élargissement de la Procréation Médicalement Assistée (PMA) aux femmes seules ou homosexuelles.

En ce printemps 2018, le Président de la République annonce pour l’automne une révision de la loi de bioéthique sur ce sujet. Il lance un débat bioéthique national avec comme maître d’œuvre le Comité Consultatif National d’Ethique, dont les membres sont nommés par le Gouvernement. Ce Comité a déjà pris position pour l’élargissement de la PMA. Alors, il y a beaucoup à penser que la loi légalise la PMA pour les femmes seules ou homosexuelles.

 

Une femme très avertie de cette loi bioéthique et par ailleurs, mère et grand-mère, se pose la question fondamentale Cette loi en son élargissement est-elle réellement éthique ? Elle prend justement comme exemple de sa réflexion, cet aspect précis de la procréation médicalement assistée sans père connu et reconnu. Pour penser juste en ce domaine, il est important d’être conscient et d’affirmer : l’enfant a le droit d’avoir un papa connu et reconnu.

Enjeu éthique très clair

Quand il est porté par un projet de couple humain où deux personnes de sexe différent se concertent pour appeler et attendre la vie et l’accueillir, le recours à l’aide médicale peut être important, même s’il pose quelques questions éthiques de fond. Ce qui en fait la valeur éthique, c’est le cadre de l’appel à la vie dont les parents, homme et femme, sont porteurs, afin de faciliter la rencontre nécessaire des éléments que chacun apporte pour l’éclosion de ce don de la Vie. Ils accueillent ensuite une personne déjà immédiatement porteuse de droits imprescriptibles : pour cet enfant, droit de naître pour lui-même, et ensuite de recevoir tout ce qui lui permet de s’épanouir. Jamais, il ne leur viendra l’idée de fabriquer l’enfant.

Pour les autres destinataires, femme seule ou femmes en couple, à qui on veut offrir cette assistance dite élargie, on gomme justement ce qui est au cœur de ce mystère de la vie humainement accueillie et transmise : la procréation. Le subterfuge, c’est d’aller puiser un matériau vivant humain, extérieur et anonyme, pour fabriquer ou faire un enfant, parce qu’une ou deux femmes éprouvent un désir irrépressible fort d’enfant. On voit bien que ce qui est premier, c’est le droit à l’enfant et non le droit de l’enfant dont la vie est portée par une paternité et maternité complémentaires dont tout son être est en attente de connaissance et de reconnaissance.


Une anecdote qui en dit long !

Un jour, j’étais au restaurant avec une jeune personne amie. Entrent à leur tour, deux adultes et deux enfants. Ils s’installent. Tout d’un coup, un des enfants entend un perroquet qui fait d’ailleurs l’attraction du public, et surtout des enfants. On entend alors l’enfant crier : Papa, viens avec moi voir le perroquet. Un des adultes se lève et accompagne les deux enfants. La jeune femme amie me dit : Tu vois ! le Papa c’est une femme, car ces deux adultes sont des femmes.

Action possible

Des personnes et des groupes de réflexion ont fait connaître le point de vue humaniste et chrétien de l’Eglise. Ce serait pour le Messager une bonne récompense de savoir que des groupes et de réflexion partagent les réflexions de cet article.

Notre participation peut aussi prendre la forme d’une démarche plus spirituelle, celle de la prière, pour que des réflexions et des orientations soient ainsi bien menées et partagées auprès des membres du Comité National d’Ethique.



Non, à l’eugénisme !

L’eugénisme est aussi un sujet de débats au cœur des questions de bioéthique. Là, on veut garantir à l’enfant toutes les chances de réussite sociale en s’assurant qu’il aura les meilleures références de performance, d’efficacité et de sécurité dès sa naissance et pour toute sa vie.

Grâce aux nouvelles techniques on se dit que l’on peut préparer une sélection pour avoir un enfant parfait, sans aucun handicap, aucune maladie. On agit sur son patrimoine génétique corrigeant toutes les anomalies qui peuvent être là liées à ses parents, et même on cherche à agir positivement sur des éléments reconnus liés à telle ou telle chance de développement corporel ou cérébral.



Non à l’euthanasie !

On propose de nouvelles dispositions concernant l’euthanasie. Mais elles font craindre les risques d’accroître la vulnérabilité des personnes malades en suivant des évolutions législatives permanentes. Celles-ci pourront être utilisées à temps et à contre-temps, et pour quel respect des personnes fragilisées ? Nous pouvons là encore craindre l’utilisation d’une sorte d’arsenal à disposition pour faire n’importe quoi avec le corps du malade ou de la personne en fin de vie.

 

Cependant, l’autre démarche déjà bien ancrée dans la pratique est celle du développement des soins palliatifs. Il est tout à fait possible de soulager et d’accompagner les personnes dans leurs derniers moments de vie, avec des valeurs professionnelles des soins bien reconnues ? Le journal La Croix s’en fait l’écho comme porteuses de valeurs d’humanité, d’attention et de sollicitude envers les personnes qui souffrent et ceux qui les entourent, de respect du déroulement de la vie en préservant sa qualité jusqu’à la fin… Ces valeurs du soin et du non-abandon fondent le mouvement des soins palliatifs qui considère la mort comme un processus naturel et non comme le résultat d’un geste volontaire (La Croix 05/03/2018).

Le principe d’indisponibilité du corps

Depuis 1994, c’est l’un des principes fondamentaux des lois de bioéthique en France. Il est utile de l’évoquer pour toutes ces réalités dites de recherches et de nouvelles techniques qui touchent la procréation, les recherches sur les embryons et leur utilisation. L’indisponibilité du corps de toute personne humaine, c’est le fait que je ne peux pas faire n’importe quoi avec mon corps ou avec le corps d’autrui. Cela est un droit imprescriptible de toute personne et garantit le respect de sa dignité.

La parole des évêques de France

A Lourdes, ils ont rappelé deux valeurs au cœur de ces débats de bioéthique. La première est le respect de la dignité de tout être humain, qui ne dépend ni de la fragilité de sa vie commençante, ni de la faiblesse de son existante finissante. La seconde est celle de la solidarité qui unit les hommes entre eux, et notamment au plus près dans les relations familiales, car de fait nous sommes des êtres humains confiés les uns aux autres du tout début jusqu’à la fin naturelle de notre existence terrestre (La Croix du 21 mars 2018).

Conclusion

Ce petit article touche à des aspects importants confiés à notre réflexion et à l’une ou l’autre démarche possible, comme d’en échanger en famille ou avec des amis.

Nous sommes invités à faire très clairement nôtre cette remarque de l’Archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit : Le premier des Français nous a encouragés à être nous-mêmes et à profiter de notre liberté, quitte à nous trouver en décalage avec une société à laquelle il convient de poser des questions ? A nous aussi de jouer, en manifestant notre liberté de conscience et de parole !

P. Albert Perrier, Spiritain

Contacts

  • Pour le site du Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) : https://étatsgenerauxdelabioethique.fr en vue de suivre les réflexions.

  • Pour le texte de Mme Marie-Thérèse HERMANGE – Fraternité Notre-Dame de la Résurrection- 68 rue des Plantes – 75014- Paris (Tél : 01 43 29 67 21 – Mail : ndr.veuves@wanadoo.fr avec mention : demande de le recevoir en lien avec le Messager 347 de juillet 2018.

  • Cet article paraît dans le bulletin de l’Archiconfrérie Saint-Joseph de Beauvais, Le Messager de Saint-Joseph, p. 7-10. Contact : Secrétariat : 56 rue de la Madeleine – 60000 BEAUVAIS. Tél : (00 33) (0)3 44 84 51 57



  • Photos :

Nazareth et la Sainte Famille – Peinture sur bois du Mexique, d’un ensemble portant attention aux joies et douleurs de saint Joseph et de Marie – au cours du Symposium de 2013 à CIUDAD GUZMANN (Mexique) – Références : MEX0013CFRDJ0002 – Poids : 1 méga. Copyright : CFRDJ – A. Perrier

Jérusalem- Présentation au Temple - Peinture sur bois du Mexique – d’un ensemble portant attention aux joies et douleurs de saint Joseph et de Marie – au cours du Symposium de 2013 à CIUDAD GUZMANN (Mexique) – Références : MEX0013CFRDJ0001 – Poids : 1 méga. Copyright : CFRDJ – A. Perrier







 



Merveilles d’une vie de famille

 

Nazareth, là encore, est cité comme le village dont on part et où l’on revient selon les péripéties d’une vie de famille soumise aux aléas de l’histoire. Pour un recensement, on se met en route vers Bethléem, lieu des ancêtres selon David. L’Enfant y naît et ainsi s’insère à son tour dans la lignée comme Fils de David par la filiation légale que lui donne Joseph. Le nom de Jésus est inscrit dans les registres avec celui de Joseph et de Marie. Le Peuple de Dieu attendant le Messie est convié à la rencontre de la Sainte Famille : les bergers, ces pauvres de Yahvé, honorent l’invitation et chantent les louanges de Dieu (Luc 2, 20).

 

Lorsque que des pèlerins chercheurs de Dieu se présentent à Jérusalem, on relit les prophéties concernant Bethléem. Eux aussi éprouvent une très grande joie de se trouver auprès de l’Enfant et Marie, sa mère (Mt 2, 10). Mais il en va autrement d’Hérode, ce qui provoque l’exil en Egypte, et le retour volontairement et prudemment choisi à Nazareth. Joseph en décide après lumière reçue de Dieu.

 

Les allers-retours de Nazareth à Jérusalem sont ensuite notés pour la présentation de Jésus au Temple, pour des pèlerinages annuels à l’occasion de la fête de la Pâque (v.41) et pour son premier pèlerinage de juif-adulte dans sa foi (v.42). Il y a là, en deux moments particuliers, la conscience vive de Marie et Joseph, nommés très clairement comme parents (Lc 2, 27, 33, 48). On dit d’eux : ils sont émerveillés de ce qu’on disait de Jésus (v.33).

 

Merveilles d’un cheminement auprès de Jésus

 

Pour tous les retours de la Sainte Famille à Nazareth, il y a une remarque utile à la compréhension du mystère de Jésus. J’y vois une appréciation profonde de Nazareth comme lieu de vocation familiale d’humanité pour Jésus (thème de l’intervention au Symposium).

 

Quand Joseph décide de s’établir à Nazareth, au retour d’Egypte, Matthieu souligne : C’est pour que s’accomplisse ce qui avait été dit par les prophètes : Il sera appelé Nazôréen ou celui de Nazareth (Mt 2, 23). C’est lui qui note encore que les foules disent de lui : C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée.

 

Pour rendre compte d’une réalité toute familiale de croissance de l’Enfant, Luc dit : ils retournèrent dans leur ville de Nazareth (2, 39) et Jésus descendit avec eux à Nazareth et il leur était soumis (2, 51). Et il ajoute : Quant à l’Enfant, il grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la faveur de Dieu était sur lui (v.40 et 52). Jésus est aussi le fils du charpentier, du métier de son père.

 

Pour approcher le cheminement de Marie et Joseph qui entrent peu à peu dans le mystère de leur Enfant, Luc note à la fois l’émerveillement, une réflexion ouverte, même au cœur d’une certaine incompréhension momentanée (Lc 2, 10, 33, 50). Ils cheminent dans l’accueil de son mystère, comme pour tout enfant reçu de Dieu et confié à une patiente éducation, et bien longtemps : trente ans.

 

De ces trente années, on dit que c’est le temps de la vie de Nazareth. On peut y voir le temps de la maturité en humanité pour Jésus. Ce n’est pas forcer le trait, mais rendre compte d’un cheminement qu’Il a reconnu utile, précieux et merveilleux en son Incarnation, présence aux hommes à la manière très humaine d’une famille, et hautement Sainte Famille pour le mystère qu’elle a assumé.

 

Conclusion

 

Le reste du titre de l’intervention : vocation familiale d’humanité pour Jésus et pour nous. Il m’a été donné de fréquenter cette Sainte Famille, de la présenter du point de vue de Joseph dans le livre Joseph le respectueux. J’en témoigne : la trouver auprès de toute famille comme bonne fréquentation, c’est merveilleux !

 

Cela se fait à partir des Écritures et des réflexions récentes des Papes qui ont visité la Palestine, notamment Bethléem et Nazareth. Ils ont reçu, disent-ils, une leçon de cette vie familiale à Nazareth : silence, travail, éducation, vie de foi et de charité. Vous en avez habituellement des échos dans le Messager. Il est merveilleux d’y porter attention et d’en témoigner.

 

Père Albert Perrier, spiritain

Président du CFRDJ

 

Photos

Crèche et Sainte Famille en paille de riz par Marie-Claire BATT. FR12CFRDJ0003. Copyright : CFRDJ – Marie-Claire BATT.

 

 

Vitrail central de l’abside : Nazareth – 22 avril 1897- Eglise Saint-Christophe de CHAMPLITTE. FR FR12CFRDJ0017 -Copyright : CFRDJ –Tranvouez

Note

 

Ce texte paraît en partie dans le MESSAGER, Bulletin de l’Archiconfrérie Saint-Joseph de Beauvais, en septembre 2017 – pages 7-9. Contact : Secrétariat - 56 rue de la Madeleine -60000 BEAUVAIS. Téléphone : 03 44 84 51 57-E-mail : contact@saintjoseph-beauvais.org

PROJET GLOBAL

Pour le 12ème Symposium international de septembre 2017, je présente une réflexion sur : Nazareth, lieu familial d’humanité pour Jésus et pour nous. C’est ainsi que Nazareth et la vie de la Sainte Famille à Nazareth ont été reconnus, contemplés, proposés à l’imitation. Je retiendrai les visiteurs ou hôtes de Nazareth qui ont eu à cœur cette dévotion. Nous en tirerons des pistes d’enseignement et d’attitudes pratiques pour la vie de famille éducatrice de toutes les personnes qui y vivent des expériences d’humanité et commencent à les épanouir. Dans la mémoire profonde, on se souvient de ces chances des commencements, et on en est reconnaissant.



PROJET DE CETTE PREMIERE FICHE

Nous restons très proches des récits de l’Enfance en Mathieu et Luc. Ce dernier communie à l’émerveillement de Marie dont il sait souligner qu’il habite le cœur de Marie. Dans son cantique d’action de grâces, Marie parle des grandes choses que Dieu a faites pour elle (Luc 1, 49). Je les appelle les Merveilles de Nazareth.

Cette fiche rassemble les éléments fondamentaux des expériences personnelles et familiales de la vie à Nazareth. C’est un parti-pris de mémoire contemplative selon les Ecritures, dont on est heureux de recevoir grâce d’accueil et encouragement dans des moments de vies de couples et de familles.

 

 

CONTEMPLATION

 

 

« Merveille de beauté »

 

C’est le titre d’un chant du P. Lucien DEISS pour rendre hommage à Marie. Il souligne en quelques strophes les dons qui lui sont faits : son Immaculée-Conception la préparant pleinement à l’accueil de Jésus, son Oui lorsqu’elle est invitée par l’Ange Gabriel à le dire ; ce don unique d’être la Mère de Dieu par l’œuvre de l’Esprit Saint en elle et sa conception virginale. La beauté spirituelle est celle de la sainteté dont Dieu-Père l’a ainsi comblée pour nous donner pour son Fils Jésus.

 

Merveilles des fiançailles de Marie et Joseph

 

Nazareth est nommé quand Matthieu et Luc présentent les deux fiancés, Marie et Joseph. Leurs maisons familiales respectives sont assez proches l’une de l’autre, comme on le sait aujourd’hui, avec la Basilique de l’Annonciation pour Marie, et la Maison du Juste pour Joseph selon les fouilles récentes qui l’ont mise à jour. Fort heureusement, l’Association Marie de Nazareth a créé un Centre où l’on propose aux pèlerins de Terre Sainte de s’ouvrir à la compréhension profonde de ces opportunités.

 

Les deux Annonciations du mystère de Jésus, l’une faite à Marie selon Luc et l’autre à Joseph selon Matthieu, les ouvrent à leur réalité de couple dont Dieu n’a pas voulu qu’ils l’oublient, même si l’un et l’autre ont à s’entraider à le vivre autrement que prévu. Ainsi ils s’accueillent comme merveilleusement accordés au mystère de Jésus lorsque Joseph prend Marie, comme épouse et la Mère de l’Enfant-Dieu.

 

Là encore la beauté spirituelle est celle dont Dieu-Père les gratifie pour qu’ils soient auprès de son Fils Jésus, une Sainte Famille.

 

 

Merveilles d’une vie de famille

 

Nazareth, là encore, est cité comme le village dont on part et où l’on revient selon les péripéties d’une vie de famille soumise aux aléas de l’histoire. Pour un recensement, on se met en route vers Bethléem, lieu des ancêtres selon David. L’Enfant y naît et ainsi s’insère à son tour dans la lignée comme Fils de David par la filiation légale que lui donne Joseph. Le nom de Jésus est inscrit dans les registres avec celui de Joseph et de Marie. Le Peuple de Dieu attendant le Messie est convié à la rencontre de la Sainte Famille : les bergers, ces pauvres de Yahvé, honorent l’invitation et chantent les louanges de Dieu (Luc 2, 20).

 

Lorsque que des pèlerins chercheurs de Dieu se présentent à Jérusalem, on relit les prophéties concernant Bethléem. Eux aussi éprouvent une très grande joie de se trouver auprès de l’Enfant et Marie, sa mère (Mt 2, 10). Mais il en va autrement d’Hérode, ce qui provoque l’exil en Egypte, et le retour volontairement et prudemment choisi à Nazareth. Joseph en décide après lumière reçue de Dieu.

 

Les allers-retours de Nazareth à Jérusalem sont ensuite notés pour la présentation de Jésus au Temple, pour des pèlerinages annuels à l’occasion de la fête de la Pâque (v.41) et pour son premier pèlerinage de juif-adulte dans sa foi (v.42). Il y a là, en deux moments particuliers, la conscience vive de Marie et Joseph, nommés très clairement comme parents (Lc 2, 27, 33, 48). On dit d’eux : ils sont émerveillés de ce qu’on disait de Jésus (v.33).

 

Merveilles d’un cheminement auprès de Jésus

 

Pour tous les retours de la Sainte Famille à Nazareth, il y a une remarque utile à la compréhension du mystère de Jésus. J’y vois une appréciation profonde de Nazareth comme lieu de vocation familiale d’humanité pour Jésus (thème de l’intervention au Symposium).

 

Quand Joseph décide de s’établir à Nazareth, au retour d’Egypte, Matthieu souligne : C’est pour que s’accomplisse ce qui avait été dit par les prophètes : Il sera appelé Nazôréen ou celui de Nazareth (Mt 2, 23). C’est lui qui note encore que les foules disent de lui : C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée.

 

Pour rendre compte d’une réalité toute familiale de croissance de l’Enfant, Luc dit : ils retournèrent dans leur ville de Nazareth (2, 39) et Jésus descendit avec eux à Nazareth et il leur était soumis (2, 51). Et il ajoute : Quant à l’Enfant, il grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la faveur de Dieu était sur lui (v.40 et 52). Jésus est aussi le fils du charpentier, du métier de son père.

 

Pour approcher le cheminement de Marie et Joseph qui entrent peu à peu dans le mystère de leur Enfant, Luc note à la fois l’émerveillement, une réflexion ouverte, même au cœur d’une certaine incompréhension momentanée (Lc 2, 10, 33, 50). Ils cheminent dans l’accueil de son mystère, comme pour tout enfant reçu de Dieu et confié à une patiente éducation, et bien longtemps : trente ans.

 

De ces trente années, on dit que c’est le temps de la vie de Nazareth. On peut y voir le temps de la maturité en humanité pour Jésus. Ce n’est pas forcer le trait, mais rendre compte d’un cheminement qu’Il a reconnu utile, précieux et merveilleux en son Incarnation, présence aux hommes à la manière très humaine d’une famille, et hautement Sainte Famille pour le mystère qu’elle a assumé.

 

Conclusion

 

Le reste du titre de l’intervention : vocation familiale d’humanité pour Jésus et pour nous. Il m’a été donné de fréquenter cette Sainte Famille, de la présenter du point de vue de Joseph dans le livre Joseph le respectueux. J’en témoigne : la trouver auprès de toute famille comme bonne fréquentation, c’est merveilleux !

 

Cela se fait à partir des Écritures et des réflexions récentes des Papes qui ont visité la Palestine, notamment Bethléem et Nazareth. Ils ont reçu, disent-ils, une leçon de cette vie familiale à Nazareth : silence, travail, éducation, vie de foi et de charité. Vous en avez habituellement des échos dans le Messager. Il est merveilleux d’y porter attention et d’en témoigner.

 

Père Albert Perrier, spiritain

Président du CFRDJ

 

Photos

Crèche et Sainte Famille en paille de riz par Marie-Claire BATT. FR12CFRDJ0003. Copyright : CFRDJ – Marie-Claire BATT.

 

 

Vitrail central de l’abside : Nazareth – 22 avril 1897- Eglise Saint-Christophe de CHAMPLITTE. FR FR12CFRDJ0017 -Copyright : CFRDJ –Tranvouez

Note

 

Ce texte paraît en partie dans le MESSAGER, Bulletin de l’Archiconfrérie Saint-Joseph de Beauvais, en septembre 2017 – pages 7-9. Contact : Secrétariat - 56 rue de la Madeleine -60000 BEAUVAIS. Téléphone : 03 44 84 51 57-E-mail : contact@saintjoseph-beauvais.org

FICHE SP09 - L’enfant comme mystère sur lequel on veille par P. Albert Perrier



 

Introduction : L’Enfant de Bethléem

l me semble important de lire les récits de l’Enfance de Jésus sous cet aspect de l’Enfant de Bethléem. Nous apprécions le lieu de référence de notre naissance. Il est souvent familial depuis longtemps. Occasionnel aussi, soulignant que nos parents étaient déjà en situation de mobilité pour leurs engagements et leur travail.

 

Marie et Joseph, montés de Bethléem à Nazareth, reviennent pour le temps d’un recensement, à la terre des ancêtres, notamment de David. Jésus est l’enfant né à Bethléem : l’Enfant de Bethléem. Il y sera visité par les bergers et les sages venus de loin selon une double référence. Selon Luc, pour les bergers : Il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ Seigneur … Ils y allèrent ! Selon Matthieu : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le plus petit des chefs-lieux de Juda : car c’est de toi que sortira le chef qui fera paître Israël, mon peuple. Ils se mirent en route !

 

Pour cette année nouvelle 2017, je suggère que nous soyons attentifs à évoquer, lors de nos anniversaires, non seulement la date, mais le lieu de notre naissance. Nous y trouverons des indications précieuses pour nos personnes afin de nous situer et de nous pacifier, en cet accueil inédit peut-être.

 

 

  1. L’enfant comme mystère sur lequel on veille demande une approche spirituelle

 

L’approche spirituelle d’un mystère convient éminemment, lorsqu’il s’agit d’une personne à l’image et à la ressemblance de son créateur révélant en cela son amour, et donnant mission au couple humain d’y collaborer. L’enfant reste le premier et plus beau mystère qui soit donné au couple, à la famille, à la société et, pour nous, à l’Eglise. A ce premier volet, il est aussi permis et utile de parler d’autres approches de notre société sécularisée et individualiste.

 

Lorsque l’enfant paraît, un mystère est donné à accueillir

 

  • Le dialogue, après une attente silencieuse dans le couple, porte sur le premier signe que l’épouse seul peut donner : Je suis enceinte. Alors c’est : Nous avons conçu !

 

  • Les semaines et les mois vont manifester les attentions qui sont portées ensemble par les parents et qui sont de l’ordre de la reconnaissance de cette personne pour qui un ou des prénoms sont chuchotés. Il y a sûrement des rêves, des espoirs, des projets dans les cœurs et les échanges. La personnalité de celui qui va naître peut même se préciser, car il peut être homme ou femme et ainsi sera l’aîné ou l’ainée, ou deviendra frère et sœur de la fratrie. Cette attente sera alors élargie et partagée.

 

  • L’anecdote suivante en dit long sur ce mystère à accueillir. Je me trouvais au Sanctuaire Saint-Joseph d’Allex avec une jeune maman accompagnée de ses parents. Elle venait de lire dans la chapelle de la Sainte Famille que Jésus grandissait devant Dieu et ses parents, Marie et Joseph, en âge, taille et sagesse. Elle éclate en sanglots et proclame : Mon petit Didier sera comme ça ! Les parents ne s’attendaient pas à cette révélation et en furent tout autant très émus.

 

  • Les maternités connaissent les attentes de l’enfant qui va s’ouvrir à la vie tout près de Maman et dans les bras de Papa.

 

  • La reconnaissance de l’état civil fixe la date et le lieu de naissance qui identifiera l’enfant tout au long de sa vie, et donnera évidemment la filiation clairement manifestée de celui et de celle qui ont voulu, aimé et porté le mystère de leur enfant accueilli.

 

  • La démarche religieuse du baptême, démarche authentiquement chrétienne en sa source et en sa tradition, porte la reconnaissance la plus accomplie de l’enfant ramené à son mystère premier, né de l’amour de Dieu, et s’y épanouissant comme ses parents qui ont reçu leur propre mystère de la même source créatrice.

 

Les devoirs des parents, des éducateurs et de la société sont corrélatifs aux droits imprescriptibles de l’enfant

 

Après les évocations affectives autour de l’enfant, les engagements d’une maternité et d’une paternité responsables permettent aux parents d’accomplir leurs devoirs respectifs. Ils assurent ainsi sa croissance et sa santé ; puis les accents d’une première éducation familiale le situant dans des relations justes, patiemment suggérées et comprises des uns et des autres ; enfin toutes les démarches d’ouverture et de compréhension, entreprises à l’école et dans l’environnement social plus large.

 

 

On parle volontiers d’une double autorité complémentaire, c’est-à-dire des accents particuliers qui font grandir et s’épanouir l’enfant lorsque la Maman propose discrètement son autorité spirituelle et lorsque le Papa exerce son autorité de gouvernement. La première aide l’enfant à l’écoute, le silence, l’intériorité. La seconde met en place des références utiles de civisme, de travail, d’exigences personnelles ou de maitrise de soi, de paroles données et tenues, de projets d’avenir préparés et construits.

 

Le P. Yannik Bonnet écrit : Ce qui rapproche le plus Joseph d’un patronage des pères éducateurs, c’est qu’il est patron des jeunes époux, car avant d’être un bon père éducateur, il convient d’être un bon époux. L’amour mutuel des époux, le partage qu’ils font entre autorité de gouvernement et autorité spirituelle, celle qui se passe de pouvoirs, leur nécessaire complicité, si bien exprimée par Marie : Ton père et moi te cherchions tout angoissés. Tou cela favorise l’émergence d’une bonne éducation familiale. Les pages 61 à 63 du livre Joseph le respectueux sont à relire et méditer à partir des exemples de Marie et de Joseph auprès de Jésus en son humanité.

 

 

 

 

  1. Les dérives des approches sécularisées et individualistes

 

Pour bien situer ces quelques réflexions, il est bon de rappeler qu’elles se trouvent au cœur des comités d’éthiques sur ces questions des droits imprescriptibles de l’enfant. Cela veut dire qu’ils sont fondamentaux et ne souffrent pas d’aménagement, surtout lorsqu’on veut les mettre en une sorte de concurrence : droit à l’enfant, entendez pour les adultes et droits de l’enfant lui-même.

 

Pour la France, les comités éthiques réservent par exemple la PMA (Procréation médicalement assistée) aux seuls couples hétérogènes, car il s’agit bien d’entrer dans le choix de la maternité et paternité responsables, rendues possibles de cette façon. La filiation est clairement manifestée et reconnaissable. C’est bien là un droit imprescriptible de l’enfant.

 

Ainsi la PMA n’est pas autorisée pour un couple homogène féminin qui voudrait avoir accès à l’insémination d’un embryon, et ainsi de réaliser son droit à l’enfant. On peut parler même de quasi mère porteuse au sein de ce couple. C’est une dérive qui touche à la possibilité réelle pour l’enfant d’avoir accès à la connaissance et reconnaissance de sa filiation. C’est une quasi impossibilité d’avoir accès à sa propre filiation.

 

La GPA (Gestation pour autrui) fait aussi l’objet de restriction des comtés d’éthiques. Là, les dérives apparaissent cumulées, car il y a à la fois insémination d’un embryon, tout aussi inconnu, et le recours fictif à l’adoption. La vraie adoption ne gomme pas la connaissance et reconnaissance de la filiation réelle de l’enfant adopté, car la filiation réelle est manifeste dès le début de la procédure et ouvre à la possibilité de la reconnaissance, quand l’intéressé le souhaitera. Dans le cas de la GPA, c’est cette impossibilité de reconnaissance qui prive l’enfant de ce droit imprescriptible ; et toujours pour la même revendication individualiste du droit à l’enfant.

 

Il est clair que ces approches sécularisées et individualistes sont au cœur de revendications très actuelles. Elles procèdent du mythe promothéen de se construire soi-même, de se donner ses propres références, autonomes. Le projet interpersonnel fondamental de nos relations en est complètement bousculé. S’en suivent aussi dans l’éducation d’autres accents aussi individualistes et sans référence à des valeurs reconnues et transmises.

 

Il y a ainsi les antinomies clairement affichées qui opposent des convictions du sens commun à des idéologies d’actualité savamment orchestrées : identité sexuelle reconnue à théorie du genre où l’on se définit à soi-même son identité en ce domaine ; réalités stables de la famille à celles que l’on se donne justement dans ces réalités de couples homogènes où on s’installe ; valeur de la filiation personnelle reçue des liens de parenté à l’absence de filiation assumée dans le droit à l’enfant et contre ce droit fondamental d’humanité de savoir qui nous a engendré et de pouvoir en être assuré.

 

En conclusion

 

Le premier volet abordé en ces réflexions donne la mesure de l’attention, imprescriptible elle-même, portée à la vérité sur l’enfant et ses droits fondamentaux.

 

Le second volet a présenté quelques aspects des dérives auxquelles sont attentifs les comités d’éthiques, issus de la société civile, c’est-à-dire de personnes qualifiées pouvant en parler en connaissance de cause : couples et parents, médecins, psychologues, juristes, représentants de divers courants spirituels etc…

 

Ce sont des humanistes qui, sur cette question comme sur d’autres qui leur paraissent importantes, nous rappellent à notre devoir de vigilance et de témoignage. Manifestez clairement, nous disent-ils, ce qui est votre approche du mystère de tout enfant en son humanité, sa personnalité, sujet de toutes les attentions propres à cette dignité et absolument irréductible à toute instrumentalisation qui en font un objet dont on peut disposer.

 

Père Albert Perrier, Spiritain

Président du CFRDJ

 

 

SPIRITUALITE

 

FICHE 08 – Exhortation apostolique Amoris laetitia – La joie de l’amour en famille Préface de Mgr Luc VAN LOOY – évêque de Gand (Belgique)

 

 

 

Manifestement, l’exhortation apostolique du pape François veut mettre un terme à la perception d’une Eglise trop sévère quand il s’agit d’amour et de sexualité. Le langage ecclésial s’est trop souvent cantonné dans le registre romantique, sans tenir assez compte du fait que l’amour est un processus, que les jeunes sont appelés à croître vers le mariage, surtout s’ils désirent s’ouvrir au sacrement. Après la bénédiction nuptiale, un grand chemin reste donc à parcourir.

 

 

 

L’Eglise a changé

 

Ce teste est clairement pastoral. Il ne touche pas à la doctrine, son ton est tout différent. On n’a pas changé la doctrine, c’est l’Eglise qui a changé, a pu dire le cardinal Danneels à la fin du synode de 2015. Voilà pourquoi le pape fait appel aux familles, aux pasteurs et aux évêques, afin qu’ils mettent en place des services de qualité, aux niveaux diocésain et paroissial, en vue de l’accompagnement des jeunes couples dans leurs petits et grands problèmes, ou encore dans leurs désillusions.

 

 

 

La démarche de deux années, - les enquêtes auprès du peuple de Dieu et les deux synodes- ne fut donc pas sans importance. Elle a rendu possible cette description, par le pape, du mariage dans toute sa variété et la prise en compte de la diversité des situations. Elle lui a permis de parler de responsabilité des personnes mariées, des accompagnateurs, des prêtres et des évêques.

 

 

 

Le cheminement des personnes

 

Le pape invite à l’accompagnement, au discernement de l’Esprit et à l’intégration. En toute circonstance, chaque chrétien est membre de l’Eglise. Il n’est donc pas excommunié, mais demeure enfant de Dieu. L’Eglise a la charge de prendre soin de chacun. Dans un foyer, chaque enfant est vraiment un enfant, indépendamment de la situation où il se trouve. Ainsi pour Dieu, chaque être humain est son enfant. Dans un très beau chapitre, le pape François développe l’hymne à l’amour de saint Paul (1 Co 13). Il souligne comment l’amour supporte tout, croit tout, espère tout, endure tout. Ici, à partir de l’Ecriture sainte, il dessine un chemin d’intégration totale pour chacun.

 

 

 

La communion pour les divorcés

 

Nous en arrivons ainsi à la difficile question de la communion des divorcés vivant une nouvelle situation familiale. En tout premier lieu, le pape avertit que l’intention n’est pas de porter un jugement, ni de faire un commentaire, mais bien de reconnaître les personnes et de les accompagner. La communion, dit-il, dans la note 351, n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles.

 

 

 

L’homosexualité

 

Quant à la question de l’homosexualité, elle n’a pas été abordée dans ce document, puisqu’elle n’était pas à l’ordre du jour au synode. Les personnes homosexuelles doivent cependant être pleinement respectées et reconnues dans leur situation, sans pour autant que leur contrat ne soit à mettre sur un pied d’égalité avec le mariage entre un homme et une femme (cf n° 250 et 251). Le pape souhaite que la personne, peu importe la situation dans laquelle elle se trouve, soit considérée comme un membre de la communauté. En réponse à l’amour du Christ, l’Eglise est en effet appelée à comprendre et à accompagner chacun en vue d’une pleine intégration.

 

 

 

La préparation des jeunes au mariage

 

Une partie importante du texte est consacré à la préparation des jeunes au mariage. Celle-ci devrait déjà faire partie de la catéchèse. Il n’est en effet pas heureux que les jeunes réduisent l’amour à du romantisme. La réalité est tout autre. C’est pourquoi l’Eglise doit s’efforcer, sur le plan local, de donner une image complète de la signification de cet engagement si important. Trop longtemps, elle a parlé de la sexualité et des relations entre les conjoints de manière problématique. La tendresse, l’hymne à l’amour de saint Paul, la miséricorde et le nécessaire dialogue pour gérer les problèmes et les conflits permettent d’ouvrir le chemin vers une relation sainte et plénière entre les partenaires, sans que les situations de crise ne soient pour autant évitées.

 

 

 

Le pape parle également, et très intimement, de la grossesse et de l’accouchement du premier enfant. Il développe la responsabilité de la mère et du père, mais aussi le lien indispensable avec le tissu social dans lequel se situe le foyer.

 

 

 

 

Des mots de tendresse

 

Qu’il est bon de voir le pape s’adresser directement aux gens : Chers parents, chers fiancés ; Maman Papa.  Il rencontre toute situation et essaie de rejoindre chaque personne. Il parle de manière directe et très concrète : Chers fiancés, ayez le courage d’être différents, ne vous laissez pas dévorer par la société de consommation et de l’apparence (n° 212). Je supplie les parents séparés : Il ne faut jamais, jamais, jamais prendre un enfant comme un otage ! (n° 245).

 

 

 

Approche pastorale

 

Nous pouvons dire que nous sommes devant une approche pastorale. Cette exhortation encourage la croissance en vue d’une intégration concrète dans la communauté, grâce à l’accompagnement des laïcs et des prêtres. Ce texte est ouvert à des situations diverses et aux circonstances atténuantes ; il veut considérer le bien dans la diversité, le nommer et le reconnaître. Les mots d’ordre sont : accompagner en vue de l’intégration, exclure toute exclusion.

 

 

 

Conclusion

 

Nous ne pouvons que remercier le pape François pour ce changement de paradygme, qui ouvre la porte à l’avenir. Ce chemin n’est cependant pas fini. Cette exhortation me semble être un nouveau commencement pour une Eglise qui se fait accueillante à chacun.

 

+ Luc VAN LOOY

 

Évêque de GAND

 

 

 

 

 

 

 

FICHE SP 06 – La vocation de mère de famille – Albert Perrier1


C’est le deuxième volet inspiré de la catéchèse du Pape François, le 15 avril 2015, sur la famille. Nous avons noté que le sens d’une telle vocation unique se trouve dans l’Alliance : celle dans laquelle Dieu a confié la terre à l’alliance de l’homme et de la femme. Il n’y a pas de fondement plus merveilleux, et nous sommes invités à nous en convaincre et à en témoigner.


Aspects de la vocation de mère de famille

Voici des textes de lecture que j’ai particulièrement appréciés. Je les introduis avec certains sous-titres évoqués par leurs auteurs et en donnant les références des noms de ces auteurs en notes.


Dès que la femme paraît : soutien, secours de concert, épouse 2

Sans entrer dans les détails, retenons de Genèse1, 18-24 un seul mot, le mot hébreuezer, un terme traduit malencontreusement par aide, mais que l’on retrouve dans les noms propres : Eliezer ou son abrégé Lazare, ce qui signifie Dieu est mon soutien, mon secours.


Dès que la femme paraît, voici qu’une flamme brille dans les yeux de l’homme ; son être vibre, il est disposé à toute entreprise ; son existence entière est transformée. Il vit ! C’est ainsi qu’est décrit le rôle de la femme auprès de l’homme. C’est elle qui le fait vivre au fond de lui-même. C’est elle qui le sort de sa langueur. C’est elle qui l’anime. Voici exposée en quelques mots sous une image colorée, la vocation de la femme selon la Bible. Elle donne vie à l’homme.


Vision sublime de la Bible : qu’il s’agisse de la famille, qu’il s’agisse de la profession, qu’il s’agisse de la cité, la femme est déclarée l’âme de l’humanité, comme si elle constituait sa force spirituelle. Quelle réflexion extraordinaire peut jaillir de ces principes sur le féminin dans la société ?


La maternité devient première dans la Nouvelle Alliance3

Dans cette lumière, le rôle – ou disons-le : la « mission » – de parents prend une dimension qui dépasse de loin la nécessaire survie ainsi que la perpétuation de l’espèce humaine. Ce qu’il s’agit d’abord de préserver et de mener à sa plénitude, c’est le don de chaque vie humaine, et cette plénitude ne peut qu’être en rapport avec Celui qui a fait ce don de la « vie spirituelle ».

Dans cette perspective, la maternité acquiert une dignité nouvelle Elle devient l’enfantement pour une vie éternelle d’enfants qui ont chacun une valeur unique. Qui mieux que la femme elle-même peut percevoir ce mystère de la vie, d’une vie orientée vers une finalité éternelle ? La femme chrétienne est appelée à être celle qui perçoit cette vie de l’intérieur d’abord parce qu’elle en vit elle-même.


Paul Evdokimov a magnifiquement mis en lumière la place que la femme occupe désormais dans le « plan » de Dieu tel qu’il se déroule dans l’histoire : autant la paternité reçoit la première place dans l’ancienne Alliance, autant la maternité devient première dans la Nouvelle Alliance. Certes, ce retournement se préparait : il fallait la paternité des « saints » de l’histoire hébraïque pour que le sens du mystère émerge. Il se concentre précisément en Jésus.


La femme chrétienne, qui est appelée à porter la vie et à en partager la croissance, devient celle qui en fait toucher le sens, en particulier aux hommes qui ont toujours plus de mal à le percevoir. Et cela même si elle-même n’a pas pu avoir d’enfant ou s’est consacrée à la Source de cette vie pour La servir. On est loin désormais des jeux de pouvoir et de séduction : si la femme est attirante, c’est d’abord en ce qu’elle attire vers ce dont elle témoigne et qui est plus grand qu’elle. En Marie, la féminité se réconcilie totalement avec la maternité.





L’éducatrice de l’amour4

L'homme constate qu'il a bien au coeur le désir d'aimer, conféré par le Créateur, mais qu'il n'a pas de semblable à aimer. Comme dit Jean Paul II, il éprouve une solitude pleine de tristesse. Et c'est de l'intérieur de son propre corps, durant un mystérieux sommeil, que Dieu tire cette merveilleuse épouse, Eve, qui va lui apprendre ce qu'est l'amour conjugal voulu par le Créateur. Tirée de l'intérieur de son époux, Eve et ses descendantes auront cette capacité de voir les personnes au for interne, et son origine en fait l'égale en dignité de son époux.


Elle n'est pas chargée de l'autorité de gouvernement, mais, comme l'exprima merveilleusement Jean Paul II, elle est, et toutes les autres femmes à sa suite, au cœur de l’autorité spirituelle. Au fond, cette autorité est celle de l'amour et qui pourrait nier que la mère, quand elle n'est pas dévoyée par les perverses théories actuelles, tire toute sa force du don total de soi. C'est le paganisme ancien et moderne, qui a favorisé le " machisme ", et la réaction féministe était inéluctable et légitime. Quel dommage qu'elle se soit fourvoyée dans un mimétisme haineux !



1 Ce texte est publié dans le MESSAGER de Saint-Joseph de Beauvais –n° 336 – p. 7-10 – Contact : 56 rue de la Madeleine 60000 BEAUVAIS.

2 Tirer du livre de Le mariage de Marie et de Joseph.

3 Ce texte est du P. Edouard-Marie Gallez en sa causerie du Sympopsium. Il cite lui-même Paul Evdokimow,La femme et le salut du monde, Paris, DDB,1991 (Préface d’Olivier Clément).

4 Extrait de la causerie du P. Yannik Bonnet au Symposium de mars 2015 – dans le Livre des actes du Symposium. 

Ecueils actuels sur le chemin de la mère de famille

La tranquille disponibilité fondamentale de la femme lui est propre, c’est une ressource vitale pour l’humanité, pour la famille et la société. Aujourd’hui, comme dans tous les cas où on maintient les personnes dans la situation et l’état de « victimes» et que l’on en fait une idéologie, on arrive à mettre des écueils qui brouillent tout. J’en relève deux.


Le féminisme

C’est l’attitude devenue idéologique de la défense de la femme et des femmes qui s’y laissent embarquer. Derrière cette bannière et les revendications les plus variées qui s’expriment, on est loin du véritable savoir-être et bien-être de la femme. On peut suivre, depuis un siècle, les manipulations sociétales, médiatiques et politiques qui s’enchaînent sur les droits absolus des femmes. Il y a les campagnes et revendications orchestrées sur le droit à la disposition de leur corps notamment par rapport à la maternité ; celles très récentes du « genre » pour justifier des

droits à la liberté et l’égalité sexuelle ; celles qui justifient le mercantilisme autour du droit à l’enfant, quand elles deviennent mères-porteuses….


On est loin du dialogue serein qui s’instaure aisément, quand on soutient les démarches de réflexion et de comportement éthiques liées à l’Alliance voulue par Dieu pour le bien des époux, des enfants, de la famille et de la société.

L’IVG

L’aspect légal de l’IVG a été voulu par le législateur comme un remède aux avortements clandestins ou une opportunité médicale garantissant la santé des femmes qui veulent y recourir. Il a répondu aussi à un aspect idéologique de protection par rapport à la maternité, avec la conséquence du non-respect du droit de l’enfant à la vie. Le légal ne fait l’attitude morale juste et on prévoit justement la clause de conscience pour le personnel médical ne voulant pas participer à ce geste.


La réflexion sereine de comportements éthiques passe par des entretiens soutenus concernant la responsabilité de la paternité et maternité responsables au sein d’un couple : bien-être des enfants nés et à naître au sein d’une famille, bien-être de l’épouse particulièrement concernée par sa maternité. Tous les éléments éthiques du sens de la vie et de son respect absolu sont à peser et à prendre en compte auprès de personnes bonnes conseillères en ces domaines.



Démarche spirituelle pour cette vocation de mère de famille



Pour les Pères de famille, nous avons suggéré les initiatives utiles de réflexion et de prière. Cela existe très fort pour les Mères de famille avec le Mouvement de la Prière des Mères fondé depuis 20 ans (1996). En contactant des sites qui en parlent, j’ai lu ce cri du cœur : La maternité est une vocation immense et sacrée ! 


Le Mouvement

Des femmes au cœur de mères confient à Dieu leurs enfants et leur famille et même le monde. Elles confient dans leur prière tout ce que l’Esprit-Saint met dans leur cœur : couples en difficulté, problèmes de santé ou de travail, paix dans le monde, chrétiens persécutés…

En France, il y a 3000 groupes enregistrés, pouvant aller jusqu’à 8 personnes.




Le Livret de Prière des Mères1

Le texte a été traduit en 40 langues. En voici des extraits :

  • Seigneur, nous te rendons grâce pour le don de la maternité. C’est une vocation si grande et si bénie.

  • Seigneur, nous oublions souvent combien Tu nous fais confiance en déposant Tes enfants si précieux entre nos mains. Aide-nous à toujours apprécier l’importance d’être mère.

  • Seigneur, donne-moi Tes yeux pour Te voir en mes enfants, Ton cœur pour les aimer, et Ta douceur pour les aider à grandir. Donne-moi Ta sagesse pour les conseiller et Ta force pour les laisser partir, quand il faudra.


Texte préparé par P. Albert Perrier, Spiritain


PHOTOS


Sainte Anne Trinitaire (copie du statue volée) en bois polychrome – Chapelle Sainte Anne (cimetière) VERVINS ( Références : FR013CFRDJ0117- Copyright : Tranvouez/CFRDJ)



Vitrail moderne de la Nativité, H.M. MAGNE des ateliers LEGLISE –Paris en l’église de SOMMESOUS (51). (Références : FR010CFRDJ0110 – Copyright : Tranvouez/CFRDJ).




1 Contact Prière des Mères – 69 Boulevar Lannes – 75116 PARIS – Tél 01 45 04 03 82 – Pour le livret envoyer une lettre timbrée à 1,02 , libellée à votre adresse.

FICHE SP05 – La vocation de père de famille.


Le Pape François, en sa catéchèse du 15 avril, sur La famille et notamment la complémentarité homme et femme, la présente comme source d’une vocation pour la communion et la génération, toujours à l’image et à la ressemblance de Dieu. Nous aurons deux volets pour y réfléchir : vocation de père de famille et vocation de mère de famille. Le Pape ajoute clairement le sens de cette vocation unique : une Alliance et dit : Dieu a confié la terre à l’alliance de l’homme et de la femme. C’est donc fondamental.


Aspects de la vocation de père de famille

La qualité d’une vocation exprime son sens profond, son éthique. Il est possible, à l’expérience, de souligner trois aspects de la vocation de père de famille.


  • L’époux

Dans l’esprit profond d’alliance de l’homme et de la femme, le premier pas ce sont les fiançailles. Le jeune homme devient le promis à celle qu’il a choisie et à celle qui, de son côté, l’a choisi. Ce n’est pas rien alors de faire des projets ensemble et même, aujourd’hui, de voir beaucoup de réalités matérielles pour organiser cette vie ensemble : travail et salaires mis en commun, maison louée et projet de bâtir la « nôtre », liens avec les parents qui commencent à être les beaux-parents pour mieux s’apprécier. On peut dire que le couple humain se constitue, progresse et s’épanouit.


La première démarche propre du promis et fiancé, c’est d’apprendre à se détacher de certaines de ses habitudes de jeune homme libre : rentrer plus vite après son travail et moins traîner avec les copains ; mettre ses ressources matérielles, peut-être lui le premier et davantage, à la disposition du couple ; assumer en connaissance de cause des engagements, et y veiller sur le moyen et le long terme. Il assure une certaine logistique ou organisation de la vie du couple.


La seconde démarche, spirituelle ou éthique, c’est apprécier son appartenance à sa fiancée. C’est elle, et elle seule, qui devient peu à peu son épouse. Il y a une fidélité qui s’appuie sur une maitrise assumée de sa sexualité et se nourrit et se renforce par l’amitié et l’amour du cœur. Le coeur sait alors apprécier les qualités de la fiancée et de l’épouse, comme aussi lui offrir les siennes propres.


Ces échanges sont les fondements du couple et de son alliance. Ils débouchent dans le choix profond du mariage qui officialise des épousailles, au civil et devant la société. Quand les cœurs vibrent aussi de la même foi au Seigneur Jésus-Christ, c’est le sacrement de mariage où l’amour des cœurs est nourri de l’Amour du Seigneur Jésus lui-même qui est au coeur de cette Alliance.


  • La paternité

Le choix de l’enfant à naître exige un dialogue où il est d’abord question de fécondité commune. La maitrise des éléments pour la paternité et maternité responsable est importante. Au titre de « père », il est invité à prendre en compte les temps propres de la fécondité féminine. C’est un dialogue indispensable et hautement fructueux, spirituel, car il touche à l’être même de l’enfant : un petit d’homme, à l’image et la ressemblance de Dieu. Ce que rappelle l’un des intervenants du Symposium quand il dit : « Nous sommes davantage les enfants de Dieu que ceux de nos parents, au point que le langage traditionnel dit que nous sommes confiés à nos parents et que les parents reçoivent les enfants qu’ils ont conçus à deux. » (P. EdouardMarie Gallez)


Ensuite, la vie étant là, elle doit être protégée dans ses dimensions matérielles et spirituelles. «Aux hommes, (pères de famille), revient de permettre autant que possible qu’il en soit ainsi, et d‘organiser la société dans cette perspective de paix, de vie et de justice, c’est-à-dire le contraire de la volonté d’asservir et de tuer, où les hommes s’illustrent trop souvent » (Même auteur).


  • L’éducateur

L’éducation n’est pas d’abord « nationale ». Elle est familiale. Les réflexions spirituelles du numéro 334 y ont toute leur valeur.


Le père de famille éducateur ou « celui qui fait grandir » a sûrement d’autres approches à faire siennes que ce que j’appelle plus bas les écueils, dont l’un au moins concerne l’éducation nationale qui banalise le « savoir-être humain » par des modèles évacuant la culture et s’imposant comme une appréciation idéologique des choses de la vie.


Le père de famille peut et doit choisir et revendiquer d’autres références humaines et civiques, car le légal n’est ni l’éthique, ni la morale dans cette affaire très sérieuse. Dans des conseils de parents d’élèves, c’est prendre sa responsabilité.


Ecueils actuels sur le chemin du père de famille

Les écueils évoqués sont des réalités qui sont là et qui semblent s’imposer à première vue. Mais justement, si évidents dans leur nocivité et impasse, ils font l’objet d’une attention approfondie du point de vue humain même et spirituel. Beaucoup rejoignent les avertissements ou alertes à leur sujet.


  • Le « genre »

Il est approprié ce texte du Pape François : « La culture moderne et contemporaine a ouvert de nouveaux espaces, de nouvelles libertés et de nouvelles profondeurs pour l’enrichissement de la compréhension de la différence et réciprocité entre l’homme et la femme.


Mais elle a introduit beaucoup de doutes et de scepticisme. Par exemple, je me demande si la fameuse théorie du genren’est pas aussi l’expression d’une frustration et d’une résignation qui vise à annuler la différence sexuelle parce qu’elle ne sait plus se confronter à celle-ci. Oui, nous risquons de faire un pas en arrière. En fait, la suppression de la différence est le problème et non la solution… Je voudrais exhorter les intellectuels à ne pas déserter cette question, comme si elle était devenue secondaire pour l’engagement en faveur d’une société plus libre et plus juste.(Catéchèse du 15 avril 2015)


  • Le « père absent » ou irresponsable

L’absence du père est soulignée assez souvent dans les situations monoparentales des femmes élevant seul les enfants, après séparation. C’est une réalité. Elle est atténuée lorsque des accords du couple sont faits pour protéger les enfants et sont honorés.

Cette absence du père est aussi à l’horizon de bien des difficultés psychologiques et profondes lorsque la paternité génétique sera absolument impossible à déterminer dans tous les cas d’utilisation de la gestation pour autrui, alors même que l’enfant désirera retrouver sa filiation.


L’irresponsabilité qui est visée est plutôt de l’ordre d’un risque ou d’un manque qui, diffus, est pourtant préjudiciable, car comme le dit l’auteur cité : «Il n’y a rien de plus anti-masculin que l’irresponsabilité », et il poursuit : « On peut ranger dans cette catégorie les responsabilités diluées des conseils et autres assemblées de consensus où personne n’est plus là pour assumer quoi que ce soit et pour répondre. (Edouard-Marie Gallez)


Démarche spirituelle pour cette vocation de père de famille


L’Archiconfrérie Saint-Joseph de Beauvais a dans ses Statuts la conviction qu’elle «doit promouvoir aujourd’hui les domaines d’évangélisation où saint Joseph est source d’inspiration : rôle de l’époux, rôle du père, modèle du travail, du silence et de la prière, respect de la vie où son patronage est particulièrement à recommander ».


Des groupes de fidèles voulant atteindre ces buts peuvent être encouragés et accompagnés par l’Archiconfrérie, et notamment le Messager qui propose des réflexions spirituelles comme celle que vous venez de lire. Elles précisent les enjeux d’une vocation de père de famille et donnent à méditer et à partager des recherches, des convictions et de témoigner par des engagements concrets. Convictions renforcées et engagements concrets marchent de pair et se renforcent mutuellement.


Groupe de réflexion et de prière des pères de famille. Voilà le projet que nous soumettons à votre attention. Nous nous engageons à tenir prêt un document mensuel : Lettre aux pères de famille pour tout groupe qui se met en route par une rencontre mensuelle de réflexion et de prière. Ce sera un guide pour un échange et un temps de prière entre pères de famille. Il est même conseiller d’envisager soit des groupes de personnes de même génération, soit des groupes de deux ou trois générations, l’expérience des plus anciens pouvant être précieuse.


Texte préparé par le P. Albert Perrier, Spiritain


Références utiles

  • Ce texte vient de paraître dans le MESSAGER de SAINT JOSEPH, bulletin de l’Archiconfrérie Saint-Joseph de Beauvais n°335, pages 7 à 10. Le numéro suivant évoquera la Vocation de mère de famille. Tout cela est en lien d’une part avec les Synodes sur la famille (octobre 2014 et octobre 2015- et d’autre part avec le souci d’animation auprès des Associées de l’Archiconfrérie et des lecteurs du MESSAGER. On peut souscrire un abonnement annuel de 10 € (adresse ci-dessous).


  • Les citations du P. Edouard-Marie Gallez sont tirées de sa causerie : Saint Joseph et la mission paternelle : ce qu’elle est devenue dans un monde post-chrétien et la manière dont elle peut y être découverte. A paraître dans les Actes du 2éme Symposium Beauvais-Troussures, des 17-19 mars. Souscription ouverte à 15 € (frais d’envoi compris). Contact : CFRDJ/Archiconfrérie Saint Joseph – 56 rue de la Madeleine – 60000 BEAUVAIS. – Ordre du chèque : CFRDJ.


  • Photos


Mariage de Marie et Joseph - Vitrail C. Champigneule –Bar-le-Duc (1881) – transept sud église ND de l’Assomption VERVINS – Références : FR013CFRDJ0122 - Poids : 2,80 mégas. Copyright : CFRD- Tranvouez


Nazareth – scène d’un vitrail du 16ème s. (restauré eau 20ème)-Eglise St Pierre et St Paul JOUARRE (77). Références : FR013CFRDJ0021 – Poids = 806 ko. Copyright : CFRDJ- Tranvouez.




FICHE SP04 - La grandeur de Joseph par Gilles de Christen (fin) (3)

 

 

Nous poursuivons toujours notre apologie de saint Joseph, notre découverte de la grandeur de ce saint, dont j’espère que vous qui lisez ces lignes commencez à vous dire qu’en vérité, en vérité, oui, il ne peut y avoir plus grand saint que lui, créature plus grande que lui, en dehors de Marie qui est toujours sous-entendue puisque avec le Christ ils forment le sommet de toute la Création, la Sainte Famille. Nous allons ici prendre conscience que Joseph est véritablement supérieur aux anges…!

 

Joseph est supérieur au monde angélique

 

La grandeur de Joseph se manifeste dans le fait qu’il est en lui-même plus grand que tous les anges du ciel. C’est Charles Sauvé qui a donné le meilleur commentaire de cette supériorité de Joseph sur tout le monde céleste, pour chaque famille d’anges. Je vous le livre avec plaisir : « Si vous allez parcourant chaque hiérarchie des anges, vous trouverez toujours leur rôle particulier dépassé par celui de Joseph :

 

1) la mission des Anges est de manifester la bonté de Dieu aux créatures. [Celle de] Joseph est de [la] manifester… au Fils de Dieu lui-même… et par une bonté que les anges ne connaissent pas, la bonté la plus parfaitement paternelle, la plus parfaitement conjugale.

 

2) [la mission des] Archanges, c’est d’être la révélation de Dieu à l’égard des anges et des hommes. Le rôle de Joseph est de redire Dieu à l’adorable humanité de Jésus… qui a voulu avoir toujours sous les yeux un spectacle plus révélateur de Dieu que la vue des plus parfaits des anges…, la vue de la bonté de son Père éternel réfléchi en la bonté paternelle de Joseph en même temps que la bonté maternelle de Marie.

 

3) les Principautés sont l’image du gouvernement des créatures par Dieu. O Saint Joseph…, le Roi du monde vous est soumis comme un Fils, et la Reine des Vierges vous reconnaît comme son Époux et son Chef.

 

4) les Puissances adorent spécialement la justice de Dieu… depuis le Paradis terrestre d’où elles chassent les rebelles…. Mais il me semble que saint Joseph est, comme la Vierge, bien autrement redoutable aux démons.

 

5) le chœur des Vertus représente la force de Dieu. Mais quand… je vous vois porter…, comme un père porte son enfant, Celui qui porte le monde, je vous admire plus et vous salue avec plus de vénération que les Vertus des Cieux.

 

6) le chœur des Dominations adore et représente… le domaine et l’autorité de Dieu sur les créatures. Et pourtant ne doivent-elles pas… s’incliner devant un pauvre ouvrier qui représente l’autorité de Dieu sur son Fils incarné et sur sa très sainte Mère ?

 

7) les Trônes sont le repos de Dieu. Un pareil rôle… est sublime ! Et voici pourtant un rôle plus sublime encore : Saint Joseph est le Trône où le Fils de Dieu… se repose et se complaît, mieux que s’il était porté par les anges….

 

8) les Chérubins sont spécialement des êtres de lumière. Dieu est la Lumière même et c’est Dieu Lumière que les Chérubins glorifient. Mais qu’est-ce que Jésus ? N’est-il pas la Lumière incarnée ? Et il y a deux êtres qui initient à sa Lumière mieux que tous les autres êtres, c’est Marie sa mère virginale, et c’est Joseph qu’en tant que Fils très aimant il enrichit de tous ses trésors les plus précieux et il n’en est qu’un de plus précieux que la Lumière, c’est l’Amour.

 

9) enfin, tout près de Dieu je vois les Séraphins, qui sont les représentants de l’Amour infini…. Qu’est-ce que la Charité ? C’est l’amour divin mutuel…. Combien l’amour mutuel entre Dieu et vous me semble plus admirable que l’amour mutuel entre Dieu et les Séraphins, car c’est un amour mutuel de Père et de Fils… !

 

Ainsi, en parcourant les célestes hiérarchies, des anges aux Séraphins, je vois toujours votre rôle dépasser d’une manière éminente le rôle des [puissances célestes] ».[i] Et il ajoute dans le même chapitre : « Je vous le demande, est-ce que Jésus a jamais dit, est-ce qu’il peut dire à un séraphin : "mon Père" ? Est-ce que Marie a dit, peut dire à un séraphin : "mon Epoux" ? ».[ii]

« O Saint Joseph, dans aucun saint, dans aucun ange les traits de l’adorable Trinité ne sont si profonds, ni si splendides qu’en vous ! ».[iii] « Dès Nazareth, les anges admiraient en Saint Joseph des reflets incomparables de la bonté, de la sagesse, de la vie de Dieu. Il est, après Marie, la plus parfaite image de Notre Père céleste ».[iv] Oui, il est clair que Joseph est au-dessus du monde angélique !

 

Joseph, « reflet resplendissant de la Gloire du Père »

 

A la gloire que donnent à Joseph les textes qui précèdent, j’ajouterai celle-ci, qui lui est donnée par Jean-Jacques Olier : Joseph est « l’image des beautés [éternelles] du Père »[v], texte non cité précédemment puisque j’allais le citer ici.

 

Je rapproche ces différents textes de la description du Fils faite par l’auteur de l’épître aux Hébreux : « reflet resplendissant de la gloire du Père…, le Fils est placé au-dessus des anges, car il possède… un nom bien plus grand que les leurs. En effet jamais Dieu n’a dit à un ange  "tu es mon Fils"… ou encore "je serai pour lui un Père et il sera pour moi un Fils" ». Or Dieu lui-même a voulu que Joseph puisse dire, lui aussi, à propos du Fils : « je serai pour lui un Père et il sera pour moi un Fils ». Ce cas est unique dans toute la Création, y compris angélique ; il ne concerne que Joseph et Marie !

 



[i]  

Compte tenu de ces rapprochements, compte tenu de ce que Joseph est - avec Marie et de manière inséparable, indissociable - incontestablement plus grand que tous les anges, ne peut-on pas appliquer aussi ce texte à Joseph (comme on pourrait tout aussi bien l’appliquer à Marie, mais ces lignes concernent ici Joseph) ? Simplement, l’attribuer à Joseph (comme naturellement à Marie) n’est pas du tout aberrant. Voilà ce que cela donnerait pour Joseph : « Joseph, resplendissant de la gloire du Père, est placé au-dessus des anges, car il possède un nom bien plus grand que les leurs. En effet aucun homme n’a jamais pu dire à Dieu lui-même : "tu es mon Fils"… ou bien "je serai pour lui un Père et il sera pour moi un Fils" » [i]. Ce rapprochement nous permet d’imaginer la grandeur de la paternité de Joseph !

 

Si dans la Sainte Famille l’Église vénère plus particulièrement (et d’une manière incomparablement plus grande) deux de ces membres, le Fils et Marie, il apparaît que Joseph en est lui aussi à un membre éminent et mériterait une reconnaissance qu’il n’a pas, pour ne pas dire qu’il ne « veut » pas avoir pour le moment, comme si ce n’était pas son heure. Lui, le Chef de la Sainte Famille, son « bon pasteur ! », lui qui garde au ciel toute son autorité de Père, nous reste caché… jusqu’au jour où « Dieu lui-même déchirera le voile qui nous a empêché jusqu’à maintenant de voir à découvert les merveilles du sanctuaire de l’âme de Joseph », comme l’a écrit de manière si belle et si juste le père Jean Jacquinot [ii]. Mais jusqu’à présent, tout comme le Père éternel, il demeure caché à nos yeux d’hommes. Il ne l’est certainement pas pour le reste de la Création, pour les anges en particulier, ou pour ceux qui sont déjà au ciel dans la vision plénière, mais il l’est aux hommes sur terre. Quel mystère auquel tout semble sans cesse nous ramener !

 

Mille cherubini in coro !

 

A propos des anges, je voudrais conclure ces textes par un chant, ce très beau cantique de Noël, de Franz Schubert, qui refait surface depuis qu’Andrea Bocelli le chante. Cette musique est magnifique ; une musique angélique, une musique divine, celle de « mille Chérubins » qui, avec une tendresse incroyable, veillent sur l’enfant Jésus. Sous l’inspiration du Psaume 90/91, verset 11, il y est écrit que ces mille Chérubins « veillent [sur le Christ] et protègent son chemin ».

 

Pourtant qui d’autre encore « veille sur lui et protège son chemin », sinon celui qui en est par excellence sur terre le protecteur dans son autorité paternelle ? Dès lors on constate qu’est attribué à Joseph, aidé de Marie, une mission qui relève des Chérubins eux-mêmes, les plus « hauts » de tous les anges après les Séraphins. N’est-il pas extraordinaire qu’un homme puisse remplir une telle mission, donnée normalement aux plus grands des anges ?

 

Mais surtout à travers cette musique, l’on voit ces chérubins se pencher avec un amour infini (à leur mesure…, c à d. sans mesure) sur le Verbe Incarné, tout remplis d’émerveillement devant cet enfant qui est leur Dieu, qui est Dieu tout court. Mais qui voient-ils auprès de cet enfant, auprès de Dieu ? Joseph et Marie ! Et je me dis que cette merveilleuse musique divine, ils la chantent, remplis d’émerveillement certes devant le Fils, mais aussi devant celui et celle par qui cette naissance se réalise ; ceux qui ont dit "OUI" au Plan éternel de Dieu ; ceux qui lui ont permis de se réaliser et qui, bien plus encore, vont veiller sur cet enfant et le faire grandir. Et ils ne vont pas faire grandir n’importe quel enfant, mais un Dieu fait homme ! Dieu qui se fait faible, petit, qui veut tout apprendre, mais qui n’en est pas moins… Dieu ! Ceux-là ont donc en même temps la mission de faire grandir cet homme-Dieu, del’« é-lever » en quelque sorte jusqu’au niveau humainement le plus proche possible de sa divinité.

 

Mystérieusement, cela sera surtout le rôle de Joseph en tant que Père. Tout cela les anges le savent et le voient. Et ils sont tout ébahis par cet homme et cette femme, qui sont tellement au-dessus d’eux, puisque l’un et l’autre vivent une proximité unique, que dis-je ? une intimité unique avec le Verbe Incarné ! Comme je viens de le rappeler, quel ange a jamais pu dire « mon Fils » au Verbe ? ou encore en le présentant à leurs hôtes, proches, amis ou simples relations de passage : « voici Jésus [et ils savent qu’il est Dieu], mon Fils bien-aimé » ?

 

C’est donc aussi cela, le fruit de « l’Union hypostatique », découvrir et contempler, avec tous les anges et tous les saints, la beauté et la grandeur merveilleuses de Joseph et Marie ! C’est pour cela que je ne pouvais qu’adhérer aux propos de Charles Sauvé sur le fait que Joseph est plus grand que tous les anges, même les plus proches de Dieu. Oui, j’adhère, je crois en la grandeur merveilleuse de Joseph comme à celle de Marie, et ce temps de Noël où j’écris ces lignes ne peut que me conforter dans cette certitude. « Attendez la venue du Seigneur ; il mettra en lumière ce qui est caché… et fera paraître les intentions secrètes. Alors la louange qui revient à chacun lui sera donnée par Dieu » (1 Co 4,5). Et nous découvrirons alors la splendeur de la gloire de Joseph !

 

Fin



[i] Je rappelle que le fait de supprimer certains passages d’un texte de référence est classique. Je ne prendrai qu’un seul exemple, mais il est reproductible presque à l’infini. En effet à propos de la prophétie de l’Emmanuel il est bien dit que « de crème et de miel il se nourrira jusqu’à ce qu’il sache discerner le mal du bien, mais avant même que cet enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, elle sera abandonnée, la terre dont les deux rois te font trembler » (Is 7, 15-16) ; or ces deux informations ne correspondent pas à la venue du Christ telle qu’elle s’est réalisée, ce qui n’empêche pas que nous voyions dans ce texte une prophétie réelle de la venue du Christ – Emmanuel, et moi-même je la prends comme telle, sachant qu’il faut parfois savoir trier dans les textes reçus pour ne retenir de ce texte que telle ou telle phrase et non son ensemble sans discernement.Charles Sauvé, Saint Joseph Intime, Ed. de Gigord, Paris, 1920, P.

[ii] Jean Jacquinot, jésuite, provincial de Lyon puis supérieur de la maison professe St Louis à Paris, Les gloires de Joseph, Dijon, 1645

 

 

 

 

REPRODUCTIONS

Statue originale de Joseph et l’Enfant, œuvre de Laurent DELVAUX, en l’église Saint-Jacques (Bruxelles) – BE008CFRDJ0052.jpg – poids de 4,25 mégas – Copyright : Tranvouez-CFRDJ

 

Statue Saint Joseph et l’Enfant en l’église Saint-Jean-Baptiste (Bruxelles) – BE008CFRDJ0054.jpg – poids de 2,55 mégas. Copyright : Tranvouez-CFRDJ.Charles Sauvé, L’Évangile Intime, livre 1 la vie cachée, Ed. Vic et Amat, Paris, 1911, P.

 

 

FICHE SP03 - La grandeur de Joseph, par Gilles de Christen (suite) (2)

 

Evocations de la grandeur de Joseph par quelques auteurs

 

Nous poursuivons notre découverte de la grandeur de Joseph. Et je citerai ici quelques auteurs, un par époque pour ne pas faire trop long :

« La naissance [du Christ] a été toute céleste, parce que l’union des deux époux, Marie et Joseph, était toute céleste » disait Saint Rupert de Deutz (ou de Liège), ce grand théologien belge du moyen âge [i].

 

Au 16ème siècle, une Sainte Thérèse d’Avila exprime pour la première fois une expérience personnelle : « le glorieux saint Joseph, je le sais d’expérience, étend son pouvoir à tous nos besoins. Comme si Notre Seigneur voulait nous faire comprendre que, de même qu’il lui fut soumis sur cette terre, il se plaît encore à faire sa volonté au ciel en exauçant toutes ses demandes ».[ii]

 

Au 17ème siècle, "Monsieur" Olier exprime toute son admiration devant la paternité de Joseph : « Le Père habite l’âme de Joseph », à tel point que « quand on voit Joseph, on se met à genoux devant l’image (l’icône) du Père pour adorer le Père ».[iii]« Le Fils de Dieu s’étant rendu visible en prenant chair humaine, conversait et traitait visiblement avec Dieu le Père, voilé sous la personne de St Joseph par lequel son Père se rendait visible à lui ».[iv]  



 

.

Au 18ème siècle, Saint Léonard de Port Maurice est lui aussi émerveillé par Joseph : « Réjouissez-vous, pieux serviteurs de Saint Joseph, car le paradis est près de vous et l’échelle qui y monte n’a que trois degrés : Jésus, Marie, Joseph… Gravez ces trois noms célestes dans vos cœurs ! Prononcez-les souvent ! Ecrivez-les partout ! Répétez-les plusieurs fois par jour et qu’ils soient encore sur vos lèvres à votre dernier soupir ! […] Je le dis hardiment : avant de devenir l’époux de Marie, il a fallu que Joseph fût déjà l’âme la plus grande qui ait jamais paru dans le monde, excepté celle de l’auguste Vierge que je sous-entends toujours. […] Tombez à ses pieds, prophètes, patriarches, apôtres, martyrs, thaumaturges, et vous tous, grands du ciel et de la terre, tombez donc à ses pieds, comme autrefois le soleil, la lune et les étoiles s’inclinèrent devant le premier Joseph pour l’honorer, car ces privilèges qui vous ont été accordés partiellement, Joseph les a possédés tous et à un degré parfait ».[i] 

 

Frédéric William Faber, Oratorien anglais du 19ème siècle : « [Joseph] est le plus caché de tous les saints et enveloppé dans les nuages mêmes et les ombres qui environnent la source incréée de la divinité ». [ii]« Il n’y a pas d’ange qui peut aimer Jésus comme Joseph l’aimait,comme Joseph [est] tenu de l’aimer. [iii] 

 

Au 19ème siècle, Charles Gay est à son tour émerveillé : « aucun mot humain, ni aucun assemblage de mots humains ne suffit à exprimer complètement ce caractère, qui est tout ensemble d’une majesté et d’une simplicité inouïes. Les proportions de Joseph dépassent celles des êtres terrestres. Dès le monde, il est tout du ciel…. Joseph entre de plain-pied, il entre de plein droit, il entre comme Prince, comme Chef, comme Père, dans ce gouvernement humain de la vie de Jésus et de Marie. Cela [lui] confère une dignité incompréhensible et nous le montre investi d'une clarté que n'atteint pas celle des Séraphins ».[iv]

 

Vers 1910, Charles Sauvé ne cessera jamais de s’émerveiller devant Joseph : « Au centre de tous les anges et de tous les saints, trois visages m’apparaissent comme une vision incomparable de sainteté et de gloire ! C’est Jésus, Marie et Joseph ! La Sainte Famille, voilà l’idéal de la sainteté sur la terre et dans le Ciel ! ».[v] « Le monde a été créé pour la Sainte Famille et gravite autour de cette Trinité de la terre ».[vi] « Mon Dieu…, lorsque vous formiez … ces légions splendides de beauté, ces familles brûlantes d’amour que nous appelons les Séraphins, les Chérubins…, lorsque vous créiez, sanctifiiez et glorifiiez les Anges, [vous] n’aviez d’yeux que sur une Famille [la Sainte Famille] remplie de plus de lumière, brûlante de plus d’amour ! ».[vii] « Saint Joseph est avec Marie uni à Jésus d’une union sans pareille qui achève la Sainte Famille et se referme sur elle comme sur un sanctuaire où nul sur la terre n’entrera jamais ».[viii] « O Saint Joseph…, dans aucun saint, dans aucun ange les traits de l’adorable Trinité ne sont si profonds, ni si splendides qu’en vous ».[ix] « L’âme qui contemple Saint Joseph pourra trouver en lui, mieux qu’en tout autre saint, une réfraction de la sainteté divine, un reflet de sa majesté, une ombre de son immutabilité et de son éternité ! ».[x]

 

Au 20ème siècle je retiendrai un seul nom, celui d’un pape, Paul VI : « Au seuil du Nouveau Testament comme au seuil de l’Ancien se dresse un couple. Mais, tandis que celui d’Adam et Ève fut la source du Mal qui a déferlé sur le monde, le couple de Joseph et Marie est le sommet d’où la Sainteté se répand sur la terre ». [xi]

 



[i]


                      

L’ordre de l’union hypostatique est au dessus de toute la Création

 

On comprend mieux cette grandeur quand on parle de « l’union hypostatique ». Sur ce point, le Père Charles Sauvé évoque « la grandeur, la sainteté de…  l’union "sur-angélique" (sic) de Joseph et Marie », « union incomparablement chère et précieuse à Dieu » après « l’union du Verbe et de son humanité » [1] que l’on appelle depuis 431 « union hypostatique ». Ces deux unions se retrouvent dans la Sainte Famille où elles sont intimement et éternellement liées. Sans l’union de Joseph et Marie pour accueillir l’union hypostatique, celle-ci était impossible ! Inversement, s’il n’y avait pas eu l’Union hypostatique, il n’y aurait pas eu l’union de Joseph et Marie, leur existence étant toute « ordonnée » à l'Incarnation.

 

Seuls Marie et Joseph appartiennent à « l’ordre de l’union hypostatique », un des trois « ordres », un des trois niveaux successifs de relation à Dieu  qui existent dans la Création, que Francisco Suarez, un jésuite espagnol du 16ème siècle, a pu définir [2]:

l’ordre de la nature, qui concerne toute la Création en général,

- l’ordre de la grâce, qui ne concerne plus que les anges et l’homme,

- et l’ordre de l’Union hypostatique, qui se situe au-dessus des précédents.

 

Ce dernier ordre ne concerne plus que la Sainte Famille, car c’est dans la Sainte Famille que s’est réalisée cette Union par laquelle le Christ demeure désormais éternellement à la fois Dieu et homme. De la Création, seuls Marie et Joseph appartiennent donc à cet ordre. Aussi Suarez a-t-il pu dire que « « uni indissolublement à Jésus et à Marie, Saint Joseph appartient à l’ordre hypostatique ; et tous les saints et les anges "gravitent" autour de l’ordre hypostatique ».[3] Ce que reprendra le pape Pie XI quand il dira et ceci à propos de Joseph, un 19 mars pour sa fête, qu’ « aucune gloire ne peut surpasser celle d’avoir eu la révélation de l’union hypostatique du Verbe divin ».[4]

 

Charles Sauvé sera on ne peut plus clair à ce sujet : Joseph appartient à un « monde supérieur au monde des saints et aux chœurs des anges, [à] la Sainte Famille, le monde de l’ordre de l’union hypostatique auquel jamais aucun Séraphin n’aura l’insigne honneur d’appartenir ».[5]

C’est pourquoi la Sainte Famille est appelée en espagnol « la Famille Sacrée ». Car elle est sacrée ! Sacrée pour nous les hommes, mais aussi sacrée pour Dieu. Elle est ce qu’il y a de plus beau dans toute sa Création, pour que celle-ci "gravite" autour d’elle. Elle est "divinisée" (et non déifiée) notamment par la présence du Fils, et du Fils en tant que Fils, rehaussant encore plus la grandeur de ses parents humains. Divinisée veut dire qu’elle a reçu de Dieu les attributs qu’Il a voulu lui donner, dont nous serons un jour revêtus en bonne partie lorsque nous entrerons à notre tour de plain-pied dans la Vie éternelle à la Résurrection.

(à suivre)



[1] Charles Sauvé, St Joseph intime, PP 90, 31, 30

[2] Francisco Suarez, De myst. Vitae Christi, Comm. in IIIam Quest..29 Disputatio 8 Sect.1 n°10 dans Opera omnia, cité par Vivès, T.19   PP. 122-123

[3] Francisco Suarez : Vivès T.19 P125

[4] Pie XI, discours du 19 mars 1928 en la solennité de St Joseph

[5] Charles Sauvé, opus cité, P.232

 

 

REPRODUCTIONS

Adoration des Mages en l’église de LA CHAPELLE (Bruxelles) – BE008CFRDJ0048Jpg – poids 1,11 Mo – Copytriht : Tranvouez-CFRDJ

 

Statue assez originale de Joseph et l’Enfant en l’église de BON SECOURS (Bruxelles)

BE008CFRDJ0051.jpg – poids 2,59 Mo – Copyright : Tranvouez-CFRDJ

 

 

 

FICHE SP02 - La grandeur de Joseph, par Gilles de Christen - (1) 

 

Nous publions 3 réflexions sur la Grandeur de Joseph par Gilles de Christen, auteur du livre FLORILEGE. Il s’inspire de la grande tradition de l’Eglise qu’il creuse pour nous donner le sens d’une dévotion envers saint Joseph selon sa place éminente dans le mystère de l’Incarnation de Jésus.

La grandeur de Joseph est inconnue à la plupart des chrétiens, même si nombreux ne peuvent pas concevoir qu’elle ne soit pas à la hauteur de sa mission, celle de Père du Fils et d’Époux de la Vierge. Pour vous y introduire, je commencerai, dans ce premier texte sur ce sujet, par prendre quelques exemples qui vous montrent que nul en dehors de Marie ne peut être plus grand que Joseph sur la terre et dans les cieux. Sa grandeur a fait l’objet de multiples ouvrages qui furent célèbres en leur temps, durant la Renaissance et « le grand siècle de Joseph » (qui recouvre la fin du 16ème siècle et tout le 17ème).

 

Joseph & Marie siègent à la droite et à la gauche du Christ

 

Voici le premier exemple, tiré de ce passage où l’on voit Jacques et Jean demander au Christ de «siéger à sa droite et à sa gauche dans sa gloire », ce à quoi le Christ leur répond : «siéger à ma droite ou à ma gauche…, c’est [réservé] à ceux pour qui cela a été destiné, pour qui mon Père l’a destiné » (Mc 10,40 et Mt 20,23). Jean, «celui que Jésus aimait », pourrait l’être. N’est-il pas celui qui a le mieux résumé qui est Dieu lorsqu’il le définit ainsi : «Dieu est Amour », et quelle profondeur que son évangile ! Mais son frère Jacques aussi ! Il est l’un des premiers martyrs et il ne faut pas oublier la grande vénération dont il jouit dans l’Eglise à Saint-Jacques de Compostelle, l’un des sommets de pèlerinage de toute la chrétienté. Nous pourrions dire la même chose de Pierre, de Paul ou de Jean Baptiste. Pourtant il m’a semblé trouver dans la Bible, comme dans l’histoire de l’Eglise, deux réponses pour comprendre qui la Trinité peut estimer digne de siéger ainsi, « à la droite et à la gauche » du Verbe dans les Cieux.

 

La première réponse nous vient de Paul. En Eph. 3,14 il évoque plus Joseph que Marie : «je tombe à genoux devant le Père, qui est la source de toute "paternité" … sur la terre », phrase qui concerne en tout premier lieu, avant toute autre créature humaine, Joseph ! En fait un peu plus bas, Eph. 3,18 concerne le couple de Joseph et Marie plus que tout autre créature terrestre : «vous serez capable de comprendre ce qu’est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur…, vous connaîtrez l’Amour du Christ qui surpasse tout ce que l’on peut connaître ». Si nous serons capables de le comprendre au ciel, nul sur terre ni même dans les cieux n’a vécu ce qu’ils ont vécu avec le Fils pour pénétrer - au même degré qu’eux - toute l’immensité de l’Amour de Dieu. Ne peut-on pas dire qu’eux, ils ont été capables de le comprendre, de le « toucher » même, à un degré inouï.

En effet, Dieu, comme je l’écris plus loin, a été touché jusqu’au plus profond de son cœur - c’est une image anthropomorphique, mais il nous faut bien nous comprendre entre nous - par l’appel au secours que Joseph & Marie ont lancé aux Cieux pour que soit sauvée l’humanité, appel qui a manifestement résonné dans le cœur de la Trinité avec une force que nul autre homme n’aura jamais pu obtenir de Dieu ; pourtant les évangiles nous montrent un Christ touché par l’appel de cet aveugle que l’on ne connaît que par le nom de son père, Bar (= fils de) Timée, (aveugle donc impur, il n’a plus de nom !), comme celui, silencieux, de "l’hémorroïsse" qui court jusqu’à lui, et qu’il guérit tous les deux.

 

Ainsi, Dieu, répondant à leur appel, vient « établir sa demeure parmi eux » et cette Trinité créée sera comme l’image humaine de la Trinité incréée, nouvelle trinité qui sera la source même de l’Église.

 

Si donc les places « à droite et à gauche » du Christ sont « réservées » pour d’autres, elles ne peuvent l’être que pour Joseph et Marie. Aucune autre créature - même la plus belle des Cieux ! - n’a pu connaître un tel privilège d’intimité divine comme de grâce filiale venant du Fils lui-même ! Je trouve d’ailleurs dans un des ouvrages du Père Charles Sauvé le même mot dans son introduction (mot qu’il répètera encore) : «Joseph va vous apparaître comme résumant éminemment les traits les plus beaux de la sainteté humaine et de la sainteté angélique, surtout la charité et l’intimité divines ». Et il dit ailleurs dans cet ouvrage : «son rôle unique est la raison, la source de sa sainteté sublime et de son incomparable intimité avec Dieu ».[i] 

 

La seconde réponse nous est donnée par l’Eglise elle-même, dans la vénération qu’elle a de la Sainte Famille. Ainsi, l’on peut dire que l’iconographie a depuis des siècles attribué ces places à Joseph et Marie. Car nous voyons sur toutes les icônes de la Sainte Famille Marie plus à gauche portant le Christ au centre, de son bras gauche ; elle est donc à sa droite en réalité. Et nous voyons Joseph - toujours en arrière-plan, toujours comme caché, mystère de Joseph ! - à droite, soit en réalité à la gauche du Christ. Si deux êtres doivent « siéger à droite et à gauche » du Christ, ces places ne peuvent être « réservées » que pour Marie et Joseph ! Et si l’on y réfléchit bien, cela « remet en selle » le rôle de Joseph dans l’histoire de notre salut, c à d. sur notre route vers le Père, et quel rôle a-t-il, sinon celui d’être Père ?

 

Il est une troisième réponse, qui nous est donnée par Dieu lui-même. Ce sont ces passages de l’Ecriture où il est dit qu’il faut honorer ses parents (en Ex 20,12 ou Dt 5,16) ou encore, dans le Livre des Proverbes : «Que ton père et ta mère se réjouissent ! Le père du Juste est dans l’allégresse. Celle qui t’a enfanté sera dans l’allégresse » (Pr 23,24-25). Qui plus que Joseph et Marie le Christ peut-il « honorer » au Ciel ? Nul ne peut dépasser en grâces et en mérites ses parents et ce ne peut être qu’eux qu’il puisse vouloir « honorer » en premier, comme il nous l’a fait comprendre en nous donnant lui-même ce commandement : « honore ton père et ta mère » !

 

Voici enfin - pour Joseph exclusivement - un ultime argument, un texte de Zacharie. Il nous présente le Christ comme un « homme dont le nom est "Germe", qui germera là où il est planté ; il rebâtira le temple du Seigneur et portera les insignes royaux ; il siègera sur son trône en Roi. Un prêtre siègera à sa droite et une paix parfaite règnera entre eux deux » (Za 6,12-13). Or qui aux côtés du Christ pourrait être plus « prêtre » que Joseph ? « Dieu a mis son corps entre ses mains », comme dit un chant. Chef et liturge de la Sainte Famille, le Saint des saints sur terre, il est plus que le Grand Prêtre dans le Temple ! Dire que le Père a voulu qu’à chaque Shabbat il bénisse le pain et le donne en mémoire de l’Alliance éternelle … devant Dieu lui-même ! Comme il fallait qu’il soit agréé, choisi par Dieu pour être si supérieur à tout [grand] prêtre ! De même avec qui pourrait-il « régner une Paix [plus] parfaite » pour siéger à droite (ou à gauche) du Christ ?



[i] Charles Sauvé, Saint Joseph intime, Ed. de Gigord, Paris, 1920, Préface, pages I-II

 

 

 

 

 

La gloire de Joseph, telle que décrite par le patriarche Joseph

 

Je voudrais ici citer des textes de l’Ancienne Alliance qui préfigurent la Nouvelle Alliance en nous parlant spécifiquement de Joseph à travers le premier Joseph, le patriarche, comme préfiguration de Joseph, comme une parabole, une prophétie vivante de Joseph.

1er texte, la gerbe de Joseph : (en Gn 37,5-10) Joseph raconte deux songes à ses frères : «Nous étions à lier des gerbes au milieu des champs ; et voici, ma gerbe se leva et se tint debout, et vos gerbes l’entourèrent et se prosternèrent devant elle »…. « J’ai eu encore un songe ! Et voici, le soleil, la lune et onze étoiles se prosternaient devant moi », car la douzième, c’est lui ! Voici donc Joseph - sa « gerbe » qui donne le blé, lequel donne le Pain de Vie, le Fils de Dieu ! - s’élève au-dessus de nous tous. Devant lui se met à genoux et se prosterne l’humanité, et plus encore même toute la Création, représentée ici par le soleil, la lune et les étoiles qui occupent l’immensité de l’univers créé.

Qui ne ferait pas le parallèle avec la femme de l’Apocalypse ? « Un grand signe parut dans le ciel : une femme enveloppée du soleil, la lune sous ses pieds, et une couronne de douze étoiles sur sa tête » (Ap. 12,1). Si l’on prend Marie comme symbole de cet autre verset, les douze étoiles se prosternent devant elle ; chez Joseph il n’y en a que onze. Est-ce la différence symbolique en Joseph et Marie ? Joseph se prosternerait devant Marie, et Marie ne le ferait pas devant Joseph, alors qu’elle le fit sans doute sur terre (dans le contexte de cette époque) ? Cependant dans la première allégorie la lune et le soleil se prosternent devant lui ; la lune symbolise la femme et se prosterne devant Joseph. Il y aurait donc plutôt stricte égalité de paraboles entre Joseph et Marie. Cela refléterait bien cette égalité de traitement de la part de Sainte Trinité pour la Trinité créée, « sa » Sainte Famille, celle du Fils en premier lieu, qui est aussi celle dans laquelle le Père nous adopte, donc celle du Père en second lieu, tout ceci à travers l’action de l’Esprit Saint, et donc celle de l’Esprit en troisième lieu.

 

2ème texte, Joseph, maître de la maison de Dieu et de son peuple : (en Gn 41,38-44) « Pharaon dit à ses serviteurs : "Trouverions-nous un homme ayant l’esprit de Dieu  comme cet homme ?" Et Pharaon dit à Joseph : "Puisque Dieu t’a fait connaître toutes ces choses et que personne d’autre n’est aussi intelligent et aussi sage que toi, je t’établis sur toute ma maison, et tout mon peuple obéira à tes ordres. Mon trône seul m’élèvera au-dessus de toi". Pharaon dit encore à Joseph : "Vois, je te donne le commandement de tout le pays d’Egypte". Pharaon ôta son anneau de la main, et le mit à la main de Joseph ; il le revêtit d’habits de lin fin et lui mit un collier d’or au cou. Il le fit monter sur le char qui suivait le sien ; et l’on criait devant lui [Joseph] : "à genoux !" ; et Pharaon lui donna le commandement de tout le pays d’Egypte ».

 

Joseph, placé en second, juste en dessous du Père (que symbolise le Pharaon, le Roi le plus puissant de la terre, considéré par l’auteur de ces textes de la Genèse comme le maître de l’univers), Joseph qui reçoit l’anneau symbole du pouvoir de Dieu le Père ! Joseph établi sur toute sa maison (la Sainte Famille) et sur tout son peuple (l’Église, l’humanité) !

 

 

REPRODUCTIONS 

Vitrail de Marie et Joseph en l’église N.D. des Sablons (Bruxelles) – BE008CFRDJ0050.jpg poids 3,61 mégas – Copyright : Tranvouez

Statue de saint Joseph avec des outils en l’église Saint-Pierre de BOUILLON (Belgique) – BE008CFRDJ0047.jpg – poids 4,95 mégas – Copyright : Tranvouez-CFRDJ.


 

 

FICHE SP01 -  Veillée de prière, temps d’ouverture à une causerie de M. Christian Gaumy, le 7 juin 2008.

 

C’est au cœur d’un événement, celui du 1er Symposium du CFRDJ sur Saint Joseph, les 7 et 8 juin 2008.  La communication sur la Figure de Saint Joseph dans la musique baroque (1600-1750) s’est transformée en veillée de prière, le soir du jour anniversaire de l’apparition de saint Joseph à Cotignac, le 7 jui 1660, à la basilique Notre-Dame de Grâces à Cotignac ( Voir Livre des Actes du 1er Symposium sur Sant Joseph à Cotignac , p 73-75 et Note de fin de fiche).

 

Sur le modèle des temps de prière fondés par saint Philippe Néri à l’Oratoire de Rome au XVIème siècle, ce fut un temps de lectures et d’écoute d’extraits de musiques baroques consacrées à saint Joseph. Depuis 1970, il est à souligner que ces musiques sont interprétées par des jeunes gens européens et américains de 20 à 45 ans. C’est un phénomène dont on n’a guère pris conscience aujourd’hui. Ainsi, ce renouveau d’un répertoire musical oublié est assuré par une fraction de la jeunesse occidentale. C’est une révolution silencieuse qui peut amener de fortes pousses spirituelles, qui ne font pas parler d’elles.

 

Veillée de prière

La veillée commence par un ensemble de prières, dont une d’aujourd’hui :

Ô saint Joseph, modèle parfait de la vie intérieure et cachée,

Obtenez-moi le don d’oraison, l’esprit d’humilité,

Et la grâce de mourir comme vous entre les bras de Jésus et de Marie.

 

La lecture des prières suivantes est confiée au Frère Samuel-Bernard, membre de la Communauté des Frères de Saint-Jean à Cotignac et intervenant au Symposium.

Ce sont d’abord des extraits de l’Office canonial complet en l’honneur de saint Joseph,  tiré d’un manuscrit du XIIIème siècle, de l’ancienne Abbaye bénédictine de Saint-Laurent de Liège. L’importance d’un tel document est de livrer le texte complet et la musique du premier office liturgique connu en Occident en l’honneur de saint Joseph. Voici deux extraits de l’office des Vêpres :

Cinq antiennes pour les divers psaumes

  1. Salut Etoile glorieuse, plus claire que votre soleil,  ô juste Joseph,  que votre prière nous délivre des ténèbres et nous obtienne une place dans le règne de la clarté.
  2. Ô Joseph très bon et juste,  daignez accorder à ceux qui se réjouissent de célébrer votre solennité d’être gratifiés et enrichis du don de la vraie lumière.
  3. Ô Joseph très saint,  que Dieu nous accorde de célébrer dignement vos solennités, et que par votre intercession il unisse nos louanges aux louanges des anges.
  4. Ô très doux Joseph, nous recourons à vous et nous vous prions d’être attentif à nos demandes pour nous gagner, par votre sainte intecesion la clémence et la miséricorde de Jésus que vous avez nourri.
  5. Ô très glorieux et très digne Joseph, quel honneur et quelle gloire sont les vôtres dans les délices du Paradis et dans l’amour de Dieu ; puissions-nous y être admis avec vous.

Hymne


Ô Dieu puissant dans les hauteurs                                  

En cette fête de saint Joseph,

Purifiez nos cœurs, conservez nos âmes

Dans la véritable innocence,

Et conduisez-nous au Royaume des Cieux.

 

Donnez-nous des yeux de colombe,

Sans rapacité et sans orgueil,

Toujours fixés ver le Ciel,

Contemplant les choses célestes,

Par l’intercession du juste Joseph.

 

Que nous puissions vous contempler

Avec le regard d’un cœur pur ;

Nous réjouir en vous, Ô Dieu,

Avec tous les anges, dans la gloire,

Par l’intercession du juste Joseph.

 

Soyons la bonne odeur du Christ,

Afin qu’il soit glorifié par tous,

Et que par tous il soit aimé,

Le Dieu dans sa clémence,

Par l’intercession du juste Joseph.

 

Que nos oreilles soient ouvertes

A vos commandements, Ô Christ,

Afin qu’au terme elles soient exemptes

D’ouïr la condamnation redoutable

Par l’intercession du juste Joseph.

 

Exaucez-nous, ô bienheureuse Trinité,

Entendez-nous, ô simple Unité ;

Que par les prières du juste Joseph

Nous soyons unis aux citoyens célestes,

Pour jouir de la gloire avec lui,

Dans la félicité éternelle. Amen

Prière de saint Jean-Eudes (1601-1680)

 

La dernière prière est celle de saint Jean Eudes que d’aucuns considèrent comme le

plus bel hommage théologique et spirituel à saint Joseph.

 

Je vous salue, Joseph, image de Dieu le Père, père du Fils de Dieu, temple du Saint- Esprit, chéri de la Sainte Trinité, fidèle coadjuteur du gran Conseil, digne époux de la Vierge mère, père de tous les fidèles, gardien des vierges saintes, ami très fidèle de la pauvreté, modèle de patience et de douceur, miroir d’humilité et d’obéissance.

 

Que vos yeux qui ont vu ce que vous avez vu soient bénis, vous êtes béni entre tous les hommes ! Bénies soient vos oreilles qui entendirent ce que vous avez entendu ! Bénies soient vos mains qui ont touché le Verbe incarné ! Vos bras qui ont porté celui qui soutien tout ; votre poitrine sur laquelle le doux fils de Dieu s’est reposé ! Béni soit votre cœur enflammé d’un ardent amour. Et béni soit le Père qui vous a choisi, le Fils qui vous a aimé et le Saint-Esprit qui vous a sanctifié !

 

Et bénie soit aussi Marie, votre épouse, qui vous aima comme un époux et comme un frère ! Béni soit votre ange gardien ! Bénis soient éternellement ceux qui vous bénissent et vous aiment !

 

 

Notes :

  • Le texte des Antiennes et de l’Hymne a été aussi publié dans Cahiers de Joséphologie (Montréal) - Vol II, n° 1 et n°2).
  • La partie Ecoute musicale paraît sur ce site en deux fiches intitulées

-          Fiche MU06   Sor Juana Inès do la Cruz – Dieu et Joseph parient

-          Fiche MU07 -  Divers compositeurs, Polyphonies Corses et Chants Syriaques.

 

Photo : Médaillon de la Nativité – Basilique Notre-Dame à ARCACHON (33). Référence       FR011CFRDJ0024.jpg (1 méga ).  Copyright : Tranvouez-CFRDJ. Commande auprès de CFRDJ@aol.com ou perrier.albert@yahoo.fr au coût de 5 € à l’ordre de CFRDJ – Maison Saint-Joseph – 26400 ALLEX.